Marie-Sarah Adenis, sera intervenante du festival Life! et y présentera son exposition Gloire aux microbes.
Artiste-designer, diplômée en création industrielle (ENSCI) et en biologie (ENS Ulm), elle est co-fondatrice et directrice artistique de l’entreprise PILI et enseigne dans des écoles d’art et de design.

Quelle est votre relation à la biodiversité et au vivant ?

Ma première relation est une appartenance évidente puisque je suis moi-même partie prenante de cette biodiversité. Mes études de biologie m’ont permis d’établir une connexion plus fine en prenant conscience de la richesse infinie de son histoire évolutive, des mécanismes qui sont à l’oeuvre en nous et partout autour de nous. C’est un premier prisme théorique mais vertigineux et passionnant.
J’ai aussi construis au fil du temps une relation plus directe et plus surréaliste avec les autres vivants, notamment avec les êtres microscopiques qui invitent à un rapport presque magique quand on comprend que le monde est fait de ce tissu invisible vivant qui rend la vie possible par le biais de ces micro-organsimes. J’ai toujours un petit microscope de poche sur moi qui me permet de voir ce qui m’entoure et qui m’échappe. Cela crée une attention au monde radicalement différente. De la même manière que je “vois” l’invisible, je “sens” les vivants à travers l’emprunte qu’ils laissent derrière eux. Je respire leur activité métabolique à chaque bouffée d’oxygène, je partage mes repas avec eux au moment de la digestion, et j’établis cette connexion intime de plein de manières qui rendent ma perception plus fine et plus riche. C’est comme ça que j’habite le monde et que je lui donne du sens.

Pouvez-vous partager une anecdote qui illustre ce rapport ‘intime’ ?

J’en ai beaucoup mais la plus récente est la rencontre que j’ai faite et documentée avec une mue de crabe sur l’île de Lanzarote. Je l’ai emmenée partout avec moi, dans les randonnées, sur les volcans où je retournais avec elle aux premiers matins du monde, mais aussi dans les bars et les restaurants où je la posais sur la table face à moi, ce qui ne manquait pas de créer du trouble, des rires, des regards intrigués, et je pense que ce trouble est une bonne chose. C’est le point de départ de tout renversement de notre rapport au monde. Il faut inventer d’autres manières de vivre cette immense fresque burlesque, fragile et foisonnante qu’est la vie.

Pour vous, qu’est-ce que la biodiversité représente ?

La biodiversité est un vertige. Elle représente le miracle de la vie qui se perpétue depuis 3,8 milliards d’années. C’est aussi ma famille. Chaque être est un cousin ou une cousine, plus ou moins éloignés. Ce sont autant de formes spectaculaires et divergentes que la vie a prises pour s’incarner et peupler le monde. Elles viennent toute à l’origine d’ancêtres unicellulaires qui ont été les premiers à expérimenter la vie et qui ont établi la grammaire et les règles auxquelles nous nous soumettons encore aujourd’hui, avec quelques fautes de frappes qui sont parfois retenues et qui enrichissent d’autant le vocabulaire de la vie qui se prononce avec des ailes, des griffes, des neurones, des branchies, des capteurs sensoriels extrêmements variés qui donnent à chaque être une expérience du monde singulière et une umwelt particulière.
Et puisqu’il est question de biodiversité ici, il faut qu’on prenne conscience que les microbes forment la clé de voûte des écosystèmes. Aucune vie ne serait possible sans eux non seulement parce que ce sont eux qui nous ont donné la vie à l’origine, mais aussi parce qu’ils sont aujourd’hui les gardiens du temple, ceux qui perpétue et régule la vie, ceux qui peuvent la faire basculer dans un sens ou dans un autre.

Vous présenterez notamment l’exposition ‘Gloire aux Microbes’ lors du festival. Quelle est l’ambition de cette exposition ?

Gloire aux microbes est un cri d’amour qui visait à contrecarrer l’animosité et la terreur que les microbes ont toujours inspirés aux humains, plus encore avec la dernière pandémie. Le projet renouvelle les mots et l’imagerie pour conter l’histoire vraie et fascinante des microbes. Le point de départ est un texte manifeste que j’ai écrit comme un “Appel microscopique du 18 juin” (2020). J’ai ensuite réuni douze artistes qui se sont emparés des faits scientifiques qui sont détaillés dans le texte, et qui les ont sublimé dans des dessins qui proposent de nouveaux imaginaires, radicalement différents de ceux qui se sont cristallisés en nous.
Enfin, les oeuvres ont été sérigraphiées avec une encre produite par les bactéries elles-mêmes, ce qui donne une raison de plus de s’émerveiller de leurs pouvoirs innombrables. C’est un projet exigeant qui ne se contente pas de faire de la vulgarisation mais qui cherche à travers le texte et l’image à proposer un contrepoint puissant à nos imaginaires collectifs. C’est surtout une occasion de s’émerveiller avec la possibilité de parler de vivant et de biodiversité dans une perspective enthousiasmante, qui redonne le sourire alors que tout ce qu’on peut constater par ailleurs est clairement décourageant. Enfin un sujet qui donne de l’espoir !

Enfin, quels sont vos futurs désirables en matière de biodiversité ?

J’aimerais qu’on dépasse nos peurs et qu’on se mette à voir dans l’invisible, à travers l’espace et à travers le temps, pour reconnaître nos liens et nos interdépendances avec les autres habitants de la planète, qu’on puisse enfin voir en eux la puissance de nos alliances passées, présentes et à venir. La preuve avec le projet Pili que j’ai co-fondé (qui porte d’ailleurs le projet Gloire aux microbes) et qui fait alliance avec les bactéries pour produire des colorants et pigments écologiques. Une solution née de la collaboration entre les humains et les bactéries (même s’il faut bien dire que les humains portent déjà en eux bien plus de bactéries que de cellules humaines !).

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PFAS : ces substances chimiques qui adhèrent à l’environnement
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Les PFAS, substances chimiques créées par erreur par l’homme et utilisées premièrement dans l’industrie de guerre avant de connaître une utilisation généralisée, questionnent quant aux effets sur la santé humaine, mais également sur les conséquences durables de cette famille de molécules chimiques sur l’environnement. Réputés comme “éternels”, ces polluants inexistants à l’état naturel, interrogent quant à l’empreinte de l’homme laissée ad vitam æternam sur la biodiversité et aux impacts durables de cette pollution.

Mais les PFAS c’est quoi ?

Les PFAS sont des substances chimiques issues de la famille des perfluoroalkylés et polyfluoroalkylés. Provenant au départ d’un hydrocarbure, les PFAS sont fondés sur une liaison carbone-fluor, considérée comme l’une des plus stables de la chimie organique et donc quasiment indestructible, d’où le surnom de “polluants éternels”. La robustesse de ces “polluants éternels” offre diverses propriétés très intéressantes pour les procédés industriels.

Carte mondiale des zones d’exposition de la faune et la flore sauvages menacées par l’exposition aux PFAS

Quand l’homme inventa les PFAS

Les PFAS sont une grande famille de substances inventées par l’homme en 1938 par un incident d’un chimiste de la firme Dupont. En essayant de faire refroidir de la neige avec du fluor, celui-ci a découvert les PFAS, substance chimique inconnue à l’état naturel.

Les premiers PFAS sont utilisés dans le projet Manhattan (ayant pour objectif de créer la bombe atomique) et dans les revêtements pour les chars de l’armée américaine. Par la suite, poêles en téflon, cordes de guitare, vestes Gore-Tex, mousses à incendies, maquillage waterproof, emballages alimentaires…. tous ces objets du quotidien anti-adhésifs, anti-tâches, imperméables et résistants aux hautes températures sont fabriqués majoritairement à partir de PFAS.

Commercialisées depuis le début des années 1950, les PFAS font face à de premiers soupçons sanitaires dans les années 1960 et 1970 quant à l’exposition humaine à ces substances chimiques nouvellement créées.

Par leur robustesse, les PFAS se révèlent persistants à long terme dans l’environnement des usines qui fabriquent ou utilisent ces substances. Sols, cours d’eau, air, nappes phréatiques, tous les espaces se retrouvent contaminés par ces substances qui se révèlent conduire à des risques de cancers ou de dysfonctionnements immunitaires pour l’homme.

Quels liens entre les PFAS et la biodiversité ?

Avant de contaminer les êtres humains, les PFAS contaminent l’environnement et la biodiversité à proximité directe des usines et se propagent, au fur et à mesure, dans d’autres milieux, et même jusqu’en Arctique.

Une mission scientifique menée au Svalbard par Centre d’Etudes Biologiques de Chizé (CEBC, CNRS/Université de La Rochelle) et le Muséum National d’Histoire Naturelle à mesurer l’impact de ces PFAS sur la faune polaire. Les chercheurs ont montré, grâce à des prises de sang réalisées sur des mouettes tridactyles (oiseaux marins fortement contaminés par ces polluants), que ces organismes sont les plus touchés par le stress oxydatif. Cela conduit à un vieillissement cellulaire anormal. Le stress oxydatif, stimulé par la présence de ces polluants poly- et perfluoroalkylées pourrait alors altérer la fécondité à long terme des individus les plus contaminés.

“Ces composés perfluorés, de plus en plus présents dans des contrées aussi reculées que l’Arctique, constituent une menace sérieuse pour la biodiversité arctique.”

Mouettes tridactyles, oiseaux marins fortement contaminés par les PFAS, étudiées lors de la mission scientifique menée au Svalbard

D’autres études ont montré que les PFAS ont des effets néfastes sur l’environnement et les habitats. En effet, ces substances chimiques réduisent la capacité de régénération des écosystèmes, dégradent la qualité de l’eau, des sols et de l’air, induisent des modifications physico-chimiques des habitats. Par ailleurs, les PFAS ont comme conséquence d’altérer les interactions symbiotiques en perturbant les relations mutualistes entre les plantes et les microorganismes du sol.

De plus, les PFAS ont des effets directs sur la biodiversité. Ils augmentent la vulnérabilité aux maladies et aux parasites en affaiblissant le système immunitaire des organismes et en perturbant leur fonctionnement physiologique, les rendant plus susceptibles aux maladies et aux infestations parasitaires. Enfin, les PFAS ont des effets délétères sur les fonctions reproductives. Ceux-ci affectent par exemple la germination des graines, la croissance des plantes et la reproduction des végétaux.

Santé humaine et protection de la biodiversité : même combat

Du fait de leur persistance, les PFAS ont une tendance à la bioaccumulation, c’est-à-dire à s’accumuler dans les tissus des organismes vivants. Cette accumulation peut entraîner une augmentation de la concentration de PFAS le long de la chaîne alimentaire. Les prédateurs, y compris les humains, peuvent ainsi être exposés à des concentrations plus élevées de PFAS en consommant des organismes déjà contaminés.

Les PFAS, par la contamination de la biodiversité, ont un impact direct sur la santé des humains. Par leur robustesse, les PFAS sont des composants chimiques pérennes dans l’environnement et questionnent quant à la question des effets à long terme sur les écosystèmes et les potentielles dépollutions nécessaires.

Face aux risques que ces polluants “éternels” font peser sur l’environnement et la santé des humains et des écosystèmes, l’Assemblée nationale a voté, jeudi dernier pour à une proposition de loi visant à interdire dans la majorité des cas l’utilisation des PFAS. Une première avancée significative en prévision d’autres accomplissements législatifs à l’échelle européenne en discussion.

 

Pour aller plus loin :

  • Un documentaire pour en apprendre plus sur les PFAS et leur rôle dans la contamination de l’environnement
  • Une carte mondiale qui présente les zones d’exposition de la faune et la flore sauvages menacées par l’exposition aux PFAS
  • Un article scientifique pour comprendre plus en détail les impacts des PFAS sur la biodiversité

Pour en savoir plus :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre Mooc Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ

Zones humides : un espace entre deux eaux
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Chaque 2 février, et pendant le reste du mois, nous avons commémoré, la signature de la Convention sur les zones humides, signée en 1971 à Ramsar (Iran). Premier accord multilatéral moderne sur l’environnement et seul traité consacré à un écosystème, cette convention met en lumière le rôle primordial qu’occupent les zones humides pour les êtres humains et leurs activités. Épuration de l’eau, aide à la gestion des crues, atténuation des effets des sécheresses, stockage du carbone, les zones humides sont de véritables alliées pour l’homme.

Définir la zone humide ne va pas de soi !

Une zone humide, c’est avant tout une zone de transition entre la terre et l’eau

Zone humide entre terres immergées et émergées

Cependant, c’est un terme vaste avec plusieurs définitions. Entre celle du code de l’environnement ou de la convention de Ramsar, entre zones humides et milieux humides, la définition n’est pas homogène. 

Toutefois, une zone humide est caractérisée par la présence de l’eau, salée ou douce, dans des zones continentales ou côtières, artificielles ou naturelles, permanentes ou temporaires, stagnantes ou courantes. 

Une zone humide peut être à la fois

  • des cours d’eau, des lacs, des étangs, des plaines d’inondation, des tourbières, des marais et des marécages. 
  • des estuaires, des vasières, des marais salés, des mangroves, des lagons et des récifs coralliens. 
  • des étangs d’aquaculture, des rizières, des retenues et des marais salants.

Le constat d’un déclin des zones humides

Les activités humaines menacent les zones humides. En effet, elles entraînent une fragmentation, un appauvrissement voire une disparition de ces zones.

“87 % des zones humides présentes au XVIIIe siècle avaient été perdues en 2000, dont 50 % rien qu’au XXe siècle. La disparition des milieux humides est 3 fois plus rapide que la déforestation” (IPBES, 2019).

L’urbanisation, la construction de routes, l’intensification de l’agriculture et de la production forestière, l’aménagement des cours d’eau et des espaces portuaires, l’extraction de minéraux, le prélèvement d’eau sont autant de facteurs humains qui ont un impact direct sur le déclin de ces milieux.

Un atout majeur pour lutter contre le dérèglement climatique

Primordiales pour les services rendus dans la lutte contre le dérèglement climatique, les zones humides sont des espaces qui :

  • absorbent et stockent l’eau, diminuent l’intensité des crues, canicules, tempêtes.
  • alimentent les nappes phréatiques et cours d’eau, retardent les effets de sécheresse et préservent la ressource en eau.
  • captent le carbone atmosphérique.
  • absorbent l’azote et améliore la qualité de l’eau.
  • procurent des îlots de fraîcheurs en milieu urbain.

