Que garder de vraiment important de ce mois de mai ? Entre pluie et soleil

Pluie : la sortie du rapport de L’IPBS alarmant à plus d’un titre. La nature se dégrade de plus en plus vite et les objectifs pour la conservation durable de la nature ne peuvent être atteints par les trajectoires actuelles. Seul des « changements transformateurs » profonds dans les domaines économiques, sociaux, politiques et technologiques permettront de revenir dans la trajectoire 2030 et après.

Pluie et soleil : Les élections européennes entre timide embellie (remontée du taux de participation, poussée des Verts) et coup de déprime (l’avancée significative des extrêmes) nous indiquent que l’Europe est loin d’être morte et qu’elle reste un espace démocratique ouvert et vivant à protéger des poisons du nationalisme. Espace où une réelle alternative écologique est en passe de peser sur les choix économiques au niveau national comme européen. L’Europe recycle 31 % de ses plastiques. Pas grand-chose me direz-vous mais pas ridicule lorsque l’on sait que les US ne recyclent que 10% des leurs.

Soleil : La mobilisation des étudiants et des lycéens pour le climat a renvoyé notre génération dans les cordes question prise de conscience, maturité, engagement citoyen et passage à l’action. Gardons donc l’espoir que la génération qui se lève saura mieux que nous sauver ce qu’il reste de la maison commune.

Michel Serres, si ma mémoire est bonne, avait coutume de dire que dans la vie, il y a des renards et des sangliers. Le renard vagabonde, explore, découvre de nouveaux territoires, connait sa nature et fait confiance à son intuition – au risque de se disperser. Le sanglier, quant à lui, creuse profondément son sillon, avec persévérance, ténacité et efficacité – au risque de se scléroser. Le monde a besoin de renards et de sangliers.

Le renard et le sanglier ont un point commun. Ils comprennent le territoire dans lequel ils vivent et agissent dessus différemment, avec leurs propres moyens.

Nous partageons cette ambition chez ENGAGE. Celle de comprendre pour agir ou, plus exactement dit, celle de transmettre cette double joie si chère à Michel Serres, de comprendre et d’agir.

Ensemble.

Philippe Bertrand

Arup Ghosh a créé la Tomorrow’s Foundation il y a près de 30 ans à Calcutta. Partenaire de la création d’ENGAGE India, il s’emploie aujourd’hui à créer des liens entre nos deux régions. 

You are the co-founder of the Tomorrow’s Foundation, partner of ENGAGE in India, could you tell us more about it?

I, along with my brother Swarup, created the Tomorrow’s Foundation about 29 years ago with the blessings of Mother Teresa.
The main objective being to cater to the needs of underprivileged children and youth in the field of education Livelihoods through a life cycle approach. The main pillars being education, child protection, disability and skills Livelihoods. Through this long journey we have impacted more than 35,000 children and youth.

What are the more pressing issues for India today?

As per the world Economic Forum Report by 2030, India is poised to become the third largest economy, which will represent both opportunities and challenges.
In coming decades, consumption growth and the Fourth Industrial Revolution will create tremendous opportunities in the emerging Indian market.
3 Pressing challenges are certainly ahead :
1. Skills development and employment for the future work force. As 10-12 million working age people will emerge in India over the next decade.
2. Socio economic inclusion of rural India.
3. Health and Sustainable future.
New health concerns, urban centres grappling with high rates of congestion air, water and waste pollution are undermining the well being of Indian citizens.
To sustain future growth, business and policy makers must address these challenges together to find solutions.
The country will urgently need young dynamic conscious leaders.

What do you think ENGAGE can favorise in India ?

Engage university founded in 2015 aims at empowering future leaders by developing their knowledge of the 21st century challenges and their mastering of the necessary soft skills.
Both private and public sectors have a major role in this upcoming evolution and need therefore to hire next generation conscious leaders. India really needs that.
Plus top of it India must quickly learn from the developed nations the various knowledge and skills to address their challenges.

Do you wish to create more links between India and Europe?

In order to have an inclusive world, I think the time has really come to share and build bridges between countries and continents.
Developed nations like Europe can share the best practices while emerging countries can share frugal innovations, etc.
India being one of the biggest democratic country in the world also has a great treasure of wisdom and knowledge on spirituality which must be shared.
The différent cliches which India still holds today must be broken so that she can encompass the other developed nations for mutual benefits at all levels.

