Alice Barbe est Directice de Singa France, une association qui vise à encourager la collaboration entre les personnes réfugiées et leur société d’accueil. Elle a été aussi Vice Présiente de Johanson International, une organisation qui favorise le développement durable chez ses collaborateurs, ses partenaires et ses clients.

1) Vous êtes Directrice de Singa France, en quoi consistent les actions que vous menez ?   ​
Née d’un mouvement citoyen, Singa veut créer des opportunités d’engagement et de collaboration entre les personnes réfugiées et leur société d’accueil. Ensemble nous construisons des ponts entre les individus pour le vivre ensemble, l’enrichissement culturel et la création d’emplois, dans une démarche de sensibilisation pour déconstruire les préjugés sur l’asile. Afin de attaindre ces objectifs, des plateformes d’échange et de dialogue entre réfugiés et personnes d’accueil sont developpés pour integrer des moyens d’action digital, d’entreprenariat et d’innovation.
Singa aide ainsi la société à porter un nouveau regard sur les réfugiés, en brisant les stéréotypes et en contribuant à une intégration réussie.

2) Etes-vous étonnée par la solidarité des citoyens français que vous constatez à l’égard des réfugiés ?  
Pour moi, l’étonnement c’est la base de l’enrichissement et de l’innovation. C’est cet étonnement qui mène à tout un tas d’améliorations et d’innovations sur les territoires. C’est un condensé de richesses qui restent à découvrir, à fédérer ou à soutenir. Mais cette solidarité a besoin d’un soutien, car les citoyens qui veulent aider ont besoin de connaitre les outils pour pouvoir agir. Il faut pour cela développer et mettre à la disposition de tous des outils pour permettre à ce mouvement de s’accroitre.

3) Vous avez récemment créé le collectif “Les Crapauds fous“. Pourquoi ? En quoi cela consiste-t-il ?   
La volonté du mouvement des « Crapauds fous » est de créer de l’enthousiasme, ce qui paraît indispensable aujourd’hui, surtout face aux enjeux technologiques du big data, de l’intelligence artificielle, des algorithmes ou de l’automatisation de la société ainsi que face aux forces identitaires politiques qui émergent. Pour ce faire, il nous apparaît comme nécessaire de créer des outils pour faire face aux urgences actuelles et générer des solutions aux fractures sociales, environnementales et sociétales.

Cet enthousiasme, on le retrouve dans le nom même du mouvement. Les « Crapauds fous » ce sont les quelques batraciens qui s’aventurent, à contre-courant de leurs congénères, dans des tunnels conçus sous les routes pour leur permettre de traverser sans danger. Ce sont ceux qui prennent les premiers le tunnel pour aller de l’autre côté et qui reviennent chercher leurs semblables pour les mener vers l’avant.

A ce jour, le mouvement est initié par Cédric Villani, prix Nobel de mathématiques et Thanh Nghiem, dirigeante de grandes entreprises. Il est porté par 34 crapauds fous dont des chercheurs, des entrepreneurs sociaux et des intellectuels d’horizons divers et 12 cercles d’entr’aides avec l’idée de réfléchir et de proposer des solutions concrètes pour un nouveau « vivre ensemble » à travers un manifeste qui sort le 14 septembre 2017.
J’ai rejoint le mouvement à ses débuts et je fais partie d’un comité de réflexion autour de la diversité culturelle. Forte de cette expérience, je souhaite mettre en place au sein de Singaet avec Engage, un projet de « crapauds fous » pour et avec les réfugiés. Le but : qu’ils apportent leurs éclairages sur les enjeux actuels du fait de leur culture, savoir-faire et expériences, afin de co-construire des solutions.

4) Le digital justement est au cœur du prochain programme Exploraction de l‘Engage University. Comment peut-il servir le bien commun ? 
Servir le bien commun, à mon avis, c’est restaurer la fraternité au sens classique du terme, c’est-à-dire accepter et avoir envie de vivre avec des personnes qui ne nous ressemblent pas. Pour cela, il faut pour cela créer des outils pédagogiques pour permettre une prise de conscience et encourager la création d’une cohorte sociale de personnes qui s’engagent et qui veulent avoir un impact pour enrichir et apporter des solutions. Dans ce sens, le digital est un outil formidable qui, s’il est bien utilisé, peut servir le bien commun.

5) Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à nos lecteurs pour agir et changer les choses à leur échelle ?
Pour changer les choses à son échelle, on peut commencer par mettre en place des démarches de micro engagement. Tout simplement partager un moment avec une personne inconnue, différente et valoriser les points communs comme les différences. S’engager auprès de Singa est une bonne solution aussi !

Jean-Philippe Beau-Douëzy, est écologue et consultant en environnement. Il travaille aujourd’hui sur des projets de reforestation, pour lutter contre l’érosion des sols, la perte de la biodiversité et des ressources en eau. Certifié en permaculture, il a créé avec sa femme la F.E.R.M.E du Bouchot.

1. Comment définiriez-vous la permaculture?
Prendre soin de la Terre, prendre soin des Humains, produire de l’abondance et partager équitablement. Ce sont les 3 éthiques de la permaculture et pour moi sa meilleure définition.

2. La permaculture touche aussi bien l’environnement que l’humain ; est-ce une philosophie, une technologie? 
La permaculture dessine (design) la société autour de la relation Homme/Nature (Terre). Aujourd’hui, nous réalisons que nous avons besoin d’un environnement sain et harmonieux pour vivre pleinement. Nous prenons conscience du rôle de la nature pour nous fournir ces éléments de bases (qui deviennent rares). Nous, humains sommes au centre de cette approche innovante. Nouvelle philosophie, nouvelle science ou simple bon sens basé sur l’observation de cette Nature à laquelle nous avons tourné le dos.

3. Des études récentes montrent que la permaculture peut être économiquement profitable pour la société. C’est l’une des clefs, non?
Certains volets de la permaculture s’attachent à la production agricole, c’est le cas du micro-maraîchage intensif dont on vante aujourd’hui l’efficacité économique. La permaculture est une boîte à outils (qui intègre les apports de l’agroécolologie, du biomimétisme…) pour préparer notre société à la transition vers une nouvelle civilisation où écologie/économie ne feront qu’une. Nous devons adapter notre société à ce paradigme et réaliser, comme le disait Claude Levy-Strauss, que “nous ne sommes pas des individus définis dans un monde infini, mais des êtres infinis dans un monde défini”

4. Vous avez créé un lieu, l’éco-centre du Bouchot ? Qu’y faites-vous ?
Au Bouchot, nous expérimentons la permaculture dans plusieurs de ses dimensions, à commencer par sa dimension humaine. C’est avant tout un lieu d’accueil, d’expérimentation et de partage. Hôtes, stagiaires, woofers, simples visiteurs, chacun y est invité à être ce qu’il est, non celui que les autres veulent qu’il soit.
Nous avons aussi une démarche concernant l’énergie, l’habitat, la gestion des déchets. Nous abordons la récupération de l’eau, son stockage, son traitement et sa dynamisation. Nous réalisons des jardins forêts comestibles (edible forest gardens) pour créer de l’abondance et de l’autonomie alimentaire. La F.E.R.M.E du Bouchot, c’est tout cela et plus encore…

5. Vous qui développez un nouveau modèle, encore alternatif, êtes-vous confiant en l’avenir?
35 ans au service de la conservation de la nature auraient pu me rendre lucide/pessimiste. Aucune des causes que nous avons défendues; des espèces menacées telles que baleines, loups, grands singes… des milieux naturels en danger ; les zones humides, l’Amazonie, les océans… n’ont été gagnées. Mais au fond, je pense que l’humanité n’a pas fait tout ce chemin pour terminer dans une impasse et j’ai un grand rêve, celui d’une harmonie entre l’Homme et la Terre. Humain et Humus ont la même racine étymologique.

Mathilde Imer, co-fondatrice d’Escapademos nous parle de ce projet, un voyage pour réinventer la démocratie.

