Le photo-reporter Reza parcours le monde depuis 40 ans pour mettre en lumière les causes qui lui sont chères et défendre les personnes les plus vulnérables. A l’ombre de ses portraits qui ont fait la Une du National Geographic, il travaille pour l’éducation et l’émancipation des jeunes et des femmes dans les zones de conflits comme dans nos quartiers les plus difficiles. Rencontre avec un artiste humaniste passionné qui garde foi en l’homme.

 

On connaît le poncif, l’art sauvera le monde, dans votre cas Reza, il s’agit plutôt de l’image?

L’image, c’est la face émergée de l’iceberg de l’art : elle est accessible à tous, comprise par tous et compréhensible, c’est un langage universel traversant les frontières et la barrière des langues, des outils de création – mobile – à la portée de tous, allant jusqu’à dominer nos vies quotidiennes, nos échanges, les informations, l’apprentissage. L’éducation, l’économie, tous ces domaines d’aujourd’hui ont besoin d’images. Ainsi l’image est devenue l’art majeur de notre société. Notre société est en mutation : nous sommes passés des hiéroglyphes aux émojis. Nous sommes une société de l’image. 

Engage Days – thecamp, octobre 2018

 

Vous avez commencé à photographier à 13 ans et votre appareil photo ne vous quitte jamais, en quoi constitue-t-il une arme de construction massive?

Pour construire ou reconstruire ensemble nos sociétés, il faut se connaître, avoir un but précis et commun – il faut adhérer à l’idée de construction, et à sa nécessité.

L’image est le moyen de rapprocher les individus, les cultures, les communautés et les peuples, de les faire se connaître les uns les autres. Elle offre la possibilité de s’arrêter devant l’image de l’autre, de prendre le temps nécessaire de la contempler, de s’émouvoir et ensuite d’entrer en action. 

L’image est le meilleur moyen de créer de l’empathie.

On défend quelque chose, ou quelqu’un que l’on aime, que l’on connaît : on se positionne pour une personne envers qui on ressent de l’empathie.

L’image est donc le moyen le plus simple et le plus vaste de créer du lien, de connecter les êtres et les cultures. À l’inverse, elle a aussi ce pouvoir de dénoncer l’envers du décor et de faire réagir les gens. 

Votre engagement incessant passe beaucoup par des programmes de formation. Quels sont-ils?

L’éducation est la clé de l’avenir. Nous ne serions pas là où nous sommes sans l’éducation et il n’y aurait pas de lendemains pour l’humanité sans elle. Il me semble que nous assistons à peine à l’émergence de ce nouveau langage universel qu’est l’image et il faut en répandre l’alphabet.

L’image donne une voix à ceux qui n’en ont pas. 

Elle aide des victimes passives à devenir actrices de leur destin. 

Ainsi, en parallèle de mon travail photographique dans le monde, j’ai initié des formations aux métiers de l’image pour les populations les plus vulnérables, dans les zones de guerres, de conflits, les camps de refugiés, mais aussi les banlieues des grandes villes européennes et du monde.

Je suis convaincu que les femmes pourront avoir un rôle plus important dans le monde de demain. Leur présence massive dans les medias, les secteurs culturels et l’éducation pourra changer le cours de la marche du monde vers un monde plus pacifiste. 

Les médias sont et pourront également devenir les meilleurs outils de développement.

Depuis le lancement de ces formations, nous avons aidé des milliers de femmes et d’hommes dans les zones les plus difficiles du globe, elles/ils sont  désormais les porte-voix de leurs communautés et avant tout d’elles/eux-mêmes. 

Art, action, entrepreneuriat, la multidisciplinarité est-elle, comme dans l’ENGAGE University, au coeur de votre identité?

J’ai trouvé dans les objectifs d’Engage University beaucoup de points communs et de valeurs communes avec mes actions. Les femmes et hommes qui s’engagent dans ce projet partagent le même amour pour  l’humanité.  

 

Engage Days – thecamp, octobre 2018

 

L’entrepreneuriat social, d’autre part, est la meilleure forme d’entrepreneuriat pour l’avenir de l’humanité – sinon il n’y aura pas d’avenir.

J’ai enfin trouvé beaucoup de possibilités de projets communs avec Engage University et ceux qui l’entourent.

Une chose me surprend enfin. Vous avez été, souvent, au plus près de la noirceur, et vous semblez conserver malgré tout un regard optimiste sur le Monde. Comment faites-vous?

Ma croyance, ma foi, se résument par ces deux axes :

1- La vie est belle.

2-  L’être humain est bon. Nous avons fait des progrès immenses et inestimables en peu de temps après notre sortie de la forêt ! En à peine 5 000 ans après l’invention de l’écriture et les premiers textes, voici où nous en sommes : nous avançons vers un meilleur avenir, certes, mais avec des petits pas.

La simple comparaison de l’Europe d’aujourd’hui à celle d’hier nous montre l’étendue de cette avancée.

Les racines du mal me semblent être dans l’attitude de certains, et que l’on ne retrouve chez aucun animal : la possession à outrance. Aucun animal n’amasse plus de denrées que ce dont il a réellement besoin. L’homme est le seul à ne jamais s’arrêter, il tente de posséder de plus en plus même si cela dépasse largement ses besoins.

Durant quatre décennies, j’ai été le témoin de toutes les guerres et de nombreux moments de souffrance de notre Humanité.

La grandeur de l’âme humaine côtoie sa capacité à la violence et à la mesquinerie – mais l’Histoire nous montre que les Ghandi, les Luther King, les Mandela et des milliers d’autres femmes et hommes peuvent montrer le chemin vers une paix durable, et plus d’échanges.

Dans cette optique, chacun et chacune d’entre nous en est responsable.

 

POUR APPROFONDIR

10 minutes | Découvrir le webdocumentaire Les reporters du camp sur arte.tv

Trois heures | Visitez l’exposition d’art contemporain Persona Non Grata au Musée National de l’Immigration

Sans compter les heures | Se plonger dans les témoignages de Reza, en particulier les regards qu’il a capturé au Kurdistan.

 

POUR AGIR

En quelques cliques | Soutenir Les Ateliers Reza sur le site de dons HelloAsso.

2 à 5 heures par semaine | Suivre le MOOC Tickets For Change pour développer un projet d’entrepreneuriat social

2 heures par mois | Coacher des femmes vulnérables qui ont choisi l’entrepreneuriat pour se reconstruire avec Led By Her