You participated to the programmation of the Indian Festival. Tell me more…

Modern India is a great mix of old traditions plus new cutting edge technology, innovation, etc.
This festival will try to show the various facets of classical musics which varies from one state to another. Renowned artists will try to showcase this mosaic of different forms of art and culture.
It will try to create bridges to inspire more people in Europe and nourish their curiosity.
Live it and feel it …..

One world to describe our desirable futures ?

Samata sarvabhutesu etad muktasya laksanam 😉 …which means…
Equality in all beings, this is the sign of Freedom.

Namaste 🙏

Après avoir travaillé pendant 10 ans dans la RSE pour de grands groupes, Nelsina Da Silva est aujourd’hui Exploratrice du Défi sur le Vivant et suit plusieurs programmes à l’ENGAGE University.  

Tu as choisi de t’engager dans le Défi sur le vivant, peux-tu nous dire en quoi il consiste et pourquoi tu as choisi de le rejoindre ? Pourquoi maintenant ?

Le Défi que nous développons en partenariat avec la Fondation Nicolas Hulot consiste à replacer l’économie au service du vivant. Concrètement, le premier projet qui en émane vise à accompagner des entreprises dans leurs transformation afin qu’elles aient un impact positif sur la biodiversité. Nous nous appuyons pour cela sur les connaissances et les compétences des Explorateurs et des Intervenants-Eclaireur.euse.s de la communauté ENGAGE. J’ai connu le Défi lors de la première Conférence-Action de janvier, les interventions et le sujet m’ont inspirée ! De très nombreuses entreprises doivent revoir leur modèle, leur mode de production…Elles doivent limiter leur impact sur le climat et la biodiversité de toute urgence. Alors, ce que propose Engage est fondamental. Rejoindre ce Défi a coulé de source, mais au-delà du sujet, les hommes et les femmes rencontrées sur ce Défi m’ont motivée : nous avons en très peu de temps réussi à créer une telle synergie humaine ! Je me suis beaucoup impliquée sur ses premières étapes à un moment de ma vie où j’avais justement envie de me challenger et de découvrir d’autres manières de travailler.

Quel sens prend cet engagement pour toi ?

Celui de répondre à un enjeu incontournable pour le monde dans lequel nous vivons. A mon sens, le système doit changer. Participer à une action concrète pour l’entreprise au moment où la biodiversité s’épuise est un impératif.

Concrètement, qu’est-ce que cet engagement t’apporte ?

Cet engagement m’apporte de nouvelles inspirations, me permet de développer des compétences et surtout je m’amuse à co-travailler avec dynamisme et bienveillance. Quand je m’engage, généralement, je le fais totalement ; avec ce Défi, je me suis dépassée, j’ai osé, et surtout je ne suis jamais seule, nous sommes une équipe solidaire et très unie.  Ce Défi est une belle découverte et expérience dans mon chemin de vie personnel et professionnel.

Alors que l’urgence des enjeux de biodiversité a encore été clairement exprimé dans le dernier rapport alarmant de l’IPBES, penses-tu que nous avons les moyens de changer les choses en profondeur ? Comment ?

Nous avons définitivement les moyens de le faire et surtout de nous préparer à l’après-changement. Mais pour cela, nous devons toute et tous faire notre part du colibri maintenant, individuellement et collectivement, les citoyens, les entreprises, les associations et bien sûr les états. De nombreuses propositions ont été faites, de nombreuses actions sont en cours ; depuis la fin d’année 2018, nous sommes chaque fois plus nombreux.ses à nous mobiliser. Il ne faut rien lâcher. Je peux céder, parfois, à la démotivation, mais cela passe vite car j’ai conscience des enjeux et parce que surtout, je ne suis pas seule, mais au sein d’une communauté.

Après une expérience dans la RSE, dans la grande distribution, tu suis plusieurs programmes de l’ENGAGE University, pourquoi ? Qu’y trouves-tu ?