En quoi consiste le projet EscapaDemos ?
EscapaDemos, c’est l’aventure de quatre exploratrices, parties à la rencontre d’initiatives qui contribuent à réinventer la démocratie, en France et en Amérique Latine. Pendant six mois, nous avons étudié de nouveaux modes d’organisation et découvert de nouvelles manières d’aborder la question de la démocratie (dans le monde politique comme dans le monde économique), davantage centrées sur l’humain et la coopération.
A notre retour, nous allons développer un programme d’inspiration et d’accompagnement visant à transmettre notre expérience aux jeunes, mais également aux collectivités et aux entreprises, partageant leur constat qu’il est nécessaire de réinventer les modèles d’organisations.

Quelles ont été les innovations les plus marquantes que vous avez découvert ? 
Au niveau politique : des partis politiques latino-américains bien différents de ceux que nous connaissons ici (Partido de la Red), des budgets participatifs qui existent depuis plus de 20 ans (Villa El Salvador)
Au niveau économique : des coopératives et des entreprises libérées inspirantes et donnant beaucoup d’espoir quant au futur de l’entreprise (Coopaname, Groupe Hervé), des monnaies locales inclusives (Tumin), des entreprises publiques locales au fondement de la transformation d’une ville (Medellin)
Au niveau culturel : des villes utilisant l’art et la narration pour engager leurs habitants dans des démarches participatives et accompagner la transformation du moteur économique de leur collectivité (Loos-en-Gohelle), des structures créatrices d’un déclic personnel de jeunes ou de managers de grands groupes pour leur bien-être et le développement de leur entreprise (Université du Nous, Innovaction, Fabrik à Declik).

Si vous ne deviez retenir qu’une seule innovation applicable en France ?
Plus qu’une innovation en particulier, ce que nous retenons c’est la nécessité de réinventer nos modèles d’organisations, et ce pour quatre grandes raisons : mieux gérer la complexité du monde actuel, donner envie aux gens de s’engager dans leur travail à 100%, s’adapter aux aspirations des jeunes générations, et favoriser la créativité en interne pour développer le potentiel d’innovation de la structure.

Pour y parvenir nous avons découvert qu’au delà du remodelage du fonctionnement d’une structure, c’est aussi et surtout tout une culture à inventer et à essaimer! Vous aurez beau penser le modèle d’organisation le plus agile possible, si les personnes qui doivent le mettre en oeuvre n’ont pas la culture qui correspond à ce mode d’organisation, alors vous ne risquez pas d’aller très loin. C’est pour cela que nous avons décidé de nous dédier désormais à l’accompagnement de structures dans l’apprentissage de cette culture.

Vous êtes alumni de l’Engage University, qu’en retirez-vous ?
Du bonheur!
Engage ce sont tout d’abord des rencontres : avec des intervenants de grandes qualités et des participants curieux, qui viennent d’horizons différents.
Engage c’est des montagnes russes : à chaque session un “moment déprime” avec la découverte de la réalité et de la complexité du sujet de la session (on ne ment pas et on n’embellit pas la réalité chez Engage!), suivi d’un “moment d’espoir intense” lors de la découverte de projets et d’initiatives qui permettent de répondre à ces défis.
Engage c’est aussi des réponses à vos propres questions : avec des conférences et des ateliers de grande qualité!
Engage c’est enfin un apprentissage de techniques de développement personnel, qui vous nourrissent la tête et le corps – et c’est certainement sa force par rapport à d’autres formations de ce type.

Bref Engage c’est hautement recommandé!

Kavita Brahmbhatt, co-fondatrice d’Action Emploi Réfugié nous parle d’engagement citoyen, fil rouge de sa vie.

Lancée début 2016, Action Emploi Réfugié est une plateforme virtuelle qui met en relation employeurs et réfugiés en France. L’association facilite l’intégration des réfugiés par l’emploi et contribue à donner une image positive des réfugiés.

1. Comment vous est venue l’idée de la plateforme Action Emploi Réfugié ?
J’ai travaillé pendant 5 ans avec des migrants et cela fait maintenant 10 ans que je travaille avec des réfugiés. Il y a un an, après être revenue d’une mission au Kenya, j’ai vu qu’il y avait beaucoup de publications à propos des migrants qui venaient en Europe et qu’il fallait agir concrètement.
Une idée nous est alors venue avec une amie et collaboratrice, Diane Binder : la meilleure façon pour que les réfugiés puissent mieux s’intégrer, c’est de leur donner accès à un emploi. L’emploi est le premier facteur d’intégration, c’est un moyen de gagner sa vie mais aussi de se sentir utile, de créer du lien social et d’apprendre rapidement la langue du pays accueillant.