Zone humide : un creuset de biodiversité

Réservoirs de biodiversité, les zones humides sont essentielles sur Terre.

“Les milieux humides couvrent environ 6 % des terres émergées et figurent parmi les écosystèmes les plus riches et les plus diversifiés de notre planète”.

Première zone humide de France par sa taille, la Camargue accueille régulièrement la seule colonie nicheuse
de flamant rose en France.

Selon les chiffres des Nations Unies :

  • 40 % de toutes les espèces végétales et animales vivent, se reproduisent où sont abrités dans les zones humides.
  • La moitié des espèces d’oiseaux dépendent des zones humides.
  • 2/3 des poissons s’y reproduisent ou y vivent.
  • Plus d’un milliard de personnes dans le monde dépendent des zones humides pour leur subsistance, soit environ une personne sur huit sur Terre.

En somme, insectes, mollusques, crustacés, poissons, oiseaux, vertébrés, arbres, végétation, plantes remarquables et humains sont tous dépendants de ces milieux.

Quelles solutions envisageables ?

Le déclin des zones humides rime avec déclin de la biodiversité ! Face à la disparition des milieux humides et à la nécessité de les protéger à différentes échelles, des solutions financières, contractuelles, réglementaires, de sensibilisation existent pour gérer durablement, sauvegarder et restaurer les milieux humides.

  • Les PLU et SCOT permettent de penser l’aménagement du territoire en parallèle de la protection de ces espaces à l’échelle territoriale.
  • Le réseau Natura 2000 ou le programme LIFE+ contribuent à la préservation et à la restauration des milieux humides au niveau européen.
  • Les soutiens réglementaires et financiers à l’activité agricole et aquacole permettent de développer des pratiques respectueuses de la biodiversité locale et des milieux humides.
  • Jardiner en respectant la biodiversité en choisissant des essences locales cultivées sans pesticides et avec du terreau sans tourbe.

Par conséquent, les zones humides sont des milieux riches en biodiversité et indispensables à la vie sur Terre. Cependant, ces espaces sont menacés par les activités humaines.

 

Pour aller plus loin :

 

Pour en savoir plus :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre Mooc Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ

Karine Jacquemart est directrice générale de Foodwatch France et Éclaireuse ENGAGE.

Quelle est la mission de Foodwatch ?

Foodwatch France, qui fête ses 10 ans, est un contre-pouvoir citoyen 100% indépendant qui milite pour une alimentation saine, durable et abordable, pour toutes et pour tous.

Nous sommes une association loi 1901, mais également association agréée de défense des consommateurs et consommatrices, ce qui nous permet d’agir en justice. C’est fondamental car il faut casser le climat actuel d’impunité. Nous avons donc porté plainte dans l’affaire Lactalis des laits contaminés en 2018, suite aux scandales Nestlé (Buitoni) et Ferrero (Kinder) en 2022 et de nouveau il y a un mois quand on a découvert la fraude massive sur les eaux minérales filtrées illégalement par Sources Alma et Nestlé Waters.

Donc la mobilisation citoyenne, dont nous parlerons mercredi prochain, n’est pas notre seul moyen d’action.

Quant à moi, comme tu le sais, je milite depuis plus de vingt ans pour plus de justice sociale et environnementale, partout.

 

Si on entre un peu plus dans les détails, quels sont les moyens ou les leviers d’action de Foodwatch 

D’abord, nous menons des enquêtes fact based ou science based, et ça aussi c’est fondamental. Nous nous appuyons sur des rapports d’experts lorsque nous pointons du doigt par exemple des risques pour la santé liés à des additifs ou d’autres contaminants dans notre alimentation et exigeons leur interdiction (cf notre campagne contre les nitrites ajoutés dans la charcuterie).

Nous révélons des pratiques abusives dans l’industrie agroalimentaire et la grande distribution (arnaques sur l’étiquette, scandales, lobby…). Pour contraindre les entreprises à bouger bien sûr mais aussi pour contraindre les autorités à renforcer les lois (la plupart de ces pratiques étant illégitimes mais légales…) ou simplement à les faire appliquer, en France et dans l’UE.

Ce que nous voulons, c’est sortir de ce climat général d’opacité et d’impunité et remettre les points sur les i des responsables de notre système agricole et alimentaire qui est devenu fou : au début de la chaîne, un agriculteur ou agricultrice sur 5 vit sous le seuil de pauvreté et en bout de chaîne des millions de personnes tombent dans la précarité alimentaire. Au milieu, les géants de l’industrie agroalimentaire et de la grande distribution ont la main mise sur le marché : ce sont eux qui décident quels produits sont disponibles dans les rayons et à quels prix. Eux qui profitent de l’inflation sur le dos de la majorité.   Fin 2023, nous avons donc à la fois publié un décryptage de ce système, mais aussi une action de mobilisation pour exiger de la transparence sur la construction des prix et une modération des marges sur les produits les plus sains et durables.

 

Et la mobilisation collective dans tout ça ?

C’est un des ingrédients indispensables pour peser de tout notre poids. Lorsque les faits sont établis, nous lançons l’alerte auprès des médias et de millions de personnes, car tout commence par l’information, par rendre accessible cette information. C’est elle qui déclenche cette forme d’espoir que représente l’action.

Il est évident que les citoyennes et citoyens ne peuvent agir seuls, ils doivent être fédérés pour agir et c’est ce que fait Foodwatch, c’est notre raison d’être. Aujourd’hui nous avons une communauté de près de 450.000 foodwatchers, ce qui a un certain poids.

Cette communauté est indispensable lorsque nous pratiquons le Name and Shame (nommer et couvrir de honte, en bon français). Nous voulons mettre les entreprises qui ont ces pratiques délétères ou illégales face à leurs responsabilités, les obliger à rendre des comptes. Et l’Etat aussi. Lorsque nous obtenons des rendez-vous dans les ministères, ce qui arrive fréquemment, nous portons la voix de ces centaines de milliers de Françaises et Français. Et ils le savent.

Nous devons peser simultanément sur le monde politique et le monde économique en s’appuyant sur la sphère citoyenne qui, de plus en plus informée, réclame de véritables changements. C’est grâce à la mobilisation citoyenne que nous sommes un vrai contre-pouvoir.

 

Et pour finir, tes futurs désirables, quels sont-ils ?

Ce que je souhaite, c’est que l’on n’accepte plus l’inacceptable ! Que l’on arrive à faire changer les choses, pour une alimentation saine, durable abordable pour toutes et tous mais bien au-delà : pour une société où l’on vit ensemble dans un respect mutuel, la justice sociale et environnementale, les droits fondamentaux.

Que les notions de transparence et de redevabilité deviennent la règle. Si l’on prend l’exemple des marges et des prix de vente alimentaires, déjà mettre en lumière qui profite de quoi et les conséquences de ces pratiques dissuaderait davantage.

Pour que cette transformation advienne, je suis également persuadée que nous avons besoin d’un renouvellement en profondeur de notre personnel politique et leurs biais. Le système aujourd’hui est aussi lâche que violent, contre l’intérêt général. Donc contre toutes et tous. Mais ça n’est pas une fatalité. J’en reviens à notre sujet : mobilisons-nous !

Pour aller plus loin :
– Visiter le site de Foodwatch France
– Retrouver l’interview de Karine Jacquemart dans RTL matin
– Regarder l’interview contre-pouvoir

Captures accidentelles de dauphins, un signal pour une pêche durable
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Le 20 février 2024 a sonné la réouverture de la pêche dans le Golfe de Gascogne. Dans cette zone allant du Finistère au Pays Basque, toutes les embarcations de plus de 8 mètres et certaines techniques de pêche ont été suspendues, pendant 1 mois, dans l’objectif de préserver les populations de dauphins des captures accidentelles et de leur permettre de se reproduire. Cette interdiction a, à la fois, agité le secteur économique et a reçu de vives critiques, mais questionne également sur l’état de nos océans et sur la durabilité de la filière face à l’effondrement de la biodiversité.  

Au fur et à mesure, l’océan se vide

La pêche est la première source de destruction des écosystèmes marins.

Entre 1950 et 1990 les stocks ont massivement diminué et la pression de pêche a augmenté si bien qu’à la fin des années 1990, 90% des populations de poissons évaluées dans l’Atlantique Nord-Est étaient surexploitées.

Face à cet effondrement de la biodiversité marine, la réaction de la filière a été de pêcher plus loin, plus profond et avec des méthodes de plus en plus performantes, mais qui, en parallèle, épuisent les écosystèmes.

Navires de pêche hauturière avec leurs filets à quai

Cependant, cette filière est dans une impasse. Les quantités de poissons pêchés diminuent du fait de la surexploitation des espèces et de la capture des juvéniles. L’océan a atteint les limites de ce qu’il peut nous offrir.

C’est dans ce contexte global, et après des tentatives infructueuses de caméras embarquées sur les navires et de moyens de dissuasion pour éviter la capture des dauphins, que l’interdiction a été décidée.

La flotte de pêche française est diverse, alliant pêche côtière, pêche hauturière et pêche industrielle. Cependant, une technique de pêche fait l’objet de tous les regards : le chalutage. Le chalutage pélagique, non-sélectif, est décrié pour les captures accidentelles de dauphins et le chalutage de fond pour la destruction des habitats marins qu’il engendre.

En effet, 84% des débarquements issus de ressources surexploitées proviennent des grands chaluts et sennes, plus de 1 juvéniles sur 2 péché est capturé par un grand chalut ou une grande senne et 90% de l’abrasion des fonds est causé par les grands chaluts et sennes de fond.

Quels bienfaits, de cette interdiction, pour la biodiversité ?

Même si l’interdiction ne dure qu’un mois, c’est un premier pas qui a été fait en direction de la biodiversité marine. Cette interdiction, qui se renouvellera à la même période en 2025 et 2026, permet de mettre en lumière une menace concrète sur les cétacés du golfe tels que le dauphin commun ou le marsouin, menacés de disparaître, mais plus largement sur l’état des océans.

Il faut rappeler que cette mesure fait suite à une hausse des captures et échouages de dauphins sur les côtes françaises. Selon l’observatoire français Pelagis, 90% des dauphins retrouvés morts sur les côtes françaises ont été victimes des filets de pêche pendant l’hiver 2022-2023.

Filets de pêche qui conduisent à la capture accidentelle des dauphins

Par conséquent, cette mesure mise en place en 2024 doit, à court terme, permettre aux dauphins de se reproduire, aux juvéniles de grandir et octroie à tout l’écosystème un moment de répit.

Sur le temps long, nous sommes tous dépendants des océans et de la biodiversité qu’ils préservent. Il existe des  contributions matérielles (matières premières, ressources médicinales, d’élevage…), des contributions non–matérielles (sources d’inspiration et d’apprentissage dans l’art, la littérature, la musique, la cuisine, le tourisme…), et des contributions régulatrices (oxygénation de l’atmosphère, régulation du climat et du cycle de l’eau…) de l’océan et de ses ressources.

La pêche durable et l’adaptation de la filière

Au vu des enjeux actuels, il est nécessaire de transformer la filière pour tendre vers une pêche durable. L’un des premiers axes de transformation est le “déchalutage” du secteur économique. Cette méthode, employée largement par la pêche industrielle, ne permet pas, à long terme, de penser une gestion durable des ressources.

En parallèle, un investissement dans le secteur de la pêche côtière doit d’être encouragé. Comme le montre l’étude menée par l’association BLOOM, la pêche côtière combine les points positifs : faible impact sur les fonds marins et les émissions de gaz à effet de serre, absence de dépendance aux subventions publiques, création d’emplois et de valeur.

La transition du secteur doit permettre de conserver son segment le plus vertueux et durable : la petite pêche côtière, soit plus de 70% des navires, dont le déclin est aujourd’hui tel qu’on peut parler d’une menace de disparition !

Navire de la flotte côtière.

Même si la pêche côtière est la solution actuelle la plus viable, durable et vertueuse, celle-ci doit également évoluer et progresser sur le sujet des captures accidentelles de dauphins ou d’oiseaux.

Transiter vers une pêche durable, c’est ce que l’on peut appeler la « pêchécologie ». Cette pêche minimise les impacts sur le climat et le vivant tout en contribuant à la souveraineté alimentaire européenne, en maximisant les emplois et en offrant des perspectives socio-économiques et humaines dignes.

La restriction de pêche dans le Golfe de Gascogne est gagnante-gagnante, pour les pêcheurs, les dauphins, le climat, et illustre le principe de co-bénéfices. Préserver les dauphins aujourd’hui doit permettre aux pêcheurs de pratiquer leur activité demain et contribue à la régulation du climat.

 

Pour en savoir plus :

Pour aller plus loin :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre Mooc Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ

Exploiter les fonds marins : une menace durable pour la biodiversité
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Les mobilisations récentes qui ont eu lieu en Norvège et sur la scène internationale ont permis de faire émerger, à nouveau, les dangers liés à l’exploitation des fonds marins. Mardi 9 janvier 2024, les députés norvégiens ont donné leur feu vert à la prospection minière en grande profondeur – entre 200 mètres et 11 kilomètres – d’une zone située au cœur du plateau continental norvégien entre la mer de Barents à l’archipel du Svalbard. L’exploitation à des fins commerciales de ces ressources a cependant été repoussée dans l’immédiat. Cette décision pose question sur les conséquences de ces nouvelles perturbations sur les écosystèmes à court et long terme, à l’échelle locale et globale.

Mais pourquoi vouloir exploiter ces fonds marins ?

Cuivre, cobalt, manganèse, nickel, zinc, thallium, fer, argent, or … autant de ressources rares sur lesquelles lorgnent les industriels. Les gisements de minéraux se situent sur les monts sous-marins, les cheminées hydrothermales et les plaines abyssales. Celles-ci sont de vastes étendues situées en profondeur, recouverts de sédiments et de dépôts minéraux, également appelés nodules polymétalliques, principales cibles de la potentielle exploitation à venir.

