Dans des centres urbains denses et de moins en moins respirables, stressants, la mutation rapide des pratiques de jardinage, sous toutes leurs formes, modifie non seulement l’aspect esthétique en ville mais également la qualité de la vie.

La pollution atmosphérique est la troisième cause de mortalité en France, selon une étude publiée en juin 2016 par Santé publique France. Si les politiques peinent à prendre des décisions pour réduire la circulation des centres urbains ou orienter des stratégies individuelles et entrepreneuriales qui réduiraient les émissions à la source, les citoyens, eux se sont organisés depuis maintenant 20 ans, pour créer des espaces de respiration, occuper les lieux les plus divers et y installer des végétaux. Car là où il y a du végétal, il y a de l’oxygène et surtout une volonté humaine de laisser la vie s’exprimer, une respiration exister.

Tout a commencé avec quelques jardins partagés, associations d’habitants qui ont récupéré des friches urbaines pour jardiner. Avec plus de 120 espaces dans Paris intra-muros et une politique publique dédiée, cet engouement ne s’est pas démenti. Au-delà du jardinage, ces expériences ont démontré la qualité du lien social, l’inventivité des démarches collectives (projections cinématographiques en extérieur, installation d’oeuvres d’art, accueil des habitants chaque semaine…). Plus récemment, se sont installés des ruchers sur les toits, des composts collectifs dans les copropriétés, des poulaillers urbains. Ils sont venus compléter les bois, les vergers, les vignes et toutes les initiatives ponctuelles, transportables ou de partage (incredible edible).

Fantasme véhiculé des Etats-Unis ou réalité de ferme-usine, l’idée de l’agriculture urbaine au sens de produire localement des aliments en ville, est une solution régulièrement évoquée. Avec la végétalisation verticale, ce sont les dernières marges d’une ville saturée qui sont exploitées pour introduire du vivant, du végétal et donc dans le même temps du lien social et de l’humain.

L’agriculture urbaine ne va pas nourrir la population d’une mégapole, car elle s’avère aujourd’hui peu rentable, stratégie de niche, mais sa grande qualité est de mettre en lien de nouveaux porteurs de projets et d’introduire encore plus de surfaces végétales en ville. Elle pose la question en France de l’occupation des toits. Déjà transformés les décennies précédentes en toits-terrasses, ils pourraient désormais se transformer progressivement en landes, prairies, potagers ou qui sait, vergers, forêts ? Ils répondent au besoin d’espace planté, de renouveau végétal, de nature à proximité. Ils pourraient être une source d’oxygène indispensable pour respirer en ville demain. Mais ces espaces seront-ils suffisants ?  Restera-t-il des friches, des réservoirs naturels de vivant, au sens défini par Gilles Clément de « Terrain abandonné. Laissé à sa libre évolution. Site d’accueil des espèces pionnières. La friche est toujours jeune, instable et riche » (Gilles Clément, Louis Jones, Une écologie humaniste, Aubanel, p. 225) ?

Des solutions existent, utopiques, révolutionnaires pourraient dire certains, contre la saturation. Créer du vide, de l’espace dans la portion publique, du vivant sur des trottoirs, des rainures dans le macadam, de l’herbe entre les pavés, des jardins en lieu et place de voitures, des jardins comme nécessité publique, comme lieu de circulation et non plus comme lieux de loisirs enfermés derrière des grilles.

Car chaque parcelle durable gagnée ne produira pas de la nourriture pour les habitants des villes, mais chaque parcelle de végétal créée offrira aux générations futures un peu plus de chance de respirer.

Pour aller plus loin :

Droits photo AIA Architectes, MOA Emmaüs Habitat, Paysagiste Champ Libre.

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