Chloé Grabli, fondatrice de Mensch Collective, est spécialiste de l’intelligence collective, et intervenante au sein du programme Transformation de l’ENGAGE University. Elle nous présente ici les raisons de l’explosion des démarches participatives au sein des entreprises.

 

Comment qualifierais-tu ton métier ?

Mon métier consiste à intervenir dans des situations complexes, nouvelles, dans lesquelles le décideur accepte de ne pas savoir et a besoin de l’autre. Et dans la crise dans laquelle nous sommes, synonyme d’incertitude, ces situations se multiplient. Je mets en place des dispositifs qui permettent à un collectif de répondre à une question pour laquelle le décideur n’a plus de réponse suffisamment claire. Chacun apporte sa subjectivité, mais aussi son expérience concrète pour apporter une réponse plus juste et plus complète. Cette méthode nécessite d’accepter de se faire transformer par la pensée de l’autre. Elle crée aussi un sentiment d’appartenance beaucoup plus fort et une responsabilité vis-à-vis des décisions qui sont prises.

Ce n’est certainement pas une question de mode mais un outil fondamental pour décider en période d’incertitude et de complexité.

 

‘On demande à des salariés d’engager leur subjectivité dans des entreprises qui, in fine, ont le profit comme seul ou principal objectif. Cela ne peut pas fonctionner.’

 

Une soif de participation semble monter dans la société civile, ressens-tu la même tendance en entreprise ?

Il n’y a pas une seule réponse à cette question. Cela dépend beaucoup de l’entreprise dans laquelle on travaille, de ce qu’elle vise, et de ses propres motivations.
On dit souvent que l’on travaille pour trois motivations fondamentales : gagner sa vie, contribuer au monde et se développer personnellement. Chacun recherche et essaie de trouver un équilibre entre ces trois dimensions. Ce que je constate aujourd’hui, c’est la multiplication des profils de slasheurs, de personnes qui cumulent les métiers, car trouver cet équilibre dans un seul métier, une seule organisation, est extrêmement difficile.
De nombreuses études sociologiques ont montré que le mal-être au travail, la souffrance voire le burn-out émanaient de systèmes malsains que nous avons créés. On demande à des salariés d’engager leur subjectivité dans des entreprises qui, in fine, ont le profit comme seul ou principal objectif. Cela ne peut pas fonctionner.

Le succès de l’engagement et de la participation est donc étroitement corrélé à l’ambition, à la raison d’être de l’entreprise, pour reprendre une terminologie à la mode. La participation, pour qu’elle soit efficace et non déceptive demande aussi la pleine transparence et la sincérité des instances gouvernantes. La consultation n’est pas une démarche de séduction auprès des collaborateurs, mais sincère et utile qui aide le dirigeant à décider, car ce rôle lui incombe toujours et pleinement.

 

On parle beaucoup de l’engagement des collaborateurs. Que mets-tu derrière cette notion ?

L’engagement, c’est passer de « c’est ton problème » à « c’est notre problème ». Par exemple pendant longtemps, la stratégie d’une Business Unit restait du ressort de son dirigeant. Aujourd’hui, elle peut devenir un objet commun, co-construit avec tous les collaborateurs, qui sont plus conscients des enjeux concrets, plus au cœur de l’écosystème, que le dirigeant. Cela apporte de la pertinence, de la cohérence et à terme de l’engagement.

 

A quelle œuvre d’art te fait penser ton métier ?

Je pense à l’Atelier des Lumières. Car déjà c’est une expérience. Il y a de la résonance, des correspondances entre les arts visuels et la musique. Les hypnotiseurs diraient que nos sens sont saturés et que l’expérience nous subjugue. Je trouve que l’on expérimente aussi cette sensation dans certains ateliers d’intelligence collective, où l’on peut ressentir ce même éclat, cette sensation de résonance, de vibration, c’est du moins ce que je recherche.

A l’Atelier des Lumières, je trouve que le spectateur devient acteur, c’est cela aussi la promesse de l’engagement et de l’intelligence collective, chacun devient acteur de son destin et participe à une aventure plus grande que lui.

 

‘Je qualifierais donc mes futurs désirables comme une recherche de joie partagée
avec un autre différent de moi.’

 

Enfin, comment qualifierais-tu tes futurs désirables ?

Ils sont très liés à la connexion des différences, des diversités. Nous sommes de plus en plus connectés à des personnes qui nous ressemblent, ce qui nous appauvrit. Je suis particulièrement sensible à l’inclusion intergénérationnelle par exemple.

Je souhaiterais aussi que l’humanité se remette à penser, à accepter le débat. J’ai l’impression que l’on se perd dans la pensée unique ou dans des débats stériles ou caricaturaux, ce qui finalement revient au même.
Et bien-sûr, je rajouterais une grosse pincée de plaisir, un retour à la joie.

Je qualifierais donc mes futurs désirables comme une recherche de joie partagée avec un autre différent de moi.

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