J’ai suivi la formation “Se saisir de l’Intelligence collective” : un outil à mes yeux indispensable car nous ne ferons rien sans nous relier. Une expérience très forte durant deux jours, autour des notions d’ouverture, d’écoute, de non-jugement, de bienveillance et surtout des outils pour passer à l’action. Je suis actuellement le programme “Transformations” : je suis objectivement  bluffée par sa qualité, par la façon dont les sujets sont abordés, par la qualité des Intervenants-Eclaireurs. Ces deux programmes me bousculent. Même si j’évolue dans l’univers de la RSE et  que je m’engage depuis longtemps sur le chemin de la sobriété heureuse, je me rends compte aujourd’hui que j’en avais besoin. Ces programmes sont très complémentaires et enrichissent mon moi, mon émoi. J’en sors grandi, plus ouverte, plus décidée, plus consciente encore. Elles sont indispensables à mon sens pour les personnes et pour les organisations.

Que représente pour toi La communauté Engage ? Quelles sont les valeurs qu’elle porte ?

Entre le Défi sur le Vivant, les formations à BrightCity, les autres Conférences-Actions auxquelles j’assiste et les habitant.e.s de BrightCity, je vis des moments incroyables avec les Engagé.e.s. de tous âges et d’expériences diverses. Beaucoup de ces rencontrent m’inspirent et me font objectivement du bien, les échanges sont riches et toujours bienveillants. Je rencontre des personnes passionnées, motivées, attachantes, parfois déboussolées, comme je peux l’être de temps à autre ; nous avons des valeurs et des engagements communs qui nous rassemblent. Nous prenons soin les uns des autres et j’ai pu tisser avec certains des liens très forts.

Enfin, un mot pour définir les futurs désirables auxquels tu crois ?

Impossible Jérôme de tout résumer en un seul mot ! Comme pour la biodiversité “la vie dans ce qu’il y a de divers”…. les futurs désirables auxquels je crois comportent beaucoup de diversité : bienveillance, empathie, résilience, respect, changement de paradigme, de système… POUR APPROFONDIR

 

En 2 jours | Suivre le programme ‘Se Saisir de l’intelligence collective’ de l’ENGAGE University

En 4 soirées | Suivre le programme ‘Développer des entreprises éthiques et inspirantes’ de l’ENGAGE University

En plusieurs heures ou plusieurs jours | s’engager dans un Défi ENGAGE

Karine Jacquemart est aujourd’hui directrice de Foodwatch France après avoir été notamment directrice du plaidoyer de Greenpeace. Intervenante Eclaireuse, elle anime les ateliers mobilisation à l’ENGAGE University et conseille les explorateurs de nos Défis dans le cadre de campagnes de plaidoyer.  

Quel est ton métier et celui de Foodwatch? 

Je suis directrice générale de l’association foodwatch France, créée en 2014, que je développe avec une petite équipe de 5 personnes et le soutien de nos sympathisants. Engagée pour défendre transparence et droits de l’homme, notamment sur les questions de droit à l’alimentation, je dirige des projets internationaux dans le secteur associatif depuis plus de 17 ans, de l’humanitaire à Greenpeace.

Foodwatch est un contre-pouvoir citoyen 100% indépendant qui milite pour plus de transparence et pour une alimentation saine pour tous. Face aux manipulations des lobbies, nous enquêtons, lançons l’alerte, mobilisons et poussons responsables de l’industrie agroalimentaire et responsables politiques à changer leurs pratiques. Les effets de la malbouffe sur la santé ne sont malheureusement plus à démontrer et comment accepter que les produits alimentaires contiennent encore autant de résidus de pesticides, d’aditifs controversés, de nanomatériaux et autres perturbateurs endocriniens ?!  Il est temps d’agir, ce que fait foodwatch en France et en Europe.

Sens-tu que la prise de conscience progresse, du côté citoyen, du côté des entreprises? 

Absolument. Du côté citoyen, on sent bien que les gens en ont ras-le-bol du règne du marketing et des lobbies qui bafouent leurs droits et leur santé. Quand on dévoile publiquement les résultats de nos enquêtes et qu’on propose aux gens des moyens de se mobiliser, ils sont de plus en plus nombreux au rendez-vous. Les citoyens ont compris qu’il est possible de faire changer les choses, mais seulement si nous agissons ensemble pour être plus forts. Cette mobilisation collective nous donne d’ailleurs de belles occasions de recréer du lien social, du sens aux actions communes.