Comment récupérer ces ressources ?

Selon The Ocean Foundation la méthode serait d’envoyer des machines excavatrices, tels des tracteurs des mers qui aspirent les quatre premiers centimètres du fond marin, envoyant les sédiments, les roches, les animaux écrasés et les nodules jusqu’à un navire à la surface.

Machines excavatrices d’exploitation potentielle de nodules de manganèse. – Wikimedia Commons/CC BY 4.0 Deed/ROV-Team/Geomar

À l’heure de la transition énergétique, la construction des voitures électriques, panneaux solaires, éoliennes requièrent une grande quantité de minerais et de métaux rares. Cette hausse de la demande, « multiplié[e] par 3,5 d’ici à 2030 » selon l’Agence internationale de l’énergie, conduit à une recherche toujours plus forte de nouveaux sites d’exploitation. Pour atteindre les objectifs de neutralité carbone et sachant que les réserves planétaires en minerais commencent déjà à montrer leurs limites, les fonds marins semblent être une aubaine pour les industriels. Cependant, cela pose question quant aux écosystèmes florissants et interconnectés dans cet océan profond qui abritent une diversité stupéfiante de biodiversité.

Les leçons du passé :

Deux études ont été menées permettant de mettre en évidence les impacts de cette potentielle nouvelle méthode industrielle sur la biodiversité.
→ En 1989, dans les eaux territoriales du Pérou, une simulation d’exploitation minière des fonds marins a été réalisée. En 2019, une équipe de chercheurs a conclu dans une étude publiée dans Scientific Reports, que l’écosystème du bassin sédimentaire était encore en mauvaise santé et moins diversifié.
En juillet 2020, le Japon a mené une excavation « test » d’une durée de 1 h 49, sur une surface mesurant de 130 mètres de long, qui a eu des effets pendant plusieurs mois sur cet écosystème.

Plus d’un an après l’excavation, la densité des animaux marins mobiles – poissons, crevettes, crabes, cténaires, etc. – était inférieure de 43 % à la normale dans les zones directement affectées par le déplacement de sédiments généré par les machines. Sur les zones adjacentes la densité des animaux marins mobiles a chuté de 53 %.

Des nodules polymétalliques sur une plaine abyssale. – Wikimedia Commons/CC BY-SA 3.0/Abramax

Quelles conséquences sur la biodiversité :

Envisagée à l’échelle industrielle en Norvège, l’exploitation des fonds marins, pourrait avoir de pérennes conséquences à la fois sur les organismes benthiques tels que les crabes yétis, vers tubicoles géants, coraux noirs, mais également sur les organismes pélagiques tels que le zooplancton, baleines, calmar géant, poisson-lanterne.

En effet, les scientifiques alertent sur :
→ Le stress physiologique et un épuisement métabolique infligés par les nuisances sonores, lumineuses et chimiques aux espèces entraînant des détresses respiratoires et auditives, un endommagement des branchies, une modification des comportements, des difficultés de flottabilité et de communication par bioluminescence.

L’altération ou la destruction des habitats naturels induit une perte irréversible de la biodiversité marine. Les migrations forcées des populations, la fragmentation des habitats peuvent être fatales au bon fonctionnement des écosystèmes. Les scientifiques alertent également sur une potentielle hausse du taux de mortalité, une réduction de la reproduction et une modification de la chaîne alimentaire.

→ L’excavation des fonds marins induit des pollutions des eaux par des panaches de sédiments et de particules mis en suspension dans les colonnes d’eau ou des rejets toxiques provenant des navires, modifiant la composition chimique de l’eau et ayant un impact sur les communautés microbiennes et animales.

 

D’autres répercussions ?

L’exploitation des fonds marins aurait également des conséquences sur le climat planétaire en menaçant le bon fonctionnement des puits de carbone de l’océan. En effet, la redistribution des sédiments dans la colonne d’eau entraverait le rôle des sédiments dans le stockage du carbone.

Enfin, de nombreuses conséquences économiques, sociales et diplomatiques sont à prévoir. Des contaminations de l’alimentation issues de la mer et des pêcheries internationales, une déstabilisation de la chaîne alimentaire, l’impossibilité de faire de nouvelles découvertes scientifiques fondées sur le biomimétisme, l’ouverture à l’exploitation industrielle en Norvège qui sert d’exemple à l’échelle mondiale, sont autant de conséquences à prendre en compte.

 

La recherche toujours plus intense de ces minerais, pour permettre une “transition verte”, ne doit pas être synonyme de destruction de la biodiversité marine. Les fonds marins sont un patrimoine mondial à préserver car :

“Si on commence à altérer une zone, on a la quasi-certitude que l’ensemble de l’océan va finalement être altéré. Le problème, c’est qu’on ne sait pas en combien de temps et dans quelles conséquences”, estime Pierre-Antoine Dessandier, biologiste marin à l’Ifremer.

C’est pour protéger ces écosystèmes rares et inexplorés que de nombreuses mobilisations citoyennes et gouvernementales demandent un moratoire sur l’exploitation des fonds marins pour tenter d’éviter une catastrophe environnementale, économique et sociale annoncée par les scientifiques.

Une note d’espoir : des entreprises se sont déjà engagées à ne pas utiliser de minerais provenant des grands fonds marins, si leur exploitation n’est pas réglementée. Ainsi pas de demande, pas d’extraction : c’est la loi du marché !

 

Pour en savoir plus :

Pour aller plus loin :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre Mooc Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ

Hortense Dewulf vient de rejoindre ENGAGE pour déployer l’atelier MISSION biodiversité.

Qui es-tu, Hortense ?

Vaste question… Il me faudrait la journée pour y répondre ! Plus sérieusement, je viens de rejoindre ENGAGE après une expérience dans le conseil en innovation et un voyage au coeur de l’Amazonie.

Pourquoi alors ENGAGE et cette MISSION Biodiversité ?

Je ne vais pas te surprendre. Je souhaitais faire coïncider à 100% mes convictions personnelles et mes responsabilité professionnelles. M’engager chez ENGAGE… ça allait de soi !

En quoi consiste ton travail ?

ll a de multiples dimensions. Un aspect de conception d’abord, en travaillant à la refonte de l’atelier avec Quentin Thomas, notre responsable biodiversité. Un aspect d’adaptation ensuite, pour accorder le troisième temps de mise en action aux enjeux des entreprises avec qui nous le déployons (en fonction de l’organisation, de son niveau d’engagement ou d’avancée sur ces sujets). Enfin, un aspect de déploiement pour trouver des nouveaux partenaires, des entreprises ou des universités dans lesquels le déployer. D’ailleurs, si vous souhaitez le tester ou le déployer, n’hésitez pas à me contacter, je serai ravie de vous aider 😉

Et toi, dans quel type d’organisations préfères-tu le déployer ?

Difficile de répondre. J’aime beaucoup le déployer dans les universités (nous l’avons fait avec l’Université de Sfax, en Tunisie, récemment) car je crois que les étudiants qui ont bien compris les enjeux, sont à la recherche de moyens pour être acteurs du changement.

Dans les entreprises la dynamique est différente car les collaborateurs ou dirigeants sont à mes yeux moins au courant de la crise de la biodiversité, qui est encore le parent pauvre, par rapport au climat. Nous avons du chemin à faire et c’est évidemment motivant.

Alors, justement, que propose l’atelier pour se mettre en action ?

Il est organisé en trois temps, avec une approche progressive pour permettre à chacun de s’emparer des enjeux. Le premier temps pour comprendre, le second pour s’entraîner et puis le dernier pour se lancer dans sa propre entreprise ou dans n’importe quelle organisation d’ailleurs. Il relie donc la compréhension théorique de ce qu’est la biodiversité et l’appréhension pratique de ses liens avec les activités économiques. Il est aussi très interactif et fait appel à l’intelligence collective. C’est une approche fondamentale dans cet atelier mais aussi plus génériquement car je pense que ce n’est que collectivement que nous trouverons des solutions.

Tu gardes donc espoir ?

Et comment ! Je ne veux pas vous dire que tout est foutu à 26 ans. La situation est grave oui, mais pas désespérée. Nous pouvons travailler à la défense, à la restauration, voire à la régénération de la biodiversité. Nous le devons même ! C’est maintenant qu’il faut s’engager. Regardez l’exemple du couple Salgado dont nous parlons dans cette ActionLetter, ils l’ont fait et le résultat est là. Je crois aussi que nous vivons un Momentum. Les planètes de l’engagement, notamment du monde économique, commencent à s’aligner. Les entreprises n’ont plus le choix car les risques liés à l’inaction commencent à être trop évidents. Et puis la biodiversité, c’est aussi une opportunité d’aller chercher l’engagement par le sensible. Qui, autour de vous, ne voudrait plus d’oiseaux, de poissons, de fruits juteux et de paysages variés ? Je suis certaine que nous pouvons jouer là-dessus. Attention, ce n’est pas de la manipulation hein ;), juste la meilleure stratégie à adopter. Bref, plus de tergiversations… de l’action !

Et tes futurs désirables, Hortense, à quoi ressemblent-ils ?

Je rêve d’un futur où il ira de soi d’investir dans le Vivant à la hauteur des services qu’il nous rend. Comme l’explique Emmanuel Delannoy, il s’agit “juste” d’une démarche de bon gestionnaire de réinvestir dans le capital (naturel) les bénéfices que l’on tire de la productivité du vivant.

Noémie Aubron est fondatrice du studio Prospective Créative et de la newsletter hebdomadaire La Mutante . Elle revient dans cette interview sur la force des mots et des récits pour transformer le réel.

Qui es-tu et qu’est ce que la “Prospective Créative” ?

Je suis Noémie Aubron et ma mission consiste à “ouvrir des futurs possibles”.
J’ai longtemps travaillé sur des projets d’innovation pour de grands groupes sur des problématiques de renouvellement de modèles économiques mais je me sentais toujours frustrée car je ne réussissais pas à faire entrer la dimension du changement dans le paradigme et les modèles d’innovation. 

C’est pour cela que j’ai commencé à creuser la question du “comment” parler de changements en sachant que j’avais déjà tenté de le faire sans succès via des méthodes plus rationnelles et corporate. J’ai commencé à  intégrer la notion de fiction en l’associant à la prospective.

Cela fait maintenant 5 ans que j’écris des récits qui sont l’incarnation de ce qui pourrait se passer. J’appelle cela de “l’analyse prospective”. J’essaie d’abord de détecter le changement, de le comprendre.

 

Comment racontes-tu le changement justement ?

Le plus important c’est de trouver le bon angle, une manière nouvelle de raconter ce changement.

Dans ma Newsletter je vais plutôt raconter le changement que j’observe personnellement, de façons très subjective, je partage mon regard sur le monde. 

Mais je travaille aussi auprès des entreprises pour les aider à comprendre et décrypter les tendances nouvelles. Nous sommes à la recherche des “angles morts” ou de ce que l’on appelle les “éléphants noirs” dans notre jargon : des tendances que l’on ne veut pas voir mais qui sont bien présentes et dont les entreprises ont tout intérêt à se saisir pour les intégrer dans leur modèle. 

 

Y a-t-il une réelle volonté de la part des entreprises de transformer le réel pour des futurs plus désirables?

Je dirais que la fiction prend surtout une dimension “de conte d’avertissement”, de lanceur d’alerte qui fait prendre conscience aux entreprises d’un futur non souhaitable, dystopique, pour elles et pour le monde afin de les inciter à travailler sur des transformations plus désirables. 

Pour cela j’aide les entreprise à définir leur intention, je les aide à se projeter pour définir leur mission, les nouveaux métiers qui en découlent et surtout à définir ce vers quoi elles ont envie de se projeter. C’est ce chemin de transformation que j’essaie d’installer grâce à la fiction qui devient un réel outil de transformation.

 

Dans quelles domaines observes-tu le plus de potentialité ou de nécessité de changement ?

Il y en a beaucoup bien évidemment ! Ce sont surtout nos modes de vie car ils vont nécessairement impacter l’activité des entreprises. 

Il y a par exemple notre rapport au confort. Le confort tel qu’il a été conceptualisé ces 50 dernières années devient inopérant aujourd’hui. Se pose la question de savoir ce qu’est un environnement confortable. Il ne s’agit plus, à mes yeux, de le définir comme un confort matériel. 

L’apparition des low tech est aussi un marqueur important à l’heure de notre interrogation sur l’utilisation de nos ressources naturelles.

Dans un monde en accélération constante, je parlerais aussi de notre rapport au temps, de notre gestion des espaces. Pour parler de façon triviale, le confort s’incarne-t-il dans notre désir de posséder la dernière machine à café la plus perfectionnée ou dans le temps dont nous disposons pour cultiver nous-même, notre jardin ?

Il semble que s’ouvre un nouveau chapitre dans nos manières de consommer, d’envisager notre rapport au monde.

 

Et justement, quels seraient tes futurs désirables ?

Habitant à La Rochelle, j’ai une sensibilité toute particulière sur les sujets lié à la mer, à sa protection et plus généralement à notre rapport au vivant. 

Dans cette même veine, je pense aussi à l’urgence de redéfinir notre rapport à l’alimentation. Cela touche les aliments eux-mêmes, leur qualité mais aussi leurs modes de production, de distribution avec des conséquences en matière de santé publique, d’aménagement du territoire.

Christophe de Hody est éveilleur de conscience autour de la nature. Sa mission : reconnecter au vivant au travers des plantes comestibles et des champignons. Il intervient pour nous dans le cadre du Défi Biodiversité, se connecter au vivant.

Nous vous présentons comme un “guide nature, éveilleur de conscience”, comment sensibilisez-vous le public aux problématiques du vivant ? 

Je sensibilise à la fois sur internet via des vidéos pédagogiques, mais aussi sur le terrain, dans la nature, en amenant des groupes en balade toute l’année, qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente.
Nos sorties peuvent être courtes (une heure) ou plus longues (parfois plusieurs jours) lorsqu’il s’agit de formations approfondies ou de stages intensifs.  

Plus les balades sont longues, plus elles sont structurées. Mais dans tous les cas, notre objectif est de transmettre principalement des connaissances sur les plantes et les champignons sauvages. 

