Diplômé en Sciences Cognitives à l’Ecole Normale Supérieure, Jules Zimmermann a co-fondé Cog’Innov car il est persuadé que les connaissances sur le cerveau peuvent nous offrir de précieuses clés de lecture, en particulier dans le domaine de la créativité. Il intervient dans la formation ‘Faire renaître et exercer sa créativité’.
Jules, tu fais partie du collectif Cog’Innov, une association qui questionne la société contemporaine à la lumière des recherches sur le cerveau et le comportement. Vous vous décrivez comme des ‘agitateurs cognitifs’. Qu’est-ce que cela signifie ?
Notre objectif chez Cog’Innov est de créer plus d’interactions entre les chercheurs en sciences cognitives et la société en général.
Les sciences cognitives décrivent des phénomènes qui nous concernent tous, puisqu’ils parlent de nous, en tant qu’humains. On a donc tous intérêt à s’y intéresser. Pour donner accès à ces connaissances au plus grand nombre, nous avons créé un média grand public, Le Point de vue du Cerveau, et nous intervenons dans les entreprises par des conférences et des formations.
Symétriquement, le monde de la recherche doit lui aussi changer son rapport à la société : nous défendons une recherche qui implique plus le citoyen – recherche participative et plus accessible – recherche ouverte. Pour cela, nous proposons aux chercheurs des formations à la vulgarisation et nous organisons des événements mêlant chercheurs et grand public.
Tu t’intéresse beaucoup à la notion de créativité, sous quel angle exactement ?
La créativité est un des enjeux clé pour le monde de l’innovation qui cherche à systématiser la production d’idées, principalement par des méthodes. Mais notre approche actuelle se heurte à un manque de théorie et des mythes très présents sur le sujet.
À côté de ça, le sujet est également abordé par la recherche en sciences cognitives, qui étudie les mécanismes de notre pensée créative. Ces connaissances sont riches d’enseignements et complémentaires aux méthodes, mais ne sont aujourd’hui pas diffusées dans le monde de l’innovation.
Mon but est de m’appuyer sur ces recherches pour construire une approche plus riche de la créativité. En particulier, je cherche à démystifier la créativité : la créativité n’est pas qu’une question de lâcher-prise, c’est avant tout du travail ; la créativité prend du temps ; la créativité s’apprend…
Pourquoi est-il particulièrement nécessaire de développer sa créativité, sa capacité d’innovation, d’imagination aujourd’hui et dans les années qui viennent ?
La créativité, c’est notre capacité à faire autrement quand on considère que nos façons de faire ne sont plus adaptées, ou à résoudre une situation quand on ne l’avait jamais rencontré auparavant. C’est de la débrouillardise. Cela nous permet de nous jeter dans l’inconnu sans peur car on sait que quoi qu’il arrive, on saura s’adapter aux imprévus.
Dans une époque où la société évolue très vite, que Bernard Stiegler qualifie d’époque de disruption, être débrouillard a beaucoup de valeur. Les entreprises ne savent pas encore très bien quoi attendre de la créativité, mais elles ont compris qu’il y avait là un sujet important.
Le problème c’est qu’on est souvent déçu quand on assiste à un atelier de créativité sans objectifs et sans suite, où on colle des milliers de post-its dont on ne fera jamais rien. Il faut remettre du pragmatisme et du concret sur le sujet : c’est quoi la créativité ? Pourquoi j’en ai besoin ? Comment je m’en sers ? Dans quel processus plus global cela s’inscrit dans mon organisation ?
Tu animes la formation ‘Faire renaître et exercer sa créativité’ le 6 juillet prochain à l’ENGAGE University. Parle-nous de cette journée, très participative.
On possède tous l’outil créativité, dans notre tête, mais personne ne nous apprend à nous en servir. De la même façon que beaucoup d’entre nous, qui ont une guitare chez eux mais n’ont jamais appris à en jouer.
Le but est d’aider les participants à comprendre le fonctionnement de leur créativité et faire des exercices simples pour arriver à s’en servir de façon très concrète. Ils ressortiront autonomes pour expérimenter un début de pratique au quotidien.
Pas de fausse promesse : on ne ressort pas ultra-créatif après une formation d’une journée. En revanche, si on a acquis le bagage nécessaire, on est prêt à décrypter ces phénomènes au quotidien et à s’exercer pour continuer à apprendre au-delà de la formation.
Enfin, un conseil pour être un acteur du changement ?
Ne pas se forger d’opinion avant d’avoir écouté le pour et le contre, et ne jamais s’arrêter de douter et de remettre ses opinions en questions. L’engagement, ça commence par l’indépendance intellectuelle.
Pour aller plus loin :
Vidéo | Les ressorts cognitifs d’une création audacieuse par Jules Zimmermann
Podcast | Parlez-vous cerveau ? sur FranceInter
Média | Le Point de vue du Cerveau par Cog’Innov
Interview | Bernard Stiegler dans Télérama