Quant aux entreprises, il y a encore un fossé flagrant. D’un côté elles sentent bien que la demande des consommateurs.trices se tourne de plus en plus vers des produits plus naturels, sans pesticides etc. et certains cherchent déjà à adapter en partie leur offre. Mais de l’autre côté persiste le poids de certains géants de la malbouffe qui inondent le marché de produits transformés souvent trop sucrés, trop gras, trop salés, et bloquent tout projet pour mieux protéger les consommateurs.trices, comme celui du logo nutritionnel Nutri-score. Sans les y forcer, ces mastodontes continueront en toute impunité. Mais nous sommes depuis en plus nombreux à incarner David contre Goliath et les choses changent !

Pour quels résultats concrets?

Il y a un premier impact à court terme : par exemple plusieurs marques ont changé leurs emballages ou leurs recettes suite à des pétitions lancées par foodwatch dans notre campagne Arnaque sur l’étiquette, six grands distributeurs se sont engagés à supprimer les huiles minérales MOAH– des dérivés d’hydrocarbures- de leurs produits alimentaires suite à des tests effectués par foodwatch en Europe,  le dioxyde de titane, un additif dangereux pour la santé, va être suspendu en France.

Mais certains combats demandent une détermination et une mobilisation dans le temps. C’est le cas par exemple du glyphosate, dont le feuilleton n’est pas fini pour en obtenir l’interdiction… et avec lui la question plus large des autres pesticides.  C’est aussi bien sûr le cas des accords de libre échange qui menacent notre démocratie. Les enjeux sont nombreux.

Mais ce qui est sûr, c’est qu’un des premiers résultats est que les actions de foodwatch et la mobilisation citoyenne ont envoyé un signal très fort à l’industrie agroalimentaire et aux responsables politiques : nous vous observons et nous allons vous forcer à prendre des mesures. Et ils le comprennent.

Les enjeux liés à l’alimentation sont fondamentaux. Comment pourrions-nous accélérer l’évolution des pratiques?

La prise de conscience des citoyen.ne.s, leur mobilisation, leurs choix par leurs actes d’achat sont autant de leviers. Mais pour vraiment protéger de la malbouffe et de ses effets désastreux, il faut qu’il y ait des règles du jeu claires et contraignantes pour l’industrie, pour que les produits alimentaires soient plus sains, quelque soit la marque. Cela signifie que c‘est aux autorités publiques de renforcer la règlementation. foodwatch pousse depuis un an par exemple pour l’interdiction de la publicité et du marketing qui ciblent les enfants pour les produits  trop sucrés, trop gras, trop salés – 1 enfant sur 6 en France est en surpoids ou obèse !-. De nombreux député.e.s soutiennent cette idée, mais le gouvernement bloque sous prétexte qu’il vaut mieux s’appuyer sur des engagements volontaires des entreprises.

Nous n’allons pas lâcher. Nos enquêtes et campagnes mettent la pression sur les industriels et sur les décideurs politiques. Plus nous sommes nombreux, plus nous pourrons accélérer ces changements.

Tu interviens à ENGAGE University, notamment dans le programme Transformation, dans lequel tu partages tes techniques de plaidoyer, pourquoi?

Parce que je suis convaincue du pouvoir que nous avons, chacun.e et surtout ensemble, si nous agissons et nous mobilisons dans un sens commun. Je ne compte plus le nombre de personnes que j’ai rencontrées qui souhaitaient agir, contribuer à une société plus juste mais étaient paralysées car elles ne savaient pas par où commencer. Engage University est une belle opportunité de réunir ces forces vives, de les outiller et de recréer du vivre ensemble. Et surtout de l’AGIR ensemble dans le cadre des Défis que nous lançons avec ENGAGE Action.

Un mot, une phrase pour décrire ton envie pour le futur? 

L’intérêt général : c’est tellement essentiel aujourd’hui de garder ce cap en tête par opposition aux lobbies que nous combattons et qui ne défendent la plupart du temps que des intérêts particuliers, au détriment des citoyen.ne.s, des biens communs, de la planète.

Nous avons besoin d’un nouveau contrat social, étendu à toute l’Europe bien sûr. Les risques de replis sont omniprésents. Ils doivent nous motiver plus que jamais pour agir, chacun à sa façon, et ensemble.

