Articles

Floran Augagneur, conseiller scientifique de la Fondation pour la Nature et l’Homme, nous parle de son projet d’une Assemblée citoyenne du long terme.

ENGAGE : Pouvez-vous nous présenter le projet de La Chambre du futur ?
Floran Augagneur : Dans toutes les démocraties représentatives, les politiques sont sous la pression du court terme. La fréquence des élections, le jeu des médias et les exigences des électeurs, qui demandent légitimement des résultats rapides contre leurs problèmes du quotidien, ont pour résultat le sacrifice de tous les grands enjeux de long terme. Pierre Rosanvallon, du Collège de France, a une belle formule, il appelle cela la “myopie des démocraties“. Aujourd’hui, c’est devenu un vrai problème. Car nos sociétés sont confrontées à un phénomène nouveau : nous avons changé d’échelle d’action et, désormais, lorsque nous prenons des décisions pour résoudre nos problèmes actuels, ces décisions peuvent avoir des conséquences globales et irréversibles sur l’environnement. Le changement climatique, l’érosion de la biodiversité, l’acidification des océans etc. illustrent cet état de fait.

C’est là qu’arrive la Chambre du futur. Depuis quelques décennies, des intellectuels proposent de corriger cette “myopie” en créant une nouvelle chambre parlementaire pour garantir la prise en compte du long terme, de la nature et des générations futures dans la fabrique de la loi. La Fondation pour la Nature et l’Homme participe à ce débat depuis de nombreuses années. Le livre qu’elle s’apprête à publier constitue la proposition la plus aboutie d’une telle chambre que nous appelons “Assemblée citoyenne du futur”.

Qu’apporte-t-elle de plus par rapport aux institutions existantes ?
De garantir le long terme, c’est-à-dire protéger l’avenir des jeunes générations et des suivantes. Ce n’est pas rien. Aucune autre institution n’a cette fonction. Mais pour qu’elle puisse remplir cette fonction, il y a quelques conditions : Il faut que cette chambre soit dotée de pouvoirs lui permettant de remplir sa mission dans la production législative (elle ne peut pas être consultative). Dans l’ouvrage de la FNH, on en propose quatre. Aussi, il faut que les modalités de désignation de ses membres permettent une composition libérée, du moins en partie, des conflits du présent et des enjeux partisans. Il nous semble qu’en la matière le tirage au sort possède de nombreuses vertus.

Ne s’apparente-t-elle pas à un nouveau CESE (Conseil Economique Social et Environnemental) ?
Le CESE est une chambre consultative dont le rôle est de proposer des consensus entre les organismes constitués (associations, syndicats, patronat …). Ça n’a rien à voir. Alors c’est vrai, le président de la République a annoncé qu’il voulait faire une chambre du futur à partir du CESE. Pourquoi pas ? Autant partir d’une institution déjà existante, mais à condition d’aller jusqu’au bout de la logique et de réussir à la transformer… L’intérêt de créer la Chambre du futur à partir du CESE est que cette institution existe aussi au nouveau régional (il y a un CESER dans toutes les régions) et au niveau européen. Elle existe également dans certains pays d’Amérique Latine. On peut imaginer un effet domino, et que la Chambre du futur soit ainsi déclinée ailleurs par ce biais.

Vous portez ce projet avec notamment Loïc Blondiaux, également membre du comité scientifique de la FNH. Pourquoi cette collaboration ?
Je précise que beaucoup d’autres personnes ont été impliquées dans cette réflexion au sein de la FNH sous l’impulsion de Dominique Bourg : les constitutionnalistes Bastien François et Marie-Anne Cohendet, le sociologue Jean-Michel Fourniau, le juriste Michel Prieur…

Loïx Blondiaux est un grand spécialiste de la démocratie participative, et tout ce projet ne fonctionne qu’à condition qu’il soit aussi un lieu de la participation citoyenne. Pourquoi ? Parce que l’objectif n’est absolument pas de ralentir ou bloquer le processus parlementaire mais de l’enrichir. Ce point est fondamental. Car il ne s’agit pas que d’identifier les limites environnementales à ne pas dépasser mais aussi d’être force de propositions, d’ouvrir le chemin des possibles. Et c’est dans le tissu sociale et l’intelligence citoyenne que s’inventent les modes de vie de demain. La chambre du futur doit être le lieu où cette créativité s’exprime, où les citoyens sont associés à la fabrique de la loi, c’est pour cette raison que nous avons préféré l’appeler “Assemblée citoyenne”. Là aussi, dans le livre nous proposons de nombreux instruments pour que cette participation citoyenne soit réellement effective, avec des résultats concrets.