Concernant les plantes, nous nous concentrons sur les plantes communes qui ont des usages comestibles ou médicinaux. 

Nous passons par l’intellect mais aussi beaucoup par les sens (toucher, odorat), ce qui permet de  faire vivre des expériences créatrices d’émotions, de souvenirs, pour redonner goût à la Nature.

 

En quoi votre démarche peut-elle contribuer à la préservation de la biodiversité ? 

Je suis convaincu que plus les gens vivront de belles expériences dans la Nature, plus ils auront envie de la connaître et de la protéger. On a envie de protéger ce que l’on connaît. 

La connaissance peut aussi permettre de faire comprendre que la protection de la biodiversité a un impact positif sur notre santé. Si nous préservons la flore, nous aurons moins d’allergies. Plus il y a de vert autour de nous, dans nos villes, moins il y fera chaud. Cela joue aussi sur notre bien être général : plus on entend les petits oiseaux chanter, mieux l’on se sent. 

Finalement, peu de personnes connaissent les bienfaits qu’offrent la nature, les services écosystémiques. Peu de personnes ont conscience que nous en sommes dépendants. C’est cela aussi qu’il s’agit d’inverser.

Nous vivons dans un monde aseptisé, dans lequel la nature fait peur, est dangereuse.  On entend souvent dire aux enfant: “surtout ne touche à rien”, “ne touche pas les plantes”. Beaucoup de personnes ont peur des plantes toxiques.

Ce sont ses cliché que je veux démentir, renverser.
On peut toucher les champignons, on peut toucher les plantes. En réalité, il y a très peu de plantes toxiques et lorsqu’elles le sont, ce n’est pas par le toucher mais par l’ingestion.

Pour dédramatiser et déconstruire les a priori, il m’arrive souvent d’utiliser l’humour; je fais des bisous aux plantes et champignons mortels !

 

Vos balades et vos formations sont-elles accessibles à toutes et tous ? 

Oui absolument. Notre objectif est de faire en sorte que tout le monde puisse suivre ces formations, car nous avons fait un très gros travail de synthèse pour vulgariser le contenu et lui donner un caractère simple et pédagogique. 

En général, je reçois beaucoup de débutants, qui deviennent de plus en plus sachants en participant à nos balades. La base, c’est de savoir identifier, sur le terrain. Cela permet d’avoir accès aux usages pour  se débrouiller tout seul.

Je préfère évidemment les promenades dans la nature, comme les participants, qui aiment le contact : prendre les plantes dans la main, sentir, goûter. Revenir à une connexion simple.

Les réseaux sociaux et Internet nous ont vraiment permis de diffuser plus largement ces connaissances via des formats synthétiques. Notre objectif est d’aller à l’essentiel, d’être le plus clair possible, de décortiquer les mots compliqués, de mettre des images sur ce que l’on dit. 

Sur les formats en ligne, il faut adapter nos pratiques. Nous avons pris le parti de travailler le visuel : je prends dans les mains et je montre les feuilles dentelées de la plante par exemple. Pour les autres sens, je décris ce que je ressens.

 

Qui faut-il impliquer en priorité, les citoyens ? 

Il ne s’agit pas que des citoyens. Il faudrait impliquer à plusieurs niveaux : 

  • Nous avons besoin des experts pour encadrer les citoyens, les guider, avec pédagogie. 
  • Il faut aussi impliquer les entreprises. Elles pourront ensuite impliquer leurs propres collaborateurs. 
  • Il faut aussi impliquer les collectivités. 

C’est la société dans son ensemble qu’il faut mettre en mouvement. 

De mon côté, je suis une pièce du puzzle. J’essaie, à mon niveau, d’impliquer les citoyens. C’est ma participation.

 

Enfin, quel serait votre futur désirable?

Je voudrais d’abord moins de béton, plus d’espaces verts avec de la gestion différenciée, c’est à dire ne pas entretenir de la même manière tous les espaces. Que certains soient laissés libres, non fauchés par exemple. 

Je voudrais que l’on plante de plus en plus d’espèces indigènes aussi, pour des usages spécifiques.. 

Il s’agit aussi réfléchir le paysage à différentes échelles en créant des “corridors bleus” par exemple, pour que les animaux se déplacent sans coupures, entre les écosystèmes.

 

Pour aller plus loin :

Pourquoi la thématique de la biodiversité est si importante pour ENGAGE ?

Pour plusieurs raisons, qui font système. D’abord parce que nous sommes particulièrement sensibles à ce sujet chez ENGAGE, à titre individuel. Parce que la biodiversité est encore le parent pauvre de l’engagement en matière environnementale. Parce que les entreprises et le milieu économique en général sont très en retard sur cet enjeu, faute de sensibilisation, de connaissances, d’indicateurs pertinents, etc.

Parce qu’enfin, bien sûr, et malheureusement, la biodiversité se meurt et que nous regardons tous ailleurs. L’effondrement est patent, s’accélère, ce qui me rend immensément triste. C’est de cela dont a parlé Olivier Dubois d’ailleurs lors de la dernière Conférence-Action du Défi Biodiversité. La solastalgie, le fait de vivre la disparition du vivant.

Pour finir sur une note positive, la biodiversité aussi parce que nous pouvons agir sur le vivant et contribuer à sa restauration, ici, sur nos territoires.

 

Comment d’ailleurs définirais-tu la biodiversité ?

La biodiversité peut se définir comme les interrelations entre les espèces en mouvement dans des écosystèmes en constante évolution. La biodiversité ou le vivant peut se caractériser par sa dynamique. Je me souviens des interventions de Pierre-Henri Gouyon, grand biologiste français, qui aimait filer la métaphore du cycliste qui, s’il n’avance plus, tombe.

 

Elle est donc tellement en danger ?

Écoute, trois chiffres suffisent à caractériser son déclin. Les grands mammifères ont décliné de 70% en 50 ans au niveau mondial, les oiseaux de 30% et les insectes de 75% en 25 ans au niveau européen. Donc oui, elle est grandement en danger, les causes de cet effondrement sont connues, il s’agit de passer réellement à l’action désormais.

 

Comment faire justement ? A un niveau individuel ou collectif ?

A un niveau individuel, chaque citoyen peut agir bien sûr, utiliser moins de plastique par exemple, s’engager dans des associations de sciences participatives, etc. Mais pour être honnête, je pense que c’est au niveau collectif, économique ou collectif que nous aurons un impact massif et à la mesure des enjeux. Je veux surtout éviter de sur-responsabiliser le citoyen.

Pour briser le fameux cercle de l’inaction, l’engagement du citoyen est important, certes, mais la réforme du système est fondamentale.

Pour faire simple, il s’agit, je crois, de courage ou d’audace. Courage politique d’imposer des réformes, comme la ZAN (zéro artificialisation nette). Audace du milieu économique et des dirigeants de mettre en œuvre des changements qui ne soient pas homéopathiques ou périphériques à l’activité mais qui osent interroger la pertinence des modèles d’affaires.

Je crois en la possibilité de faire émerger un nouveau modèle d’entreprises ou de modèles d’affaires moins destructeur du vivant, qui contribue à sa restauration.

 

Justement, tu parles souvent d’entreprise restaurative ou d’économie restauratrice, qu’entends-tu par là ?

Je crois en la possibilité de faire émerger un nouveau modèle d’entreprises ou de modèles d’affaires qui ne soit plus ou en tout cas moins destructeur du vivant, qui contribue à sa restauration. Attention, je ne dis pas qu’une activité économique peut avoir intrinsèquement une contribution positive sur le vivant. C’est en cela que je trouve le concept ‘d’entreprise régénérative’ dangereux d’ailleurs, sur-prometteur.

L’entreprise restauratrice a pour ambition de se mettre au service du vivant et d’entretenir un rapport moins destructeur avec lui.

Pour dire les choses concrètement, chaque entreprise peut tout d’abord essayer de minimiser son impact, et ce à toutes les étapes de sa chaîne de valeur, elle peut ensuite reconsidérer son modèle d’affaire, en passant par exemple à l’économie de la fonctionnalité, elle peut enfin renoncer à certaines activités ou rediriger certaines activités, pour parler un langage mieux accepté par le monde économique – réduire, repenser, rediriger.

 

As-tu des exemples ?

Oui bien sûr. Prenons un exemple connu de réduction de son impact avec Interface, fabricant de moquettes qui agit à plusieurs niveaux : le réemploi et le recyclage de la matière et de celle de ses concurrents aussi, d’ailleurs ; La transformation des déchets en ressources ; le biomimétisme pour utiliser moins de colle en s’inspirant du gecko ou encore le design pour éviter d’utiliser des rouleaux et faciliter le remplacement de petits éléments.

Prenons l’exemple de Michelin qui commercialise ‘le pneu comme un service’ et vend non plus des pneus mais des kilomètres, ce qui permet d’économiser beaucoup de matières. Prenons enfin peut-être enfin l’exemple des stations de moyenne altitude qui abandonnent le ski pour réduire leur impact (utilisation d’eau, artificialisation de la montagne, etc.) et cherchent des activités alternatives.

En matière de biodiversité, il y aussi ce que nous pourrions appeler notre déconnexion. Pourquoi s’évertuer à sauver, à protéger quelque chose que l’on ne connaît pas.

 

En fait, j’ai l’impression, en t’écoutant, que les solutions sont connues. Qu’est-ce qui empêche les grands changements d’avoir lieu ?

Tu as raison, nous avons désormais de plus en plus de solutions et les problématiques sont connues, étudiées, documentées. Pourtant, les avancées sont encore grandement insuffisantes.

Ce qui nous retarde, de façon générique, c’est la peur du changement bien sûr et l’intérêt aussi, de certains, à ne pas agir. En matière de biodiversité, il y aussi ce que nous pourrions appeler notre déconnexion. Pourquoi s’évertuer à sauver, à protéger quelque chose que l’on ne connaît pas. Je vais essayer d’exprimer concrètement ce que veux te dire par une expérience que j’ai vécue.

Je me souviens d’un séminaire d’une semaine que j’avais animé dans le sud à côté d’Albi, dans la campagne, pour une vingtaine de jeunes entrepreneurs des banlieues. On m’avait demandé de les inciter à rendre leur modèle d’affaires plus compatible avec les enjeux environnementaux et sociaux.

Au bout de trois jours, un peu fatigué, j’allais me promener dans les bois, à côté, et je revenais les bras chargés de coulemelles, un magnifique et délicieux champignon au goût de noisette.

Figure-toi qu’au bout de quelques minutes, j’ai découvert que cent pour cent d’entre eux ne connaissaient pas ces champignons, ce qui est tout à fait concevable, voire normal, mais que, beaucoup plus inquiétant, au moins trente pour cent d’entre eux n’avaient jamais vu de champignon. Il ne savait pas ce qu’était un champignon.

Quel naïf j’étais. Comment les intéresser aux enjeux environnementaux alors qu’ils étaient totalement déconnectés du vivant. Ce n’est surtout pas un jugement de ma part, à leur égard, bien au contraire. C’est plus un constat de ce qu’il faut corriger. Comment engager une société totalement en perte de relation sensible avec le vivant sur ces sujets.

Dans la même veine, je crois qu’un enfant américain peut reconnaître 500 marques mais est incapable de nommer dix espèces du vivant de sa région.

 

C’est pour cela qu’ENGAGE a lancé le Défi Biodiversité, non ?

Oui absolument. Nous voulons progressivement faire émerger un ou plusieurs projets qui permettent de retisser notre lien individuel et collectif au vivant. Nous avons en quelque sorte oublié qu’il y avait de la terre sous le bitume. Nous dévoilerons ces projets à l’Académie du climat en décembre. En attendant, tous les mois, nous nous enrichissons avec des spécialistes, des acteurs de la biodiversité et nous réfléchissons avec les membres de la communauté aux projets que nous porterons.

 

Allez, pour finir, quels sont tes futurs désirables ?

Hum, il y en a tellement. Ce que je voudrais, c’est que mes enfants, si j’en ai un jour, ou en tout cas les futures générations, ne vivent pas dans un monde sans libellules ou sans mésanges. Je voudrais un monde qui ne soit pas sous l’emprise ou le diktat de l’économique, mais dans lequel l’économie reprenne sa juste place au service de l’humain et de la planète. Je voudrais un monde dans lequel énoncer ces phrases nous fasse passer pour un hurluberlu. Un monde réconcilié.

Pour aller plus loin :
– Pour reconnaître une coulemelle
– Mieux comprendre l’entreprise restauratrice

Les populations de truites, et en particulier de truites fario, pour les connaisseurs, s’effondrent, décimées par l’élévation de la température des rivières, la pollution des eaux, le remembrement et l’appauvrissement des écosystèmes, les espèces envahissantes et en particulier les écrevisses américaines.
Ce constat alarmant et tellement triste pour les amoureux de ce poisson emblématique de nos rivières illustre l’effondrement plus général de la biodiversité et les cinq causes qui le provoquent : le changement d’usage des terres et des mers, la surexploitation de certains organismes, le dérèglement climatique, la pollution des eaux, des sols et de l’air, la propagation des espèces envahissantes.

La situation est critique et nous le savons presque tous désormais, tant les articles et les prises de paroles se succèdent, enfin, dans les médias, les conférences.

Alors, doit-on baisser les bras ? La situation est-elle irrécupérable ?

Non, car les écosystèmes terrestres ou marins peuvent se régénérer, comme le démontre la création d’une réserve de biodiversité par le photographe Sebastião Salgado et sa femme au Brésil. En seulement 20 ans, 700 hectares régénérés avec plus de 300 espèces de végétaux, 150 espèces animales, 30 espèces de batraciens…sur la terre héritée de son grand-père, devenue aride à cause de l’agriculture bovine intensive.

La réserve du Minas Gerais au Brésil

Nous le savons aussi, l’économie et les entreprises sont à l’origine d’une très grande partie de cet effondrement. Et elles ont aussi les leviers, par construction, pour atténuer leur impact et contribuer à la restauration des écosystèmes. L’heure n’est plus de nous interroger sur le pourquoi mais à nous mettre en action pour travailler sur le comment. Comment réduire cet impact ? Comment contribuer à la restauration des écosystèmes ?

