Cette semaine, nous rencontrons Marina Zuber, co-fondatrice de Nouvel Air Studio, une agence de communication engagée. Avec elle, nous faisons le point sur le rôle du communicant dans la transition, des nouvelles règlementations mais également sur les nouveaux récits à créer.
Pouvez-vous vous présenter ?
Je m’appelle Marina Zuber et je suis communicante depuis plus de 20 ans. J’ai commencé chez BDDP en 1997 puis ai été formée auprès des fondateurs chez BETC.
J’ai également eu une expérience internationale au sein de l’agence DDB pour gérer la communication internationale de Lipton depuis Paris. Je me suis ensuite envolée pour New York, toujours pour travailler pour Lipton mais également pour d’autres marques du groupe Unilever. Cette expérience aura été très formatrice, puisque c’est à ce même moment que Paul Polman a pris la direction globale d’Unilever pour transformer la société et entamer une stratégie de développement durable. C’est donc à ce moment que j’ai pris conscience que je pouvais aussi accompagner des sujets de développement durable en tant que communicante.
En revenant en France je suis retournée chez BETC avant de prendre la direction de TBWA. J’avais donc les rênes d’une agence mais je détenais finalement peu de libertés au vu du contexte marché et des réalités business.
À ce moment-là, je me suis rappelée que ce que je souhaitais, c’était d’être engagée en tant que communicante. C’est avec Constance Barde, qui à l’époque accompagnait des start-ups à impact, que nous avons eu l’idée de co-fonder Nouvel Air, qui tient son nom de l’inspiration trouvée lors de nos grandes marches au plein air lors des différents confinements.
On parle de plus en plus de communication responsable, de quoi s’agit-il exactement ?
Selon l’ADEME, la communication responsable, c’est répondre aux objectifs de communication, de visibilité et de ventes, tout en prenant en compte les urgences sociales et environnementales.
Dans l’édition 2022 de son Guide de la communication responsable, l’ADEME introduit 4 notions piliers : messages responsables, éco-conception des supports, efficacité des messages et éthique, puis relation aux parties prenantes (communiquer pas uniquement pour cibler les consommateurs, mais aussi les collaborateurs, les ONG, les actionnaires…)
Le terme “communication responsable”, bien qu’ayant des vertus pédagogiques, détient toutefois une image un peu scolaire… Chez Nouvel Air nous aimons parler de “communication d’engagement” qui mobilise, embarque davantage. Nous y trouvons une vertu plus positive, engageante justement.
À l’heure où une majorité de citoyens déclarent revoir leurs modes de consommation pour consommer moins mais mieux, quel rôle la communication peut-elle jouer pour appuyer cette évolution ?
Aujourd’hui beaucoup d’experts fustigent la communication et la publicité en les citant comme “l’exemple à ne pas suivre”… C’est un peu triste car nous sommes convaincues qu’elles font aussi partie de la solution.
La communication peut montrer la voie vers des modèles plus vertueux, tels que le reconditionné, la mobilité douce, la location de vêtements, la seconde main. Elle a aussi un rôle énorme de pédagogie et d’éducation…
Communiquer responsable, c’est donner la part-belle à des approches rédactionnelles, avec davantage de contenus, d’infographies… En fait, la communication ne se résume pas uniquement à l’affichage et aux spots TV.
C’est finalement d’un nouveau récit dont nous avons besoin autour de cette transition environnementale. Comment le faire émerger ?
L’enjeu majeur, c’est selon moi de rendre désirable la sobriété.
Jusqu’ici, les sujets de transition écologique étaient vus comme l’apanage de militants écolos, un peu caricatural donc… En fait, la sobriété peut aussi apporter du bonheur et du bien être.
La communication doit montrer ce qui est cool, ce vers quoi l’on peut se projeter : rendre désirable la réparabilité, faire l’éloge de la lenteur… Ce rôle, c’est aussi celui des journalistes et des influenceurs, qui détiennent une certaine visibilité.
Enfin, il est important de trouver de nouvelles formes créatives pour rendre les sujets techniques plus accessibles. On peut prendre exemple sur le succès de Un Monde sans Fin, de Jancovici, qui utilise les codes de la BD pour faire passer des apports scientifiques complexes.
La transformation des modèles des entreprises passera par l’adhésion des collaborateurs. La communication peut-elle y contribuer ?
Selon moi, le premier client d’une entreprise est son collaborateur et donc, nous ne parviendrons pas à changer les modèles sans mobiliser les collaborateurs.
La communication doit mobiliser autour d’une mission de l’entreprise, qui fait sens aux collaborateurs. Par exemple, quand j’ai travaillé pour la SNCF, il a d’abord été essentiel de toucher les collaborateurs à travers nos campagnes avant même de s’adresser aux voyageurs.
Une fois convaincus de la mission, les collaborateurs sont les meilleurs ambassadeurs.
La loi peut aussi accélérer cette transformation. La mesure “anti-greenwashing” de la loi Climat et résilience entrée en vigueur en ce début d’année est déjà vue comme une petite révolution par les professionnels de la communication, pouvez-vous nous l’expliquer ?
Cette loi permet l’interdiction de faire du greenwashing (communiquer sur la neutralité carbone de ses produits sans pouvoir le prouver). C’est une première car, à part la loi Evin qui interdisait la publicité sur l’alcool et le tabac, aucune autre loi ne contraignait à ce point les annonceurs.
Il y a donc désormais un risque financier, puisque les entreprises risquent une amende pouvant aller jusqu’à 80% des dépenses de communication initialement engagées, mais aussi un risque réputationnel car ces dernières devront communiquer sur leur condamnation.
Le rôle et la responsabilité des communicants vont donc être amenés à évoluer substantiellement. Quelles seront les compétences et connaissances clés pour le communicant de demain ?
Les communicants devront donc savoir rendre simples des notions techniques et complexes.
Pour pouvoir accompagner leurs clients, les communicants de demain devront aussi se former aux sujets environnementaux et à la réglementation, qui sera de plus en plus contraignante.
La créativité sera une compétence de plus en plus importante, notamment pour parvenir à écrire de nouveaux récits, mais aussi pour trouver de nouveaux leviers de communication, compatibles avec cette nouvelle réglementation.
Les sujets étant complexes, il faudra faire davantage de co-construction avec les parties prenantes, les ONG, les autres agences, tout en admettant que l’on ne sait pas tout. Cet aspect sera nouveau, car l’esprit de collaboration entre pairs n’a pas toujours été le fort des agences.
Et enfin, Marina, quels sont vos futurs désirables ?
Pour la communication, je dirais que d’ici 2030, il n’y aura plus que de la communication d’engagement.
Mon futur désirable, c’est aussi une société plus juste, plus respectueuse de la planète, avec plus de liens de solidarité entre les générations.
Enfin et à titre plus personnel, mon souhait est de voir cette nouvelle génération, plus engagée, se mettre en action. Quand je vois mes enfants réfléchir à leur avenir, c’est le sens et l’impact qui les drivent. Je trouve ça beau, car à mon époque, c’était plutôt les sujets d’employabilité et de salaire qui importaient.