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Si on lui dit  Nature, il répond Futur. Jean-Philippe Camborde s’est donné pour mission de révéler les prouesses incroyables du vivant et les solutions pour le futur dont il regorge. 

Qui êtes-vous, Jean-Philippe ?

Je suis Producteur chez La Belle Société Production, qui réalise des films pour accompagner la transition écologique.

Nature=Futur : c’est quoi l’histoire ?

Tout est parti d’un article que j’ai lu dans Le Monde en 2011 sur le biomimétisme. Ça a été une révélation. J’avais toujours été fasciné par la nature, je passais mon temps à l’observer. Mais là j’ai découvert qu’un monde inconnu, à l’intérieur, au niveau microscopique tout autant incroyable ! Je me suis dis que ces merveilles, il fallait les faire connaître. Nature=Futur était né.

Et plus concrètement ?

C’est  une série de vidéos de vulgarisation qui donne à voir les prouesses insoupçonnées qu’a développé le vivant. L’originalité c’est de le faire en montrant le merveilleux de la nature et de le décoder grâce à des scientifiques, qui nous éclairent sur ses mécanismes.

La nature c’est merveilleux, la science c’est fascinant, mais tout ça en même temps, c’est pas simple quand même non ?

C’est le défi de chaque épisode : révéler et faire comprendre des mécanismes dingues à un enfant de 11 ans. Et en 5 mn.

Et comment avez-vous trouvé la formule magique ?

En fait, on s’inspire aussi du vivant pour réaliser ce programme : on est dans le lien en permanence et les relations inter-espèces (ou inter-disciplines).
Lien entre les sciences et la beauté, le vivant et la technique, le vivant et l’innovation; Liens humains : on a créé un écosystème avec des scientifiques, des institutions, des scientifiques, des media, des associations et bien d’autres !; Et aujourd’hui – et je n’en suis pas peu fier – liens entre les générations : des professeurs s’en servent en cours !

Vous rappelez souvent que c’est un programme de solutions : utilitariste alors ? 

Non c’est l’inverse : s’émerveiller, c’est redécouvrir, c’est voir autrement, trouver un autre questionnement. C’est ça qui permet de trouver des solutions. Reposer le problème, changer le regard. Et de toutes façons, j’assume le côté positif. Les chiffres, ça assomme mais ça ne fait pas bouger les gens. Les ailes du papillon Morpho, oui.

Et vos futurs désirables ?

Allez, je site un gros mot : holistique. Ca veut dire, faire partie d’un tout et influer sur ce tout.  Quand j’ai compris et intégré ça,  je suis sorti du logiciel de toute puissance et me suis senti soulagé d’un grand poids. Je me sens humble, à ma place. J’ai plaisir à appartenir au vivant et je me sens vivant. Dans mon futur désirable, tout le monde connaît ce bonheur.

Pour en savoir plus et accéder au vidéo.

Pourquoi l’éthique est-elle si fondamentale aujourd’hui?

Je commencerai par donner une vision personnelle de l’éthique : celle d’une approche qui se fonde dans la pensée de John Stuart Mill, et qui cherche à déterminer les impacts des actions de chacun pour le bien commun, au-delà de tout a-priori moralisant (les économistes parleraient d’externalités positives ou négatives).

Cette éthique est fondamentale aujourd’hui car la main de l’homme accélère la transformation de son environnement écologique ou social. Et nous risquons de détruire de manière catastrophique et rapide ce bien commun si, justement, nous ne nous posons pas la question éthique à chaque fois que nous agissons. Pour dire les choses de manière simple, c’est une question de survie. Elle est aujourd’hui portée directement par les fonds de pensions qui investissent sur les durées longues lorsqu’ils portent les futurs retraites des employés publics ou privés. Or, c’est dans ces durées longues qu’ils observent désormais les impacts catastrophiques sur le bien commun – et par construction, le marché ! – qu’il s’agisse de l’augmentation de catastrophes naturelles avec le risque environnementale, ou même le surgissement du risque politique, jusque là limité aux pays émergents et qui atteint les pays avancés via l’irruption des colères populistes. En parallèle, une nouvelle classe de la population, les moins de 25 ans, ceux qui ont compris que les générations du Baby boom étaient en train de détruire leur propre futur, sont réellement entrés en révolte. Et à la différence des générations du Baby boom qui s’étaient lancés dans des combats idéologiques qui parfois leur faisaient côtoyer en réalité les pires totalitarismes, les moins de 25 ans, et en particulier les femmes, exigent d’elles/d’eux une action concrète, pratique, et souvent ancrés dans de nouveaux modes de consommation. Elles/Ils sont les vrais adultes en réalité, auprès desquels les plus âgés, dont je fais parti, devraient apprendre.

Est-ce un chemin individuel ou collectif?

Les deux, car certains enjeux passent par une action individuelle (par exemple les choix de consommation); d’autres par des formes collectives qui peuvent aller de l’association, ou du travail en entreprise repensé dans un cadre éthique, à l’action politique – nécessaire quand il s’agit de penser la réglementation ou de peser sur les choix d’équipements collectifs. Ce dernier point est particulièrement vrai pour les questions énergétiques fondamentales que pose le dérèglement climatique.

On sent que les entreprises – certaines entreprises – sont à un tournant; comment les mener vers l’étique, vers ce chemin de l’éthique?

Il est important que la gouvernance de l’entreprise comprenne ce tournant – ne serait-ce que parce que c’est celui que prend aujourd’hui de nombreux fonds de pensions, et les clients les plus jeunes qui constituent la base de clientèle de demain. On pourrait aussi parler des jeunes talents d’aujourd’hui qui constituent un autre moyen de pression sur l’entreprise. Pour les mener ensuite à l’éthique, il me semble qu’il faut à la fois développer des principes simples et une évaluation objective de la démarche, évoluant dans le temps, et communicable à tous, parties prenantes internes mais aussi externes; et surtout libérer la parole et la créativité de l’ensemble des collaborateurs afin d’accélérer cette transition éthique qui ne peut fonctionner que si elle est portée par chacun. Ce mouvement n’a de sens qui si tous agissent de concert, tout autant acteur et responsable de cette transformation.

Cette ambition, souhaitable, est-elle compatible avec les impératifs de marché, de rentabilité?

Très précisément. Il y a désormais, comme je le disais plus haut, une pression nouvelle des investisseurs de long terme ainsi que des jeunes consommateurs ou du jeune talent. Certes l’entreprise à très court terme pourrait être légèrement moins performante, en raisons de nouveaux investissement et modes d’actions; mais à moyen ou long terme, elle sera plus résiliente et plus en phase précisément avec son marché. Il ne s’agit pas d’un coût mais d’un investissement.

Toi qui travailles beaucoup sur l’imaginaire et la prospective, quels sont tes futurs désirables?

En relisant la préface de Huxley à son célèbre roman de science fiction “Le Meilleur des Mondes”, préface écrite 25 ans après la première édition, je suis tombée à ma grande surprise sur une vision proche de la mienne : celle d’un monde assez égalitaire tout en laissant libre cours aux aspirations de chacun. Où chacun est considéré avec l’exact même statut. Où chacun est tourné vers l’amélioration du bien commun et partage ses idées nées dans l’imagination et la raison critique, soutenues par de nouveaux outils d’explorations qui les rendent à la fois plus vastes et plus collectives. Un monde de vérité et de paix, bien sûr, où la civilisation pourra prospérer. Un monde d’artistes et de scientifiques, où chacun est aussi un peu juge et chacun a dirigé, dirige ou va diriger un projet temporaire. Ce monde-là est peut être plus proche qu’on ne le pense.

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