 

POUR APPROFONDIR

En quelques minutes | découvrir Foodwatch

En plusieurs jours | Suivre le programme Transformation de l’ENGAGE University

En plusieurs heures ou plusieurs jours | s’engager dans un Défi ENGAGE

Depuis 10 ans, Amandine Lebreton travaille au sein de la Fondation pour la Nature et l’Homme pour métamorphoser notre modèle de société. Ingénieur agronome, elle dirige aujourd’hui le pôle Scientifique et Technique de l’organisation créée par Nicolas Hulot. Le pari de la FNH ? Démontrer que les solutions existent et favoriser le changement des comportements individuels et collectifs, en s’appuyant sur l’information scientifique la plus complète et objective. 

Elle co-animera la conférence du 5 décembre qui introduit les enjeux de biodiversité du Défi “Replacer l’Economie au Service du Vivant”.  

Pourquoi un défi sur la biodiversité aujourd’hui ?

La biodiversité est encore et toujours la grande oubliée des enjeux environnementaux alors même qu’elle est le socle de notre vie, le substrat de notre économie et même notre assurance majeure face au changement climatique ! La preuve, une COP biodiversité se tient actuellement en Egypte et personne ne le sait…

On parle de chute de la biodiversité, qu’est-ce que cela signifie concrètement en France ?

Les espèces disparaissent et les milieux se dégradent à toute vitesse. En France, c’est 30 % des oiseaux qui ont disparu de nos campagnes en 15 ans et 80 % des insectes en Europe. Cette perte de biodiversité est la conséquence d’activités humaines destructrices qu’elles soient agricoles ou industrielles. Parmi les causes majeures, nous retrouvons également l’artificialisation des sols : un département français disparait tous les 7 à 10 ans en France sous les constructions de routes, de parkings, d’habitations… Dans ces conditions, comment retrouver une dynamique globale et mettre en place des corridors écologiques fonctionnels ?

N’est-il pas trop tard ? Peut-on encore réparer ce qui a été si fortement maltraité ? Est-il possible de reconstruire ?

Comme disait Robert Barrault, la biodiversité c’est le tissu vivant. Et il est d’une incroyable résilience… jusqu’à un certain point. Nous avons atteint des seuils gravissime de perte dans certains endroits mais partout où il est possible d’agir, il faut maintenir un espoir et redonner à la biodiversité tout son potentiel. Cela vaut pour la biodiversité extraordinaire comme ordinaire.

La FNH est particulièrement engagée sur cet enjeu, quelles sont ses priorités ?

En 2020, la France accueille le congrès Mondial de l’UICN et la même année se tiendra en Chine la COP 15, l’équivalent de la COP 21 pour la biodiversité. Si le grands messes ne peuvent pas tout, ces évènements sont l’occasion de se projeter collectivement pour d’une part redonner une place centrale à la biodiversité dans les combats écologiques et d’autre part agir en France qui doit être exemplaire. Deux axes majeurs sont identifiés pour la FNH : la réduction drastique de l’usage des pesticides qui empoisonnent notre environnement et nos vies et la lutte contre l’artificialisation des sols.

Pour conclure, donnez-nous quelques raisons de nous engager, de nous battre et de rejoindre ce Défi…

C’est tout ce à quoi on tient ! Un bon repas avec de bons produits, nos vêtements, l’eau que nous buvons, l’air que nous respirons … ou encore l’agréable randonnée que nous ferons l’été prochain. Chaque jour les êtres humains tirent de nombreux services gratuits de la biodiversité. Les maintenir fonctionnels doit devenir notre priorité collective. Et c’est le levier majeur pour s’adapter au changement climatique en cours.

POUR APPROFONDIR

En 6 minutes | Comprendre l’importance de notre biodiversité avec Robert Barrault

En 12 minutes | S’émouvoir avec l’astrophysicien Aurélien Barrau sur la scène de CLIMAX

En 14 minutes | Porter un nouveau regard sur l’évolution des espèces avec Pierre-Henri Gouyon

En 4 jours | Se former au biomimétisme à l’Institut des Futurs Souhaitables 

POUR AGIR

En quelques cliques | Télécharger le Kit climat pour sensibiliser ses proches aux enjeux de notre espèce.

En 1h30 | Participer à une session d’intelligence collective du cycle Défi “Replacer l’économie au service du vivant”.