Que faire donc et comment agir efficacement à la hauteur de l’enjeu, telle est la seule question qui prévaut désormais.

Il s’agit de comprendre les racines du problème puis de transformer l’économie et les entreprises pour en faire des alliés du vivant, des entreprises restauratrices.
Comprendre, cela veut dire d’abord se former pour saisir les enjeux. Cela veut dire ensuite analyser ses dépendances et ses impacts.

Transformer, cela signifie réduire ses interrelations avec le vivant, comme premier pas ; cela signifie ensuite repenser son modèle d’affaires en privilégiant, par exemple, une économie d’usage ; cela signifie enfin, et il s’agit sans nul doute de l’étape la plus complexe, rediriger ou renoncer à certaines activités trop néfastes.
Bref, replacer l’entreprise au service du vivant, cela veut dire réinventer l’entreprise, pour son bien et celui de la planète. Oui, pour son bien, car ces transformations sont les conditions de sa résilience. Face aux risques, nouveaux et de plus en plus intenses qui l’entourent, opérationnels, de marché, financiers, réglementaires, réputationnels, une entreprise qui ne se transforme pas se condamne, à court ou moyen termes, selon les secteurs.

L’entreprise et l’économie sont donc à un moment pivot de leur histoires

C’est bien d’un changement radical dont nous parlons. L’entreprise doit opérer sa mue et abandonner certaines croyances, certaines certitudes, certains réflexes pour devenir restauratrice.

Elle doit se muer en organisation apprenante tout d’abord pour faire entrer, en son sein, de nouvelles connaissances, de nouveaux savoirs fondamentaux, dont elle était auparavant éloignée, les sciences du vivant par exemple.
Elle doit se muer en organisation participative voire, osons le mot, démocratique, pour que tous ses collaborateurs et décideurs, à tous niveaux hiérarchiques, participent à sa refonte, car les solutions sont au croisement des enjeux opérationnels et stratégiques, des activités et des métiers.
Elle doit se muer enfin, en organisation ouverte, car c’est avec l’ensemble de ses parties prenantes, en relation constante avec son écosystème de partenaires, fournisseurs, acteurs publics, citoyens, associations, qu’elle pourra définir des actions pertinentes, en relation avec son territoire.

Cette trajectoire de réinvention est sans aucun doute une aventure passionnante pour l’entreprise, à même d’entraîner l’adhésion de ses collaborateurs, de replacer ses actions au cœur de la société et d’en faire un lieu de confiance et d’engagement lorsque d’autres acteurs de la société ou corps intermédiaires se disloquent.

Pour en savoir plus :

Géo – La réserve de Sebastiã Salgado au Brésil
Salamandre – Pourquoi les truites disparaissent-elles ?

Pour aller plus loin :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre Mooc Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ
– Engager votre entreprise dans un Défi Transition : https://lnkd.in/e3Q9eek9

Rencontre avec Sabine Jean Dubourg, fondatrice et associée du cabinet de conseil en achat responsable The A Lab. Avec elle, nous creusons la thématique de l’achat responsable, sujet clé de la transition environnementale et sociale des entreprises.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Sabine Jean Dubourg, j’ai fondé il y a quatre ans un cabinet de conseil en achat responsable, The A Lab. “A” comme achat, comme autrement et comme Aquitaine ma région d’origine. “Lab” parce que j’ai commencé les achats il y a maintenant 27 ans dans l’industrie pharmaceutique. The A Lab est avant tout un réseau d’une dizaine de partenaires, y compris de grandes entreprises comme Tennaxia et Axa Climate, qui nous aident à penser la stratégie long terme dans les achats. C’est un cabinet à  la fois agile et adossé à des grands qui ont des outils performants sur les stratégies achat et sur la vision long terme.

Quelle serait votre définition de l’achat responsable ?

Ma définition de l’achat responsable comporte trois dimensions. Il s’agit d’abord d’acheter un produit en tenant compte des contraintes économiques de l’entreprise et des attentes du marché qu’elle vise. Il s’agit ensuite d’acheter chez un fournisseur responsable ou d’amener un maximum de ses fournisseurs vers plus de responsabilité. Enfin, la relation entre le fournisseur et l’acheteur doit être elle-même responsable, respectueuse, éthique.

Justement, comment encourager les entreprises à rendre leurs achats plus vertueux ?

Les achats représentent une grosse part du budget des entreprises : entre 40 et 80% des dépenses pour une entreprise de distribution. L’enjeu est majeur.

Après, aucune entreprise ne part de zéro. Il y a les fournisseurs que l’on choisit après avoir lancé sa nouvelle politique d’achat responsable, mais il y a aussi tout un héritage de fournisseurs, qu’il faut réussir à accompagner vers plus de responsabilité. C’est donc une transition qu’il s’agit d’opérer.

Les clients, les consommateurs ont un rôle majeur. Aujourd’hui, les clients sont de plus en plus exigeants, la confiance se gagne. Ils réclament la traçabilité des produits, tout au long de la chaîne de production, contraignant les entreprises à bouger.

Il y a aussi les normes, les réglementations, au niveau national ou européen. Les nouvelles réglementations sur l’impact des produits en termes de déforestation, par exemple, vont, je l’espère, avoir un impact important.

Les pratiques d’achat en entreprise sont peu connues du grand public, dès lors, comment valoriser les bonnes pratiques ? Et comment éviter le greenwashing ?

Il faut beaucoup d’humilité lorsque l’on communique sur les achats responsables car c’est un sujet très complexe : qui dit trois dimensions, dit trois opportunités mais aussi trois risques de mal faire.

L’idéal pour communiquer sur un produit responsable est d’objectiver les données par des analyses comme celles du cycle de vie (ACV). Et cela demande un vrai engagement de l’entreprise, en temps et financier. Mais c’est aussi le moyen le plus efficace de communiquer sans greenwashing parce que l’on a objectivé la responsabilité sociale et environnementale par une analyse. 

Il convient aussi d’établir un code de conduite fournisseur, à l’image d’un code de conduite collaborateur, qui précise ce que le fournisseur peut ou ne pas faire. Quand une entreprise communique sur la responsabilité de sa chaîne d’approvisionnement, très souvent elle communique sur ce code de conduite, souvent rendu public, qui doit être envoyé et explicité aux fournisseurs les plus à risques.

Il faut enfin cartographier ses risques : quels sont les fournisseurs et les produits qu’on achète qui sont à risques ? Ce qui peut nous amener parfois à renoncer à certains produits. Un de mes clients avait une gamme de produits qui contenait de l’électronique fabriquée en Asie, sur laquelle il n’arrivait pas à avoir suffisamment d’information. L’entreprise a décidé de supprimer cette gamme de produits pour supprimer le risque et être plus cohérente. 

Lorsque l’on met en place une démarche humble, transparente et objectivée par des outils (ACV, cartographie, code de conduite), alors le risque de greenwashing diminue très sensiblement. 

Mais finalement, le point de départ n’est-il pas d’acheter et de produire moins ? Quelle est la place de la sobriété dans l’achat responsable ?

Bien sûr. La première chose que je dis en formation, c’est d’analyser le besoin, comme on pourrait le faire à titre individuel avec la méthode “BISOU” par exemple. La méthode BISOU repose sur cinq questions :
Le “B” de “besoin”: est-ce que tu as besoin du produit ? Par exemple, un collaborateur vient demander un ordinateur et rêve du même que celui du directeur financier. Mettons que le directeur financier passe 8 à 10 heurs par jour sur des fichiers Excels lourds, et que ce collaborateur soit dans la direction marketing, donc utilise plutôt ses mails et PowerPoint.  Le besoin est différent, donc l’ordinateur  sera sans doute différent. 

Le “I” de “immédiat”. Souvent le donneur d’ordre veut la chose immédiatement, ce qui crée une pression pour l’acheteur. Il faut savoir éduquer et replacer les choses dans le temps. 

Le “S” de “semblable” : il s’agit de se demander si l’on dispose déjà d’un produit semblable. Par exemple, à une époque j’achetais du mobilier de bureau, et dès qu’un nouveau collaborateur arrivait, il fallait absolument lui acheter un nouveau bureau. Il a fallu éduquer les collaborateurs à réutiliser des bureaux déjà existants dans l’entreprise, tout simplement.  

Le “O” de “origine” : quelle est l’origine du produit que je souhaite acheter ? C’est toute la question de la traçabilité, de la provenance, que nous avons déjà abordée. 

Le “U” de “utile” : Avons-nous tous besoin d’un bureau avec le télé-travail ? 

Selon vous, quelles sont les compétences et les connaissances clés de l’acheteur de demain ?

La première qualité de l’acheteur, c’est d’être très curieux car le métier évolue beaucoup et nécessite de nouvelles connaissances. Le métier devient plus technique. L’acheteur doit comprendre ce qu’est une ACV par exemple, comment on la réalise, la lit, ce qu’est un bilan carbone…Ce sont des compétences nouvelles…
Il doit aussi être un bon communicant en interne et en externe pour convaincre de ses choix, essayer de faire évoluer un fournisseur, etc. Un métier très complet donc.

Et enfin Sabine, quels sont vos futurs désirables ?

Il conviendrait tout d’abord d’arrêter de parler de croissance infinie dans un monde fini et de sortir de cette société de surconsommation dans laquelle nous avons été baignés depuis trop longtemps.
L’analyse est la même au niveau des entreprises. Elles doivent, elles aussi, renoncer à une logique de croissance à tout prix. C’est compliqué, bien évidemment, je ne suis pas naïve, mais c’est à ce prix que nous éviterons de dépasser toujours plus les limites planétaires.

Bref, privilégions l’indice bonheur à l’indice croissance !

Taxonomie, CSRD, Accords de Kunming… Ces dernières semaines, l’évolution de la réglementation Européenne sur les enjeux environnementaux, et plus spécifiquement de biodiversité a fait couler beaucoup d’encre. Quand certains qualifient ces avancées de réelle révolution, d’autres les jugent trop peu ambitieuses. Mais finalement, quels sont les grands axes de cette nouvelle législation ? Sur quoi se fonde-t-elle ? Quelles nouvelles obligations en découlent ? Le point.

L’accord historique de la COP15

Le 19 décembre 2022, 196 pays adoptaient un nouvel accord historique dans le cadre de la COP15 Biodiversité à Kunming.

Son objectif ? Fournir une trajectoire d’action internationale à la hauteur de l’urgence pour faire oublier l’échec des accords d’Aichi. Le résultat ? Un cadre mondial pour la biodiversité, qui comprend 4 objectifs de long-terme (2050) et 23 cibles pour l’action (2030).

Parmi elles, la cible 15 a retenu l’attention des acteurs économiques. Cette dernière implique les états à prendre des mesures juridiques, administratives ou politiques pour inciter les entreprises, et plus particulièrement les multinationales et les institutions financières, à :
– Contrôler, évaluer et divulguer régulièrement et de manière transparente leurs risques, dépendances et impacts sur la biodiversité.
– Fournir les informations nécessaires aux consommateurs pour promouvoir des modes de consommation durables.

Bien qu’il s’agisse ici d’incitation et non d’obligation, cette mesure fait date. C’est la première fois qu’un accord international vise directement les acteurs financiers et économiques. D’autres cibles concernent indirectement les entreprises, notamment la 16 qui vise à réduire l’empreinte mondiale de la consommation. Si ces avancées représentent un enjeu de taille pour les entreprises, elles répondent aussi à une vraie attente des sphères économiques et financières. En amont de la COP15 et à travers la campagne #MakeItMandatory, plus de 400 entreprises avaient sollicité les négociateurs pour rendre des exigences de reporting obligatoires.

La CSRD : le pari ambitieux de l’UE

C’est là qu’entre en jeu la fameuse directive sur le reporting environnemental, social et de gouvernance des entreprises, plus connue sous le nom de “CSRD”, pour “Corporate Sustainability Reporting Directive”. Adoptée en décembre 2022, avec pour objectif de normaliser l’information extra-financière, cette directive introduit pour la première fois une obligation de reporting et de vérification d’informations normées en matière de durabilité pour plus de 50 000 entreprises européennes. Ce reporting devra de surcroît s’inscrire dans le principe novateur de ” double matérialité ” : une entreprise devra aussi bien identifier les risques et opportunités que la société et l’environnement ont sur elle, que les impacts (négatifs et positifs) qu’elle peut avoir sur eux. La CSRD vient compléter les avancées de la Taxonomie verte, du Green Deal et de la SFDR (Sustainable Finance Disclosure Regulation), et il est désormais admis que l’entreprise doit répondre à des intérêts que l’on peut qualifier de généraux et non simplement privés.

Contrairement à ce qui était prescrit par l’EFRAG, l’organe européen spécialiste de l’information financière, la Commission Européenne a considérablement revu à la baisse l’ambition initiale de la CSRD dans ce projet.

Entre espoirs et désillusions

Pour être opérationnelle, la CSRD s’appuie sur une série de normes et d’indicateurs (ESRS) qui visent à standardiser les déclarations non financières. Leur contenu et les modalités de leur application ont été dévoilés dans un projet d’acte délégué publié en juin par la Commission Européenne.

Contrairement à ce qui était prescrit par l’EFRAG, l’organe européen spécialiste de l’information financière, la Commission Européenne a considérablement revu à la baisse l’ambition initiale de la CSRD dans ce projet. Le principal recul est le renoncement à rendre obligatoire la divulgation d’indicateurs clés, qui est maintenant conditionnée à une analyse de matérialité. En d’autres termes, il appartiendrait aux entreprises, avec leurs consultants et leurs conseillers, de déterminer ce qui est important ou non de divulguer.

De ce fait, un consortium d’une centaine d’investisseurs et d’acteurs financiers déplore ce manque d’ambition dans un communiqué publié début juillet. Il appelle notamment la Commission à reconsidérer la nature totalement facultative des plans de transition pour la biodiversité, afin de fournir aux investisseurs des informations sur la manière dont les entreprises alignent leur stratégie aux cadres internationaux émergents.