2. Depuis sa création, quel a été l’impact d’Action Emploi Réfugié ?
Une centaine de réfugiés a obtenu un emploi grâce à notre plateforme. Nous avons aussi pu tisser des liens durables entre certains réfugiés et employeurs.
Nous avons aussi lancé la Welcome Collection avec un collectif  de 5 personnes. En 3 semaines, des designers réfugiés ont créé une collection de 20 robes commercialisées au Centre Commercial à Paris. Cette action citoyenne montre qu’avec l’engagement de quelques personnes et en très peu de temps, on peut obtenir des résultats tangibles.

3. Quels sont les objectifs d’Action Emploi réfugiés ?
Pour 2017, nous aimerions qu’au moins 1000 réfugiés aient trouvé un emploi par l’intermédiaire de notre service. Je pense que notre objectif est atteignable si nous réussissons à mobiliser plus de personnes et de financement. Notre voulons aussi diffuser plus de connaissances et d’informations autour de cette thématique ; mieux communiquer sur les talents des réfugiés. Nous devons changer la vision que les français en ont.

4. Quelles sont les prochaines étapes du projet ?
Il y en a plusieurs : tout d’abord, améliorer le design utilisateur de notre site web. On veut également mobiliser plus d’employeurs et de réfugiés en travaillant avec nos partenaires parisiens.
Nous venons par ailleurs de lancer Info Emploi Réfugié, un service d’information dont le site web sortira en 2017.

5. Si vous deviez choisir une seule cause ?
L’intégration des réfugiés, je m’y emploie depuis 15 ans et c’est ma plus grande passion. Je viens du Kenya et j’avais un camp de réfugiés à coté de mon école. J’ai vu leurs souffrances et cette proximité a provoqué mon engagement.

6. Une source d’inspiration ?
Les personnes qui m’inspirent le plus sont les femmes qui vivent dans les camps de réfugiés. Elles arrivent encore à rire, à croire en la vie, à rester légères souvent. Cela m’a toujours bouleversé et inspiré en tant que femme et en tant que maman.

La deuxième session du programme Transitions de l’Engage University portera sur les nouvelles formes de gouvernance. Avec Loïc Blondiaux, professeur de science politique à l’Université Paris I – La Sorbonne (également présent aux ENGAGE DAYS #4), nous parlerons de la crise de notre système démocratique. Petite mise en bouche de sa prochaine intervention…

  1. La démocratie est-elle, selon vous, en crise ? 
    Elle l’est évidemment, et le constat me semble de plus en plus largement partagé.
    Les symptômes de cette crise sont multiples : défiance des citoyens à l’égard de leurs élites politiques, impuissance publique généralisée face aux défis environnementaux qui nous menacent, emprise des acteurs économiques sur le pouvoir politique, montée des populismes d’extrême droite, dégradation accélérée de la qualité du débat publique… Certains auteurs, comme Colin Crouch, évoquent la période actuelle comme un passage de la démocratie à un autre type de régime, la « post-démocratie», dans lequel la capacité des citoyens à influencer les politiques serait quasiment réduite à néant. Sans aller jusqu’à suivre cette analyse, il faut constater que les régimes démocratiques n’ont, depuis la fin de la seconde guerre mondiale, jamais paru aussi fragiles et leurs adversaires (technocrates, démagogues, fondamentalistes identitaires…) aussi puissants.2. Pourquoi la société civile croit-elle de moins en moins en notre système politique ? Jusqu’à ces dernières années, il pouvait sembler que les institutions des démocraties représentatives contribuaient à la fois à gouverner efficacement nos sociétés et à refléter sans trahir la volonté des populations. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, elles suscitent une double défiance : quant à leur capacité à résoudre les problèmes et à représenter correctement les citoyens. L’élection ne suffit plus à elle seule à légitimer les décisions des gouvernants. C’est d’abord une bonne nouvelle. La critique est une vertu plus démocratique que la déférence et les citoyens ne sont jamais apparus autant capables d’interpeller et de remettre en cause les discours et les actions de leurs gouvernants. Cela peut se transformer aussi en cauchemar : dès lors que cette défiance se transformer en rejet pur et simple de tout affirmation d’autorité en provenance des élites, de toute représentation. Cela fait le lit de tous les populismes et de toutes les démagogies.