En 2 jours | Suivre le parcours d’apprentissage-action “Repenser la terre et ses ressources” de l’ENGAGE University

Je discutais durant l’été de pêche à un dîner. Passés les habituels sourires étonnés, aucun n’associait à cette pratique ce qu’il signifie du rapport intime aux éléments, au vivant, ou simplement à la rivière. Je proposais plus récemment encore lors d’un forum sur le vivant de débuter par une cueillette de champignons, et tous s’inquiétaient d’abord d’une possible intoxication. Là encore, de trop vagues réminiscences de l’odeur du sous-bois ou de l’humus.

Anecdotique, me direz-vous. Pas forcément.

Un article du Monde citait une étude du Manhattan College selon laquelle seuls 26% des enfants jouent chaque jour en plein air, contre 71% pour la génération de leurs parents. Un autre évoquait l’incapacité d’une majorité de bambins à différencier un poireau d’une courgette.

Et si les problèmes que nous rencontrons aujourd’hui émanaient de ce rapport fondamentalement distendu entre nous et notre écosystème ? N’est-il pas illusoire de demander à nos concitoyens de protéger la biodiversité lorsque nous n’entretenons plus avec la nature de rapport sensible ?

Si l’intervention de Nicolas Hulot lors de sa célèbre démission s’est révélée particulièrement émouvante pour nombre d’entre nous, c’est qu’il y évoquait sa tristesse de sentir ce rapport se déliter. Elle alertait aussi plus largement sur la nécessité de redessiner un lien sensible à soi, aux autres et à notre environnement.

Comme le montre le photographe George Steinmetz dans son reportage sur la malbouffe vue du ciel, c’est bien cette distance par rapport au réel, au terrestre, comme le dirait Bruno Latour, qui explique l’impasse dans laquelle nous sommes. Fermes de 10.000 génisses qui ne verront jamais la lumière du jour aux Etats-Unis ; usine produisant 32 millions de porcs par an en Chine. Certains répondront qu’il faudra bien nourrir 10 voire 11 milliards de terriens dans 30 ans. Comme cela, nous n’y arriverons pas.

Acceptons tout d’abord d’inverser l’ordre de nos priorités et de penser que nous, humains, ne sommes pas tout-puissants mais au coeur d’un écosystème dont nous dépendons. Prenons chacune de nos décisions à l’aune de leurs externalités sur le vivant, replaçons le bien commun au coeur de nos préoccupations, en amont de chacun de nos choix.

Je propose déjà, pour commencer, de rendre la cueillette des champignons obligatoires pour nos bambins. Et vous ? Une proposition ? Je suis certain que votre imaginaire est déjà en marche…

Pour aller plus loin :
– Retrouver le travail du photographe Goerge Steinmetz ICI
– Connaître le projet Fermes d’avenir initié par Maxime de Rostolan
– Lire Le dernier livre de Bruno Latour : Où Atterrir
– Consulter le blog d’Alain Grandjean : Chroniques de l’anthropocène

Pour agir :
– Participer au Défi ENGAGE sur la biodiversité : ICI
– S’inscrire à un programme dédié de l’ENGAGE University

Intervenant-éclaireur à l’ENGAGE University, Cédric a dirigé 6 ans le think tank The Shift Project dont la mission est de faire du lobbying d’intérêt général sur les thèmes du climat et de l’énergie. Convaincu qu’il est encore temps d’éviter une augmentation exponentielle du niveau de CO2 dans l’atmosphère, il a développé La fresque du Climat avec l’ambition de sensibiliser un million de personnes au changement climatique à travers le monde.

·      En dirigeant le think tank The Shift Project, tu faisais du lobbying environnemental auprès des élites politiques et économiques. Désormais avec La Fresque du Climat, tu pars à la conquête du grand public. Est-ce à dire qu’après toutes ces années, tu penses que le changement de mentalité ne viendra que d’une mobilisation citoyenne ? 

Il n’y a pas qu’un seul moyen d’action. Il faut actionner tous les leviers en même temps. Le lobbying c’est très difficile mais il faut en faire. Par contre, je ne crois pas que les politiques publiques puissent être en avance de phase sur la prise de conscience collective. Elles sont plutôt le reflet des évolutions de la société, a posteriori. C’est donc important de faire bouger l’opinion publique. Le lobbying permet ensuite de faire rattraper le retard des politiques sur l’opinion publique.