Une fois le sort de la CSRD fixé, les instances européennes devront s’accorder sur un chantier tout aussi conséquent : celui du devoir de vigilance. Après avoir normé et régulé le déclaratif, l’Union européenne devra faire de même avec la mise en œuvre des plans d’action des entreprises. C’est là toute l’ambition du projet de directive sur le devoir de vigilance (CSDDD ou CS3D), adopté en juin 2023 par le Parlement européen. Cette directive vise à encadrer les obligations de responsabilité des entreprises sur le plan social et environnemental ainsi qu’à appliquer au niveau européen la notion de « devoir de vigilance ». La CS3D devra passer par le trilogue de l’Union Européenne afin d’être définitivement adoptée en 2024.

Une stratégie nationale

À l’échelle nationale, la démarche “ Éviter, Réduire, Compenser ” a été introduite en droit français, dans la loi relative à la protection de la nature en 1976. Elle a depuis été renforcée par la loi pour la reconquête de la biodiversité en 2016, afin d’atteindre l’absence de perte nette de biodiversité dans la conception puis la réalisation de plans, de programmes ou de projets d’aménagement du territoire (ZAN). Le premier volet de la stratégie nationale biodiversité 2030, dévoilé en février 2022, à également ancré l’ambition que “ les entreprises rendent compte de leurs impacts et dépendances à la biodiversité et qu’elles réduisent leurs impacts négatifs de 50 % ” d’ici 2030. Le second volet, qui devrait être publié dans les prochaines semaines, viendra sûrement conforter le rôle de l’entreprise dans la préservation de la biodiversité.

Quentin Thomas
Responsable Biodiversité

 

Pour aller plus loin 

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Sources

Monitoring framework for the Kunming-Montreal global biodiversity framework – Convention on Biological Biodiversity 

COP15 biodiversité : un accord historique, mais imprécis et non-contraignant – Carbone 4

CDC BIODIVERSITÉ (2023), COP 15, ET APRÈS ? ANALYSE DES CIBLES ÉCONOMIQUES ET RECUEIL DE POINTS DE VUE. BOURCET, C., CHESNOT, Y., MAGNIER, D., N°44, 50P – CDC Biodiversité

Corporate sustainability reporting – Europa.eu

CSRD : modalités et perspectives. Comment vous aider à préparer le reporting de durabilité ? – EY 

Normes européennes d’information en matière de durabilité – premier ensemble de normes – Europa.eu

Joint statement on ESRS – Eurosif, PRI, IIGCC, EFAMA, UNEP FI

Le dérèglement climatique accélère et frôle déjà les 2° en France, la biodiversité s’effondre et les insectes disparaissent, un plan d’adaptation est désormais envisagé qui anticipe un réchauffement de 4° sur notre territoire. Bref, les occasions de se réjouir se multiplient.

Pourtant, dans cet océan de noirceur, une bonne nouvelle pointe son nez…si, si… que nous pourrions appeler, avec une pointe d’humour, la convergence des luttes.
L’explication est très simple : l’intérêt privé et l’intérêt général tendent à ne faire plus qu’un, ce qui pourrait accélérer l’engagement des acteurs économiques qui, faut-il le rappeler, pèsent à hauteur de 75% dans les dérèglements environnementaux.
Autrement dit, lorsque l’éthique d’action ne suffit pas à provoquer la grande transformation, il se pourrait que la protection de leurs intérêts, privés par essence, pousse les entreprises à se mettre enfin véritablement en mouvement et infléchissent massivement leur politique RSE .

‘Les entreprises sont désormais soumises à des pressions et des risques systémiques sans précédent’

Pourquoi ? Car elles sont désormais soumises à des pressions et des risques systémiques sans précédent.

Risques opérationnels qui menacent leurs activités ; risques de marché face à l’évolution de leurs consommateurs ; risques de financement face à des investisseurs dont l’exigence va croissante ; risques réglementaires bien sûr, si les gouvernements et surtout l’Europe s’engagent durablement dans la voie plus ambitieuse qu’ils semblent emprunter; risques réputationnels enfin, en interne et en externe, qui menacent leurs politiques de recrutement et l’engagement de leurs collaborateurs de plus en plus intransigeants.

Certains ricanent peut-être, me traitant de doux rêveur. Je leur réponds d’un clin d’œil de cassandre. Non, je ne rêve pas, j’espère simplement, face à la gravité de la situation, hélas prévisible mais tellement lourde et prégnante désormais.

J’observe aussi, autour de moi, l’évolution de certains patrons, conscients et tiraillés par leurs incohérences et souvent harcelés par leur descendance.

‘La majorité a basculé vers la question du comment agir et c’est là que l’affrontement se concentre désormais entre des visions clairement opposées’

Évidemment, les blocages ont la vie dure mais ils ont évolué. Seuls quelques irréductibles restent bloqués sur la question du pourquoi agir, fleurtant encore avec le climatoscepticisme.
La majorité a basculé vers la question du comment agir et c’est là que l’affrontement se concentre désormais entre des visions clairement opposées.

D’un côté, les technologistes ou techno-solutionnistes arguent que l’Homme, dans son génie, saura trouver les solutions et qu’il ne sert à rien de chercher à réinventer notre modèle. Nous capterons le carbone, un jour…L’avion vert volera, un jour… On peut y adjoindre les tenants du jusqu’au-boutisme, nourris, non plus par le déni, mais plutôt par la conscience sclérosante de la gravité de la situation. Après-moi le déluge….

De l’autre, ceux qui refusent ce leurre technologique ou ce défaitisme cynique et pour qui vient le temps de l’engagement, volontariste et escarpé. Car il leur faudra slalomer entre les résistances internes, les injonctions contradictoires du court et du long terme, les logiques mercantiles difficiles à défaire et des arbitrages qui feront passer les timides avancées actuelles pour des prémisses dérisoires à mesure que les pressions augmenteront.

Ce sont eux qu’il faut aider bien sûr, en premier lieu, puis montrer en exemple. C’est grâce à ces ‘pionniers’ que nous pourrons convaincre la majorité qui résiste encore que cet engagement pour l’intérêt général n’est pas optionnel mais fondamental pour leur propre avenir, pour leur intérêt particulier et que leur croyance suranné dans un modèle dépassé ou leur immobilisme opportuniste les condamnent à moyen terme.

La convergence des intérêts particuliers et de l’intérêt général constitue bien un argument décisif. Je vous laisse en revanche décider s’il convient de parler, à ce stade, de convergence des luttes, je ne suis pas certain que cette forme d’humour fasse mouche.

Jérôme Cohen
Fondateur ENGAGE

Rencontre avec Philippe J. Dubois, ornithologue et auteur de “La Grande Amnésie écologique” et “Petit traité de solastalgie”. Philippe interviendra lors de notre conférence le 5 juillet à l’Académie du Climat.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Philippe Dubois, et je suis ornithologue. J’ai à la base une formation de chirurgien dentiste et d’ingénieur écologue. J’ai longtemps travaillé pour la LPO et je suis auteur écrivain, sur des sujets liés à la philosophie des sciences, mais aussi sur l’influence du changement climatique sur les oiseaux. 

Au-delà de vos travaux autour des oiseaux et des espèces domestiques, vous semblez vous intéresser à nos liens au vivant, souvent perdus, pourquoi ?

Je vais d’abord commencer par vous raconter une anecdote ! Quand j’étais jeune, alors que je me promenais avec mon père, je lui ai fait remarquer que nous entendions beaucoup chanter les alouettes. Il m’avait alors répondu qu’elles étaient beaucoup moins nombreuses que lorsque lui-même était jeune. Quelques décennies plus tard, en me promenant avec mes enfants, je leur fais observer qu’elles sont encore plus rares : si nous en entendons aujourd’hui 3, j’avais dû moi-même en entendre 10, quand mon père lui en entendait 20 ! 

Le Muséum national d’Histoire naturelle a beaucoup travaillé sur un programme nommé Stoc, le suivi temporel des oiseaux communs. On se rend compte que des espèces d’oiseaux telles que l’étourneau, l’alouette ou la caille des blés, qui étaient réputées communes et faisaient partie du paysage sonore, sont en train de disparaître. Nous prenons conscience de ces extinctions dès lors qu’il est déjà trop tard, parce que notre cerveau fait des mises à jour permanentes et nous fait oublier le passé

Vous avez écrit La Grande Amnésie écologique en 2012, puis Petit traité de solastalgie en 2021, pouvez-vous nous éclairer sur ces deux concepts ?

L’amnésie écologique, c’est cette capacité incroyable qu’a notre cerveau d’oublier le passé. Inconsciemment, il réalise des mises à jour, et finit par oublier les situations passées pour retenir uniquement les situations présentes, celles durant lesquelles nous pouvons agir. Le seul souci, pour reprendre l’anecdote de l’alouette, c’est qu’en perdant le recul, nous n’avons plus la vision exacte de la dynamique de cette espèce. On ne s’aperçoit donc pas qu’elle diminue, jusqu’au jour où nous sommes face à un quasi-effondrement. C’est cela finalement, l’amnésie écologique, une vision parcellaire de la réalité des choses qui nous dépasse et nous mène à prendre des mauvaises décisions. 

La solastalgie, c’est une sensation de tristesse et de nostalgie. Pour prendre un exemple, imaginons que vous partiez 3 mois en voyage : certes, au bout d’un certain temps, vous aurez la nostalgie de la France, mais vous savez que vous y reviendrez à un moment ! La solastalgie, c’est exactement le contraire : c’est le pays qui vous quitte, vous êtes toujours au même endroit, sans vraiment être dans le pays que vous avez connu. Le petit parc où vous jouiez étant petit n’existe plus. Tous ces éléments vous font prendre conscience et vous procurent une sensation d’anxiété, de tristesse et parfois de déni, c’est vraiment l’équivalent d’un travail de deuil. 

Justement, que pensez-vous de l’évolution de notre rapport à la biodiversité, allons-nous dans le bon sens ? 

Il y a tout de même une prise de conscience, pas encore généralisée. Il aura fallu des évènements météorologiques extrêmes pour que les gens comprennent qu’il y a une perte de la biodiversité. Pourtant la rapidité du processus n’est pas encore assimilée. Les premiers chercheurs ont annoncé au Sommet de Rio en 1992 qu’il restait 10 ans pour sauver la planète. Nous sommes en 2023, je vous laisse faire le calcul ! Chaque jour qui passe est un jour de moins pour sauver la biodiversité. 

Puis, il y a aussi cette espèce de léthargie qui nous immobilise. Lorsqu’on commence à se poser la question de ce que l’on “peut” faire, c’est qu’on a pas vraiment envie de faire… 

Enfin, je ne crois plus vraiment au grand effondrement où tout disparaîtrait. Certaines espèces, à l’image des invertébrés, sont bien mieux adaptées que nous au changement climatique. Mais les mammifères supérieurs, auxquels nous appartenons, sont beaucoup plus menacés. Même si nous ne pouvons pas attester d’une disparition, nous allons faire face à une régulation très importante de l’espèce humaine, soit à travers la pollution, la sécheresse ou les maladies…

Donc je suis moyennement optimiste ! Les politiques et les industriels ne sont pas prêts à voir bouger les choses, pourtant la sauvegarde de la biodiversité passe forcément par la politique. 

Nous avons tendance à oublier qu’au sein de la pyramide du vivant, nous sommes tout en haut : nous dépendons largement des biens et services rendus par la nature. Si la base s’effondre, nous allons tomber. 

Quelles seraient les solutions pour faire face à l’amnésie écologique ou à la solastalgie ?

Il faudrait avant tout une prise de conscience globale et rapide. On parlait tout à l’heure de mises à jour de notre mémoire, aujourd’hui, ça ne serait même plus le logiciel qu’il faudrait changer, mais le disque dur ! C’est-à-dire notre appréhension du monde, notre compréhension du monde et surtout notre volonté de faire en sorte que choses changent. Cela sous entend laisser tomber les habitudes, laisser tomber nos modes de vies et laisser tomber notre pouvoir dominant blanc-occidental… Tout cela est très compliqué ! 

Je pense donc que nous allons forcément passer par une phase de remise en question, les solutions vont passer par des choses qui vont nous dépasser : les crises climatiques, atmosphériques, de pollution, sanitaires, alimentaires… 

Enfin, nous avons tendance à oublier qu’au sein de la pyramide du vivant, nous sommes tout en haut : nous dépendons largement des biens et services rendus par la nature. Si la base s’effondre, nous allons tomber. 

Le 5 juillet prochain, lors de la deuxième conférence de notre Défi Biodiversité, nous tenterons d’identifier les causes de cette déconnexion, pouvez-vous nous en citer quelques unes ?

La première selon moi, et la plus importante, réside dans notre mode de vie à l’occidentale puisqu’il nous déconnecte complètement de la réalité environnementale. Nous n’avons jamais eu autant d’amis virtuels tout en se sentant aussi seuls qu’avec les réseaux sociaux. Nous nous sommes installés dans un confort consumériste, qui fait que nous sommes bien à l’aise dans ce cocon et que nous n’avons pas envie de changer. De temps en temps, pendant les vacances, il nous arrive d’aller profiter d’un petit coin de nature, mais dès que nous rentrons, nous reprenons nos habitudes. Il n’y a pourtant rien de pire que l’habitude pour se déconnecter de la réalité. Il serait donc temps d’apprendre la biodiversité aux enfants en même temps que l’on leur apprend à parler.

L’autre cause selon moi, est liée à la notion d’immédiateté. Nous sommes entrés dans le temps court, hors tout ce qui est d’attrait à la biodiversité et à son évolution, ne se fait que dans le temps long ! Il faudrait que l’on apprenne à reprendre le temps. 

Et enfin Philippe, à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Justement, mon futur désirable, ce serait qu’après des millénaires de domination du patriarcat sur la planète, sur les femmes, sur les animaux, avec le résultat que nous connaissons aujourd’hui, nous laissions la parole aux femmes. Que nous leur laissions le temps de l’action, le temps de prendre les choses en main et que nous les aidions, sans se mettre dans une posture qui consisterait à dire “à votre tour”. Vu ce que l’on a fait, elles ne peuvent pas faire pire que nous !

Ma conviction aujourd’hui, c’est que l’écoféminisme est peut-être la dernière chance pour sauver la planète. Il suffit d’aller en Afrique ou en Asie pour voir que les femmes sont des éco féministes bien avant l’heure. Elles y gèrent la nature, bien mieux que les hommes. C’est selon moi la seule voie pour que notre futur reste désirable, et reste vivant. 