    3. Un de vos ouvrages s’intitule Le nouvel esprit de la démocratie, qu’entendez-vous par « nouvel esprit » ?
    J’entendais alors, lorsque j’ai écrit ce livre, la montée en puissance d’un « impératif participatif » dans nos démocraties au sens où celle-ci n’ont cessé de multiplier en particulier depuis les années 2000 les dispositifs visant à associer, de façon plus ou moins directe, les citoyens ordinaires au processus de décision. Ce mouvement n’a pas cessé depuis lors. Budget participatif, jurys citoyens, conseils de quartier, consultations numériques … le nombre et le niveau de sophistication de ces dispositifs participatifs ne cessent d’augmenter. Leur présence, dans le prolongement des institutions traditionnelles de la représentation, peut être analysée comme l’une des réponses données par les gouvernants au procès en illégitimité qui leur est fait. Mais il faut souligner que ce mouvement vers plus de participation s’accompagne d’autres évolutions qui vont à l’inverse dans le sens d’une moindre possibilité d’influence des citoyens sur la décision et d’une main-mise croissante de la sphère économique sur la sphère politique, via différents groupes d’intérêt qui imposent leur logique. D’un côté le processus politique semble s’ouvrir, de l’autre il se referme et se pose aujourd’hui la question de qui gouverne réellement : les citoyens via leurs représentants ou les entreprises, les marchés et les banques via leurs lobbys, leurs experts et les politiques qu’ils ont sous leur coupe.
    4. Croyez-vous en l’émergence d’un autre système démocratique ?
    La possibilité  de remplacer du jour au lendemain les élections et la représentation par le tirage au sort ou par une fédération de conseils ou d’assemblées ne me semble ni envisageable ni souhaitable au fond. Ouvrir la représentation politique à de nouveaux acteurs ; multiplier les possibilités pour les citoyens de contrôler, de contribuer, d’interpeller ;  mettre en place des instances tirées au sort ; faire en sorte que tous les citoyens impliqués par une décision puissent participer à son élaboration ; obliger les élus à rendre des comptes ; concevoir différemment l’exercice du pouvoir au sein des organisations ; donner aux plus faibles la possibilité de s’organiser pour se faire entendre ; dé-professionnaliser le métier politique ; réformer ou réécrire la constitution avec la participation du plus grand nombre : tout cela, et beaucoup d’autres choses encore me semblent compatible avec l’élection et la représentation. C’est en cela qu’une autre démocratie et possible.

  1. Pourquoi avoir suivi les réfugiés du Kurdistan irakien ? 
    Cette idée a germé pendant la COP21 puisque pour la première fois la notion de réfugiés ou de déplacés climatiques a été mentionnée dans un accord international sur le climat. Au cours de la COP21, les rencontres que j’ai faites m’ont permis de rencontrer Reza, un photographe qui travaillait dans le camp de Kawergosk, dans le Kurdistant irakien, avec des enfants. Reza a par ailleurs été l’un des premiers à mettre le doigt sur le lien indissociable entre désordre climatique, migrations et conflits.
  2. Alors que le climato-scepticisme monte en puissance, pensez-vous que les médias en général ou qu’une enquête comme la vôtre peuvent changer les mentalités ?
    Je l’espère ! Je suis avant tout convaincue que l’humanité n’est pas suicidaire. Qu’on habite en Chine, au fin fond de l’Arctique ou à Paris, on aime tous nos enfants, on a tous besoin de manger et on veut tous vivre dans de bonnes conditions. Je m’accroche à cette idée selon laquelle les climato-sceptiques jouent dans leur coin et ne vont pas dans le bon sens de la marche du monde. Les médias ont un rôle à jouer et ils sont particulièrement efficaces quand ils traitent ces sujets dans la durée.3. Au Sénégal, vous avez suivi un collectif de femmes de pêcheurs qui luttent contre l’émigration clandestine. Comment sont-elles perçues ? Leur démarche est-elle comprise par tous ceux qui veulent gagner l’Europe ?
    C’est un peu comme dans une famille, qu’elle soit occidentale ou orientale : la parole des mamans finit par être entendue par les enfants.
    Pendant longtemps, ces femmes se sont tues. A présent, elles expriment leur instinct de survie car les conséquences de ces migrations remettent en cause leur propre subsistance. Les femmes se lèvent car elles craignent que ce processus les mène à leur perte.
    Le message des femmes est aussi relayé par les nouvelles technologies et notamment les réseaux sociaux : l’idée que l’Europe n’est plus un Eldorado se propage et dissuade ceux qui autrefois voulaient partir au péril de leur vie.4. Qu’avez-vous découvert en suivant les réfugiés ? Y a-t-il quelque chose que vous ne soupçonniez pas ? 
    Ce qui m’a le plus marqué pendant ce tournage, c’est le voyage vers le nord et la rencontre avec les yézidis. Les yézidis sont victimes d’une forme de génocide, leur extermination a été en quelques sortes « organisée » et ils sont de surcroît victimes du dérèglement climatique. Minorités symbolique, victimes d’une double peine donc. Ils nous ont demandé de parler de leur situation, ils se sentent abandonnés de tous.
    Au Sénégal, c’est encore différent. Les choses ont évolué depuis les années 90. Autrefois, le fait qu’il y ait toujours un homme désigné pour aller en France était quelque chose de normal et naturel mais maintenant, leurs conditions de départ sont si périlleuses que ça change la donne. C’est un phénomène que je n’avais encore pas eu l’occasion de filmer et de commenter.

    5. Avez-vous une anecdote à nous raconter ?
    Mon anecdote s’appelle « une souris verte ». J’étais dans un endroit où les immeubles n’ont ni portes ni fenêtres. Un endroit qui manquait d’eau jusqu’à ce que Action contre la faim arrive, avec des enfants partout. Des enfants qui perdent leur regarde enfantin dès l’âge de 9 ans.
    L’équipe faisait son travail et moi j’ai commencé à interagir avec ces enfants. On a fait une ronde et j’ai commencé à chanter « une souris verte ». En 15 minutes ils connaissaient la chanson par cœur. A ce moment là, j’ai réalisé que les enfants pouvaient toujours garder ou reconquérir leur joie de vivre. Un moment de grâce.
    Dans la foulée, je suis montée dans des immeubles et j’ai vu des mères de famille au delà du désespoir. Je n’ai jamais vu un tel désespoir dans les yeux des gens. C’est ce qui m’a le plus frappé. Dans les yeux des hommes, la colère et dans ceux des femmes, le désespoir et le sentiment d’avoir été salies, abimées…

    6. En suivant les réfugiés du Kurdistan irakien et du Sénégal, avez-vous pu déterminer quel était leurs besoins le plus urgents et éventuellement entrevu des pistes de solutions ?
    Pour les yézidis, leurs premiers besoins sont l’eau, la nourriture et les vêtements. Ils ne vivent même pas dans des camps car dans les camps tenus par le HCR le confort est certes précaire, ça reste vivable. A Kawergosk, j’ai compris que ce qui était le plus important pour ces populations était l’éducation. Sans éducation, l’aide d’urgence n’a pas de sens. Alors des instituteurs sont improvisés mais ce n’est pas terrible.

    S’il y a une idée que je souhaite faire passer, c’est qu’il faut arrêter de penser que ces personnes partent de chez elles par plaisir. On fait l’amalgame entre réfugiés, migrants, terroristes… Ces gens là ne rêvent que d’une chose : rentrer en Syrie dès que le conflit sera terminé. Dans le cas des Sénégalais, ce n’est pas forcément le cas, en partie parce que le rapport à l’Europe n’est pas le même.