Le trafic illégal d’espèces sauvages est considéré comme un des trafics les plus lucratifs au monde, après le trafic de drogues et le trafic d’armes. Représentant entre 7 et 23 milliards de dollars par an, il est présent sur tous les continents et participe directement à l’exploitation massive des ressources qui est une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité.

Ce phénomène planétaire représente également un danger pour nous, les Hommes comme l’a rappelé en novembre dernier, Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne :

« Le trafic d’espèces sauvages relève de la grande criminalité organisée et constitue une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’Etat de droit ». 

L’ampleur de ce trafic est donc gigantesque. En effet, d’après l’ONG IFAW, 7 000 espèces animales et végétales sont victimes du trafic dans le monde et 1 000 écogardes ont déjà péri dans l’exercice de leurs fonctions. Certaines espèces sont particulièrement menacées. Elles peuvent être emblématiques comme les éléphants où 100 individus sont abattus, chaque jour, par des braconniers, soit 1 toutes les 15 minutes, mais peuvent également être moins connues du grand public, mais tout autant indispensables à leurs écosystèmes. Les Saïgas par exemple, une antilope située entre l’Europe de l’Est et l’Asie, est désormais en danger. Pourtant chassée pendant des centaines d’années, c’est depuis l’effondrement de l’Union Soviétique que son nombre a chuté de plus de 95% en raison du trafic illégal, d’après Interpol

Utilisés à des fins pharmaceutiques, décoratives, ornementales, récréatives, domestiques ou de médecine traditionnelle, les raisons de la demande qui alimente ce trafic sont nombreuses. Les revenus qu’il peut générer sont également énormes, principalement pour les trafiquants qui se trouvent à la tête des réseaux. En effet, les braconniers qui capturent ou tuent les espèces sauvages, sont ceux qui gagnent le moins d’argent sur le prix de vente du produit final. D’après Interpol : 

“Un braconnier peut vendre un chimpanzé à un prix compris entre 50 et 100 dollars,  alors que l’intermédiaire peut le revendre moyennant une marge allant jusqu’à 400 %.”

Ces trafiquants en tête de réseaux sont des acteurs notoires du crime organisé et utilisent souvent le trafic illégal d’espèces sauvages pour financer d’autres crimes. C’est le cas notamment de certaines milices ou groupes armés non-étatiques qui financent leurs actions via ce biais, profitant d’une situation de conflit dans un pays. 

Pour lutter contre ces activités illégales et contrôler le cadre de la vente légale d’espèces sauvages afin qu’elles ne menacent pas leurs survies, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) internationale a été signée en 1973. Grâce à une catégorisation, faite selon le degré de menace pesant sur l’espèce et la délivrance de permis y correspondant, les États tentent de réguler les flux commerciaux autour des espèces sauvages et ainsi de lutter contre le trafic illégal. 

Cependant, des actions complémentaires doivent être prises au niveau régional ou national afin d’agir à toutes les échelles. L’Union européenne, plaque tournante de ce trafic, a adopté un plan d’action en novembre dernier visant à lutter contre ce phénomène. Quatre axes principaux ont été définis : 

  • Prévenir le trafic d’espèces sauvages et s’attaquer à ses causes profondes
  • Renforcer le cadre juridique et politique de lutte contre le trafic d’espèces sauvages
  • Faire appliquer la réglementation et les politiques afin de lutter de manière efficace contre le trafic d’espèces sauvages
  • Renforcer le partenariat mondial entre les pays d’origine, les pays consommateurs et les pays de transit contre le trafic d’espèces sauvages

Nombreux sont les acteurs qui ont un rôle à jouer dans cette lutte, qui s’avère colossale. 

 

Sources de l’article :

  • La France, plaque tournante du trafic d’espèces sauvages – Le Monde
  • La CITES en bref – CITES
  • Biodiversité: renforcement des mesures de lutte contre le trafic d’espèces sauvages – Commission européenne
  • The Environmental Crime Crisis – Interpol, UNEP
  • Wildlife Crime Initiative – WWF
  • Criminalité liée aux espèces sauvages – IFAW

On me demande souvent pourquoi la transition ou, pour être plus ambitieux, la bascule vers une société écologique ne se fait pas plus rapidement. Difficile de répondre simplement, bien évidemment, tant les raisons sont multiples et les racines  du blocage, systémiques.

Constatons d’abord, pour garder un brin d’optimisme, que la transition, pour lente qu’elle soit, a tout de même tendance à s’accélérer. Lorsque nous étions considérés comme des empêcheurs de manager en rond il y a quelques années, nous sommes aujourd’hui parfois appelés à la rescousse. Nous sommes encore loin de la médecine préventive, convenons-en, mais une certaine dynamique se fait sentir.

Pendant des années, ce cercle a été grippé, chacun se renvoyant les responsabilités ou pour le dire plus prosaïquement, la patate chaude.

Pour expliquer le phénomène plus en profondeur et comprendre notre situation de blocage, le concept très didactique du triangle de l’inaction semble approprié.
Il part du principe que la société évolue lorsque les citoyens, le monde économique et la sphère politique alimentent un cercle vertueux. Or, pendant des années, ce cercle a été grippé, chacun se renvoyant les responsabilités ou pour le dire plus prosaïquement, la patate chaude.

Pourquoi ? Parce que les citoyens, mal aidés par les médias et les lobbys en tous genres, n’étaient pas suffisamment informés et donc conscients des phénomènes à venir, à savoir le dérèglement climatique et la chute de la biodiversité, pourtant excessivement documentés depuis des dizaines d’années.

Est-ce leur faute ? Probablement pas.
Face à cette société civile peu conscientisée, les politiques n’avaient aucune raison ‘politicienne’ de s’occuper du sujet. La pression populaire n’allait pas dans ce sens et les élections n’étaient en rien menacées par leur absence de courage politique, bien au contraire. Les Henri Dumont et autres écologistes avaient beau se remuer et agiter le chiffon rouge, rien, ou presque ne se passait. Constatons aussi que leur niveau de connaissances des enjeux était, lui aussi, très faible. Pour résumer, les politiques disaient et disent encore parfois, je ne peux rien faire, la société civile n’est pas prête.
Hop, je renvoie la patate, de plus en plus chaude, sur le citoyen…

Par construction, la pression mise par les politiques sur le monde économique était donc, elle aussi, nécessairement limitée. Et, par effet miroir, les entreprises, peu conscientes et insuffisamment à l’écoute des risques que ces crises faisaient peser sur leur activité, et pas volontaristes pour un sou, n’avaient elles-mêmes peu de motivations pour demander aux politiques d’agir. Elles ne ressentaient aucune pression en interne de leurs salariés-citoyens, nous l’avons déjà mentionné et se contentaient de politiques RSE timides et suivistes.
Pour résumer, les décideurs économiques disaient de leur côté: que voulez-vous que nous fassions si le consommateur n’est pas prêt…Hum, et la politique de l’offre ?
Hop, je renvoie la patate chaude qui devient brûlante à mesure que la planète se réchauffe, sur les citoyens…

Voilà, vous l’aurez compris, la mise en mouvement de la société était bloquée, les responsabilités ‘habilement’ et réciproquement renvoyées, c’est ce qu’on appelle le triangle de l’inaction. Malin, aujourd’hui, la patate nous brûle les doigts…

Alors, doit-on perdre espoir ? La machine est-elle définitivement grippée et notre monde condamné aux 4° ?
Disons qu’il va falloir mettre beaucoup d’huile dans les rouages pour qu’ils se mettent à tourner dans le bon sens, mais que rien n’est perdu si l’on agit vite.

Passer à une dynamique de mise en mouvement, que nous pouvons nommer le vortex de la régénération.

Disons aussi, que dans un contexte de prise de conscience généralisée, en tout cas en France, en Europe et dans certaines régions ‘en avance’ sur le sujet, il semble que les choses se mettent ou pourraient se mettre, à changer.
Pourquoi, car les citoyens, conscientisés, alertés et inquiets, pourraient faire pression sur les politiques d’une part et sur leurs entreprises d’autre part pour qu’ils bougent (cf. le phénomène de grande démission des jeunes générations qui quittent de plus en plus les entreprises accusées de cynisme et d’inaction environnementale) ; les politiques seraient dès lors poussés à réglementer plus vite, contraignant ou incitant les entreprises à agir ; les entreprises, par devoir de bonne gestion et de plus en plus conscientes des risques, pourraient elles-mêmes demander aux politiques un cadre plus clair et plus juste pour planifier leur transformation.

Pour trouver une formule et par soucis de clarté, nous passerions alors d’une situation de blocage, le triangle de l’inaction, à une dynamique de mise en mouvement, que nous pouvons nommer le vortex de la régénération.

 

Voilà ce à quoi nous devons tous œuvrer et ce pourquoi toutes les formes d’actions sont souhaitables et se complètent.
Faire pression sur les médias pour qu’ils alertent toujours plus et accélèrent encore d’avantage la prise de conscience citoyenne. Favoriser la mobilisation de la société civile, des consomacteurs et salariés-citoyens, pour qu’ils pèsent de plus en plus sur les décideurs économiques, au sein de leurs organisations et sur les décideurs politiques à toutes les échelles territoriales.
Faire pression sur les politiques pour qu’ils aient le courage de réglementer à la hauteur des enjeux, sans faire trop de pauses… Cela pourrait aider les entreprises, responsables de 75% des dérèglements actuels à comprendre que leurs intérêts et l’intérêt général ne font désormais plus qu’un, car un monde à +4° ne sera pas très bon pour leur business, comme ils disent…
Mais cette question fondamentale de la convergence des intérêts fera l’objet d’un prochain article.

Jérôme Cohen
Fondateur ENGAGE

La Data peut-elle se mettre au service de la transformation environnementale et sociale ? Le point avec Lou Welgryn, Head of Product chez Carbon 4 Finance, et co-Présidente de l’association Data for Good.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Lou Welgryn, j’ai 28 ans, et je suis Head of Product chez Carbon 4 Finance, et co-Présidente de l’association Data for Good.

Data for Good, c’est une communauté de 4000 experts de la tech. Ce sont des bénévoles qui donnent de leur temps pour accompagner les projets à impact sociaux et environnementaux qui n’ont pas forcément les ressources nécessaires en interne. Pour cela, nous créons des équipes de bénévoles qui vont donner du temps pendant 3 mois pour aider des associations qui servent l’intérêt général.

Et quelle serait votre définition de “data for good” ?

Il s’agit d’en permanence se poser la question de la finalité de l’usage de la donnée, et pas seulement de voir la donnée comme un moyen. Aujourd’hui, la donnée est un outil au service d’un produit ou d’un service que l’on vend. Donc lorsqu’on veut utiliser de la donnée “for good”, la première chose à faire est de se demander si le service ou le produit que l’on vend est compatible avec un monde bas carbone et en harmonie avec le vivant. Si la réponse est oui, alors on peut commencer à regarder comment l’utiliser.

Pour donner un exemple un peu plus concret, utiliser de la donnée pour réduire son impact quand on vend de la publicité vidéo en ligne n’a pas vraiment de sens, puisque la finalité du produit vendu n’est pas du tout alignée avec un monde bas carbone.

Enfin, chez Data for good, nous mettons un point d’honneur à ce que la donnée et le code produit soit open source, pour servir l’intérêt général et pour pouvoir être réutilisé par d’autres personnes qui auraient des problématiques similaires. C’est vraiment une démarche de construction de communs numériques.

Vous êtes par ailleurs “Carbon Data Analyst” chez Carbon 4 Finance, à quoi cela correspond-il ?

Chez Carbon 4 Finance, nous travaillons avec les investisseurs et les aidons à identifier les entreprises qui intègrent au mieux les enjeux environnementaux. Pour cela, nous développons des méthodologies sectorielles qui nous permettent de comprendre les impacts directs et indirects des entreprises.

Il s’agit vraiment de remettre la physique au cœur de l’économie, et de recalculer les impacts réels et les dépendances qu’ont les entreprises aux énergies fossiles, en évaluant à la fois leurs performances passées, présentes et futures. Cela laisse à appréhender leur compréhension des enjeux, la façon dont elles les intègrent dans leurs stratégies mais aussi de savoir si elles s’engagent réellement dans la transition. Grâce à cela, nous obtenons une sorte de bilan carbone simplifié, à partir des données publiques rapportées par l’entreprise, pour être capable d’identifier les meilleures au sein de chaque secteur. Nous utilisons également la note pour comparer les entreprises entre elles.

Data for good rejoint, d’une certaine façon la promesse initiale du web, aujourd’hui considérée comme dévoyée. En quoi la data peut-elle contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique ?

Il s’agit donner les bonnes informations aux gens pour leur permettre d’agir. La technologie est un outil important certes, mais qui n’est pas essentiel dans le combat. Une fois que l’on a identifié les besoins qui sont les nôtres pour vivre dans un monde bas carbone et en harmonie avec le vivant et pour réussir à s’y adapter, alors à ce moment on peut utiliser les données pour décupler son impact.

Par exemple, chez Data for good, nous avons développé l’éco-score avec Open Food Facts, qui permet aux consommateurs de comprendre l’empreinte carbone de leur alimentation. Savoir que 1kg de bœuf génère 30kg de CO2 contre 700g pour 1kg de tomates peut permettre d’éclairer le choix des consommateurs, de faire prendre conscience aux industriels de ces changements de modes de consommation et les faire bouger.

Qu’en est-il pour les autres limites planétaires, comme l’effondrement du vivant par exemple ?

Je peux citer un autre exemple. Le projet Pyronear a pour objectif d’aider les pompiers à détecter les départs de feux. Concrètement, il s’agit d’un micro dispositif apposé sur une tour de guet, qui permet grâce à un algorithme de deep learning en open source, de traiter en instantané les images pour alerter les pompiers en cas d’incendie. Ici encore, la donnée permet d’avoir les bons ordres de grandeur pour prendre des décisions. Malgré les croyances, ce n’est pas la donnée en elle-même qui va nous aider à résoudre la crise climatique.