Bâtisseurs de possibles est un mouvement original qui invite les enfants à mettre leur créativité et dynamisme au service de leur école, de leur quartier ou plus largement de la société, en proposant des idées innovantes pour les améliorer.
Pendant 3h d’intelligence collective, les Engagés ont travaillé autour du projet Bâtisseurs de possibles, sur sa faisabilité et l’essaimage de ses actions.
Katarina Kordulakova, animatrice du réseau, revient sur l’expérience d’un Engage Camp.

1. Pourquoi avez-vous décidé de participer à un Engage Camp ?
Nous avons participé à un Engage Camp pour avoir de nouveaux éclairages, de nouvelles idées sur notre problématique et pour rencontrer une communauté d’Engagés.

2. Qu’avez-vous pensé de l’Engage Camp ? 
L’Engage Camp s’est avéré être très utile. Nous avons apprécié la dynamique de groupe, très constructive, et les personnes présentes, très qualifiées.

3. Qu’est-ce que l’Engage Camp vous a apporté ?
L’Engage Camp a été l’occasion de rencontrer de nouvelles personnes. Certaines d’entre elles se sont même engagées à nos côtés. Elles ont ainsi continué à nous apporter leur regard extérieur et à nous challenger sur notre projet et les moyens les plus efficaces pour le mettre en oeuvre.

4. Où en est le projet aujourd’hui ?
En décembre 2015, nous avons été lauréat de La France s’engage, un label, lancé à l’initiative du Président François Hollande, pour récompenser les projets les plus innovants au service de la société.
Notre objectif est d’accompagner les équipes pédagogiques dans la transformation de leurs pratiques professionnelles. Après la mise en place de pilotes dans 4 établissements ces 2 dernières années, nous sommes à présent en train de travailler sur la stabilisation des outils de diagnostique et d’accompagnement, sur la création d’un réseau de formateurs, sur la mise en place de partenariats avec des académies…

5. Quelles sont les étapes à venir du projet ? 
D’ici 5 ans, nous souhaitons accompagner 6000 établissements partout en France (Nantes, Créteil, Lille…), ce qui suppose de travailler en partenariats et en réseau.
Pour pouvoir avancer, nous recherchons des professionnels de la facilitation, de l’intelligence collective, du design thinking et de la gestion de projets afin d’accompagner les équipes pédagogiques dans la résolution de leurs problématiques quotidiennes. La communauté Engage peut nous être d’une très grande aide alors si vous avez des compétences et que le projet vous intéresse, n’hésitez pas à nous contacter !

Nayla Ajaltouni, coordinatrice du Collectif Ethique sur l’étiquette nous parle d’engagement citoyen, fil rouge qui traverse sa vie.
Depuis 20 ans, ce Collectif Ethique, regroupant plus de 20 associations, milite pour un strict respect des droits humains au travail à travers le monde, pour la mise en place d’un “salaire vital” dans l’industrie de l’habillement et pour le partage d’informations plus transparentes pour les consommateurs afin que ces derniers puissent connaitre les réelles conditions de fabrications de leurs achats. Pour suivre les campagnes du Collectif, c’est par .

1. Comment définissez-vous l’engagement ? 
Pour moi, l’engagement est le passage à l’action ayant pour point de départ une indignation, une motivation de transformer un aspect de la société. Il prend plusieurs formes, plusieurs intensités. C’est ce qui nous meut ; c’est une façon de résister. A mes yeux, l’engagement a nécessairement un caractère citoyen et donc politique.

2. Quand vous êtes-vous engagée pour la dernière fois et comment ?
Je suis engagée au quotidien dans mon travail, en tant que coordinatrice du collectif Ethique sur l’étiquette, ONG défendant les droits humains au travail. Je m’engage aussi différemment, en soutenant des projets musicaux d’amis par exemple. L’action qui m’a sûrement le plus mobilisée cette dernière année a été le TedXtalk, que j’ai accepté de réaliser après beaucoup de réticences, essentiellement pour les personnes qui me l’ont proposé. La formidable équipe du TedX de la Rochelle conçoit les talk comme un véritable outil pour promouvoir une société plus juste, plus démocratique, pour proposer des alternatives. C’est aussi un événement amusant, qui se déroule dans une ambiance exceptionnelle, avec une bienveillance, un engagement et un humour hors pair qui m’ont, contre toute attente, littéralement transportée. Voir la vidéo du TEDx.

3. Si vous ne deviez choisir qu’un seul combat, quel serait-il ? Comment agiriez-vous ?
Il est difficile d’en choisir un seul. D’ailleurs, je ne vois pas un combat isolé d’autres, ils sont tous imbriqués, mais il est clair qu’on ne peut pas être sur tous les fronts. Mes combats sont généralement liés au respect des droits humains fondamentaux, ce qui est très vaste. Il faut avoir en tête que s’engager pour défendre une idée, une vision, ce n’est pas une simple question de charité, mais de rétablir une justice dans des situations qui en manquent.

4. Lequel de vos projets à venir vous tient le plus à coeur ? 
Au niveau professionnel, je souhaite continuer à élargir la base des citoyens que nous touchons et les pousser davantage à l’action. Il faut faire pression sur les multinationales de l’habillement et les pouvoirs publics pour mettre un terme définitif à l’impunité des multinationales. Ce combat n’est pas incompatible avec le fait d’aimer la mode, mais pas à n’importe quel prix. Je crois fermement en la mobilisation et au plaidoyer citoyen, mais il faut faire masse. Au niveau plus personnel, je voudrais reprendre la batterie !

5. Qui vous inspire et pourquoi ? 
Je suis admirative de beaucoup de personnes mais je ne sais pas vraiment si elles m’inspirent… Je dirais plutôt qu’elles me stimulent. Parmi elles, des artistes engagés, des intermittents qui se mobilisent contre la logique purement marchande que l’on tente d’imposer à la culture, Stéphane Hessel en son temps, les économistes atterrés, des citoyens venant spontanément en appui aux migrants, ou mes copains du Raidh aussi, par exemple…

6. Si vous aviez un conseil à donner, un message à faire passer, ce serait… 
D’avoir des objets d’indignation. Il y a des choses universellement inacceptables et c’est un impératif de les combattre, sans pour autant renoncer à une vie “normale”. On peut être engagé et continuer à rire, à créer… Fort heureusement, la société n’est pas qu’un amas d’injustices. Etre engagé ou militant, ce n’est pas être utopiste. Je rejette cette qualification. L’utopie implique une dimension irréalisable, inatteignable, or garantir un minimum de dignité à tout être humain est tout à fait réalisable. C’est même le devoir de toute société mais malheureusement, les considérations d’ordre politique y font trop souvent barrage.

En quoi la méditation de pleine conscience peut-elle aider dans la transition (économique, sociale, environnementale) ?

La méditation est un processus de mise au repos et d’observation qui permet une “re-mise” à disposition de nos ressources.

Or n’importe quel changement dans un système (corps, esprit, équipe ou société), nécessite des ressources propres. C’est presque la formulation du premier principe de la thermodynamique. Comprendre et vivre ce principe à l’échelle individuelle, c’est se mettre en capacité de changer et d’évoluer. Si le processus méditatif est cultivé par chacun, cette capacité d’évoluer se traduit de fait à l’échelle collective.

D’après votre expérience, en quoi peut-elle être utile aux organisations et pour leurs collaborateurs ?

Après 20 ans de pratique et d’enseignement, j’ai pu observer que le processus méditatif avait un impact très significatif sur : le niveau d’énergie personnelle, la résilience et la capacité à gérer le stress, et enfin sur la clarté d’esprit. Ces trois facteurs sont essentiels pour donner le meilleur de soi-même, gagner confiance en soi et faire confiance, ce qui immanquablement soutien la qualité de relations avec les collaborateurs ainsi que toutes les synergies qui en découlent.

Pouvez-vous présenter en quelque mots ce que vous allez présenter à l’Engage University ?

  • Il s’agira d’échanger sur l’histoire, l’intérêt et l’impact de la pratique méditative
  • Préparer le corps et la respiration avec quelques techniques simples
  • Pratiquer ensemble avec une méditation lié au phénomène d’observation
  • Faire un bilan de l’expérience à travers l’échange et une petite session de questions / réponses.