Et justement, quels seront les futurs métiers et donc les compétences et connaissances requises pour travailler dans la “data for good” ?

Il n’y a pas besoin d’avoir fait une école d’ingénieur ou des maths pendant 10 ans pour travailler dans le monde de la donnée. D’ailleurs, nous manipulons tous de la donnée, tout le temps. Cela peut être très intéressant d’avoir des profils différents, avec une diversité de regards. Il y a forcément des compétences techniques, puisqu’il faut apprendre à coder un petit peu, mais c’est finalement très réalisable si on accède aux bonnes formations en ligne.

Je pense qu’une autre compétence fondamentale, c’est la capacité de réflexion et d’interrogation sur les données manipulées. Il faut toujours se poser des questions sur la façon dont nous obtenons les chiffres, sur leur origine, sur les biais existants, car en fait, pour avoir un chiffre, on part toujours d’une hypothèse de départ. Au final, ne pas prendre les chiffres comme des vérités absolues, mais être capable de les nuancer et d’avoir cette envie de les comprendre.

Enfin, il faut aussi dire que la data est un monde encore très masculin, c’est donc très important en tant que femme d’oser ne pas se mettre de barrière. Ce sont des choses que j’ai moi même beaucoup vécues. Si c’est quelque chose que vous voulez faire, osez aller vers ces métiers !

Mais finalement, quand on sait l’énergie consommée par les data centers, la data peut-elle vraiment être “for good” ?

Il y a un vrai sujet. Les data centers représentent 25% de la consommation énergétique du numérique vs 45% pour la fabrication des terminaux.

En revanche, ce que l’on constate dans les faits, c’est qu’à chaque fois que l’on a inventé une technologie que l’on pensait plus efficace énergétiquement, on a fini par intensifier son usage. Si l’on prend l’exemple de la 5G, qui promettait d’être 10 fois plus efficace énergétiquement que la 4G, partout où elle est déployée, on explose le volume de données transférées. C’est donc une question d’effet rebond, propre à la technologie en général.

Prenons l’exemple de Chat GPT, 0,1% de l’usage est intéressant pour le climat (Climate Q&A par exemple) quand le reste sert à définir la façon dont on peut vendre encore plus de biens peu utiles pour notre bien-être.

L’autre sujet, c’est aussi que la manière dont on conçoit les outils et la technologie qui collecte les données peut nous enfermer dans un mode de pensée. Par exemple, les réseaux sociaux sont des outils pensés pour capter l’attention qui, de fait, favorisent notre consommation.  Il faudrait designer ces réseaux sociaux pour qu’ils favorisent un usage sobre. On en est loin.

Et enfin, Lou, quels seraient vos futurs désirables ?

Je pense à un monde ou c’est cool et stylé de mieux connaître le chant des oiseaux plutôt qu’un logo sur une image.

Mon futur souhaitable est bien défini par Timothée Parrique, c’est un futur où il y a “moins de biens et plus de liens”. Laissons nous le temps de vivre, parce qu’il s’agit bien de la ressource la plus précieuse, et réfléchissons à comment nous l’utilisons : en faisant des choses qui comptent ou en se tuant à gagner de l’argent pour un travail où l’on produit encore plus de choses inutiles ?

J’ai bien conscience que je parle en étant privilégiée, avec un travail qui me passionne. Donc un monde désirable, c’est aussi un monde où tout le monde a le choix de pouvoir faire un travail utile, qui fait sens.

Les différents éléments de la biodiversité sont notamment liés entre eux à travers la chaîne alimentaire : chaque être vivant mange celui qui le précède. Si certains organismes n’ont pas la chance d’être à la tête de la chaîne alimentaire en tant qu’espèce prédatrice, détritivore ou composteur, ils doivent alors trouver des moyens d’adaptation pour survivre. Focus sur le camouflage.

Au fil du temps et de la mutation génétique nourrie par la sélection naturelle, certains animaux ont mis en place des moyens de défenses subtils et adaptés : le camouflage et le mimétisme.

Mais ces techniques ne servent pas uniquement contre les prédateurs, en effet, les différentes espèces peuvent également s’en servir afin de tromper leurs proies. 

Le camouflage est une méthode de dissimulation qui permet à des êtres vivants de se fondre dans leur environnement. Différentes techniques peuvent être utilisées afin de passer inaperçu. 

Une des premières catégories de camouflage est l’homochromie : l’animal s’adapte aux couleurs de l’environnement qui l’entoure. Cette adaptation peut se faire de différentes manières. L’animal peut naître directement avec la couleur qui correspond à son environnement, mais dans d’autres cas, sa couleur peut varier en fonction de la saison ou encore de son milieu. 

Certaines espèces utilisent également les couleurs disruptives, c’est-à-dire qu’elles sont très contrastées. Cela leur permet de rendre troubles les contours de leurs corps et de mieux se confondre avec les éléments qui l’entourent. Les couleurs ne sont pas forcément unies, en effet, des tâches, rayures ou autres formes peuvent faire partie de ce phénomène d’adaptation. Les fameux guépards, bénéficient grâce à leurs fourrures tachetées, d’un avantage de dissimulation pour mieux surprendre leurs proies. 

Dans la même lignée, certains motifs très présents peuvent servir à distraire d’autres espèces, notamment des prédateurs ou des proies, afin d’avoir une longueur d’avance dans toutes les situations. 

Une deuxième technique développée par certaines espèces est l’homotypie. Cela consiste également à accorder sa couleur à son environnement, mais également sa forme. Les principales espèces concernées par cette méthode sont des insectes qui se fondent notamment dans des éléments de plantes ou d’arbres. C’est notamment le cas du Papillon-feuille, qui comme son nom l’indique prend la forme et la couleur d’une feuille d’arbre afin de se camoufler efficacement. 

Une troisième technique de camouflage est le mimétisme. Ici, le bluff est poussé à son paroxysme. En effet, l’animal va essayer de ressembler à une autre espèce, souvent plus dangereuse ou menaçante, afin d’échapper à ses prédateurs. Certaines espèces nocives ou venimeuses s’imitent même entre elles via des couleurs vives sur leurs corps, ainsi elles bénéficient d’une protection mutuelle car elles sont souvent confondues. 

Tous ces mécanismes de défenses ou de prédations qui ont été adoptées par certaines espèces, bénéficient directement à leur survie dans la nature. La sélection naturelle qui consiste à sélectionner certains individus en fonction de leurs caractéristiques, est le phénomène qui permet de développer ces techniques de camouflage pour les rendre communes à nombre d’individus d’une espèce présente dans un certain milieu.

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Sources de l’article :

  • Les animaux apprennent-ils à se camoufler ? – Ça m’intéresse
  • Les animaux jouent à cache-cache : l’art du camouflage – Noé
  • Camouflage et mimétisme chez les animaux – Instinct Animal
  • Qu’est ce que la sélection naturelle – Géo

Cette semaine, rencontre avec Sébastien Maire, délégué général de France Ville Durable, partenaire du Grand Défi. Avec lui, nous faisons le point sur le rôle essentiel des territoires dans la transformation écologique et sociale. 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Sébastien Maire, le délégué général de l’association France Ville Durable. Une association d’intérêt général qui réunit des parties prenantes professionnelles de la ville durable. 

C’est un mouvement assez unique au niveau national, grâce à ses quatre collèges d’acteurs professionnels : l’État, les collectivités locales et certaines de leurs fédérations nationales et intercommunalités, les entreprises (aussi bien des grands comptes du CAC40 que des start-ups) et enfin, le collège des experts : des têtes de réseau nationales d’expertises ou de connaissances scientifiques qui viennent appuyer nos travaux.

Justement, quelles sont les missions de France Ville Durable ?

Repérer et diffuser le plus largement possible, en France et à l’international, des outils, méthodes et exemples concrets de réalisations ou de politiques déjà mises en œuvre, qui permettent à la fois l’accélération de la transformation et la montée en résilience des territoires.

Finalement, la transformation écologique doit répondre à des objectifs globaux, mais sa mise en œuvre, c’est de la dentelle territoriale, aussi bien sur l’atténuation que sur la résilience et l’adaptation. 

Selon vous, quel est le rôle des territoires dans la transformation de la société ? 

Un rapport du GIEC qui donne des grands chiffres à l’échelle mondiale en 2100, ne représente pas un outil pour l’action territoriale. Chaque territoire détient à la fois sa propre histoire, ses spécificités, son contexte, ses acteurs, sa géomorphologie, ses ressources… en somme, son passif hérité du développement économique du siècle dernier. Les stratégies de transformation et d’adaptation ne peuvent donc être les mêmes d’un territoire à l’autre.

Par exemple, on ne doit pas rénover des logements de la même manière au sud et au nord de la France, on ne doit pas lutter contre les mêmes risques environnementaux selon qu’on soit dans la montagne ou sur le littoral… En fait, l’État fixe un grand cadre, mais ce sont les élus locaux et les entreprises locales qui “font”. 

Enfin, il existe une certaine proximité au niveau territorial, qui fait que les élus, les entreprises et les citoyens connaissent très bien leur territoire, et on sait qu’il va être important de faire avec ceux qui savent ! Par ailleurs, les décideurs et décideuses ont une légitimité démocratique bien plus forte. 

Finalement, la transformation écologique doit répondre à des objectifs globaux, mais sa mise en œuvre, c’est de la dentelle territoriale, aussi bien sur l’atténuation que sur la résilience et l’adaptation. 

Qu’est-ce qu’un territoire durable et résilient ? Existe-t-il des indicateurs permettant de le mesurer ?

Un territoire résilient, c’est un territoire qui va mesurer son impact et son utilisation des ressources. Pour cela, le jour du dépassement est un très bon indicateur de non résilience : il nous permet de savoir que nous vivons à crédit. 

Ces dernières années, les territoires ont placé les objectifs de développement durable au cœur de leur action, ce qui nous a amené à continuer à développer sans cesse alors que nous sommes déjà surdéveloppés au Nord… À l’inverse, si l’on souhaite que les pays du Sud puissent accéder à un minimum de développement, il va falloir se rappeler que les ressources utilisées au Nord et au Sud sont les mêmes, et qu’il n’y en a pas assez ! C’est une question de choix : est-ce que l’on met des hôpitaux en Afrique où est-ce que l’on développe des voitures volantes ? En fait, le mot “limite” est trop peu pris en compte, pourtant la réalité physique s’impose aux décisions politiques ou économiques : notre monde est fait de limites et notre économie est totalement hors sol. 

Chez France Ville Durable, nous finançons des thèses de doctorat et des travaux visant à créer des indicateurs de territorialisation des limites planétaires. Pour savoir où agir en priorité, on a besoin de nouveaux critères qui tiennent compte de ces limites, mais aussi du plancher social : c’est la fameuse Donut Economy, que nous cherchons à instrumenter de manière très opérationnelle pour les territoires qui veulent bifurquer. Pour assurer un avenir sûr et juste pour l’humanité, il faut que les activités économiques entrent dans le Donut !

Avant cela, il faudra commencer par une chose importante : sortir du déni et comprendre la réalité de la situation, c’est indispensable pour prendre les bonnes décisions et mettre en application des stratégies tenables. 

Globalement, il y a beaucoup de concepts qui transcendent la ville durable et c’est nécessaire et positif, cela souligne aussi le fait que ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui ne fonctionne pas. 

Ces dernières années, de nombreux concepts ont émergé, à l’instar de “la ville du quart d’heure”, qu’en pensez-vous ?

C’est vrai qu’on en entend beaucoup parler ! C’est un super concept marketing pour dire une chose simple : il faut réaménager les territoires locaux ! En revanche, le concept n’est pas accompagné d’outils, de métriques, de méthodes… ce n’est pas un outil opérationnel. 

Globalement, il y a beaucoup de concepts qui transcendent la ville durable et c’est nécessaire et positif, cela souligne aussi le fait que ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui ne fonctionne pas. 

Selon moi, un concept s’oppose à tous les autres, c’est la vision holistique de la résilience. N’oublions pas que la résilience est notre horizon à tous quoi qu’il arrive, c’est notre horizon si nous ne parvenons pas à atténuer un certain nombre de phénomènes, mais c’est aussi notre horizon si nous y arrivons, parce que les changements de vision majeurs que nous allons devoir mettre en place pour que les territoires deviennent résilients, vont aussi appeler à de la résilience personnelle. 

Pourriez-vous citer des exemples de bonnes pratiques ? 

Avant tout, il faut prendre en compte qu’en matière de ville durable, tout prend du temps ! 

Mais pour citer un exemple, il y a l’éco-village des Noés à Val-de-Reuil en Normandie qui coche beaucoup de cases. Avant tout, il a été fait le choix du petit habitat collectif à la place des pavillons individuels, qui offre une bien meilleure qualité énergétique et qui limite au maximum l’artificialisation des sols. Autres avancées : l’éco-village est 100% biosourcé et la construction des bâtiments, basée sur une cartographie du vivant et de l’eau, est pensée pour ne pas y contrevenir (l’inverse de ce que l’on fait d’habitude). Résultats : cinq ans après sa création, il fait partie du top 3 des éco-quartiers dans lesquels les habitants disent le mieux vivre dans les 500 qui existent en France, il coûte beaucoup moins cher qu’un éco-quartier traditionnel et il a un très bon bilan écologique. 

Enfin, et même si nous devons arrêter de placer le numérique comme religion, je dois dire que certains outils numériques sont extrêmement utiles pour caractériser les enjeux à l’échelle du territoire… À titre d’exemple, Urban Print d’Efficacity, qui permet de prendre des décisions précises sur le fait de rénover ou de démolir des bâtiments. 

Et enfin, Sébastien, quels sont vos futurs désirables ?

Je dirai que c’est un futur frugal et convivial parce que réaliste ! Nous devons ériger la frugalité comme un horizon désirable : ce n’est pas un renoncement mais une façon d’améliorer nos qualités de vie. La frugalité représente un magnifique levier de réponse aux enjeux environnementaux, de renforcement des coopérations et de la solidarité.

Nos programmes et parcours facilitent la prise de conscience et l’engagement des citoyens, agents, élus et de tous les acteurs de votre territoire pour accélérer sa transition environnementale et sociale. Découvrez notre offre.