·       Penses-tu que la mobilisation citoyenne puisse avoir un impact aussi efficace que l’action de lobbying auprès des décideurs ?

Je reste très marqué par une phrase de l’interview de départ de Nicolas Hulot : « Où sont mes troupes ? ». Le problème, c’est qu’il n’y a pas de vagues de personnes qui descendent par millions pour la biodiversité, le climat. (Nous étions 10 000 dans les rues de Paris samedi à l’occasion de La marche pour le climat).
Mon ambition justement, c’est de former 1 million de personnes grâce à La Fresque. Il est fondamental de changer rapidement d’échelle. J’ai construit mon projet en me fondant sur une stratégie exponentielle très simple :  je forme des animateurs par dizaines pour qu’ils forment eux-mêmes des dizaines de citoyens, de salariés, d’élèves partout où ils sont, dans les collectivités, les entreprises, les universités.

Aujourd’hui, il y a plus de 200 animateurs et je commence à recruter des formateurs d’animateurs. Dans quelques mois, si tout va bien ils seront des dizaines. Et ainsi de suite.

J’ai aussi pour projet de traduire les cartes de la Fresque dans une dizaine de langues. C’est un outil en perpétuelle évolution, qui se bonifie, s’enrichit. Je suis comme l’éditeur d’un outil en open source. L’outil se diffuse gratuitement, et je gagne ma vie sur la formation et l’expertise technique.    

·       Une critique qu’on entend régulièrement : 30 ans de pessimisme pour alerter sur notre avenir climatique n’ont fait que renforcer l’immobilisme collectif. Crois-tu qu’un discours en particulier soit plus efficace pour inciter les personnes à passer à l’action ? 

Je crois que seul un discours positif peut fonctionner. Il faut incarner la transition que l’on souhaite et donner envie. Dans le même temps, Je suis collapsologue d’une certaine façon : je regarde en face le fait que notre système va s’effondrer dans les prochaines décennies. Mais je ne cherche pas à convaincre les autres de ça. Je sais que ce n’est pas audible chez ceux qui n’ont pas commencé à faire leur premiers pas (voire les suivants) sur le chemin de la transition.

Ma démarche est plus pragmatique : je cherche à accompagner un maximum de personne à faire justement ces premiers pas. D’ailleurs, la Fresque ne sert qu’à ça : le premier pas. Elle ne donne pas les clés pour la suite. Chacun son chemin. Il y a tant à apprendre pour transitionner, je ne peux pas tout livrer sur un plateau en trois heures de temps.

Ce qui fonctionne avec la Fresque, d’après les retours que j’ai eus, c’est que ce sont des données objectives sans jugement de valeur. Tout est fondé sur les rapports du GIEC, c’est assez implacable. Et on ne culpabilise personne. La fresque réussit ce petit miracle de mettre un grande claque dans la figure aux participants, sans être dans le discours militant, moralisateur ou culpabilisant.

·      Quelle approche pédagogique rend la Fresque du Climat si efficiente ? 

En pédagogie, ce qui marche, c’est de remplacer le top down par des techniques plus interactives. Décomplexer les apprenants par des approches ludiques est aussi essentiel pour dépasser les blocages.

La Fresque, je l’ai inventée un peu par hasard. J’avais besoin de dessiner des flèches et des patates pour mettre de l’ordre dans mes pensées. En partageant ces schémas avec mes élèves de l’époque, j’ai réalisé que l’on retenait mieux l’information en se questionnant debout, à plusieurs, autour d’un support concret et de favoriser la créativité dans l’approche pédagogique. Puis le côté artistique c’est imposé quand ils ont spontanément commencé à faire des dessins. Je les ai encouragés et c’est devenu une dimension incontournable de l’atelier.

POUR APPROFONDIR 

En une heure | Voir le documentaire « 2 degrés avant la fin du monde » signé #Datagueule, ou suivre le MOOC d’Avenir Climatique (5 épisodes).

En 3 heures | Participer à « La Fresque du Climat » : atelier ludique, participatif et créatif permettant de comprendre les causes et conséquences des dérèglements climatiques.

En 2 jours| Suivre la session de formation « Repenser la Terre et ses ressources » de l’ENGAGE University.

POUR AGIR

En téléchargeant le Kit Climat réalisé par ENGAGE,  pour se saisir de l’urgence climatique et des pistes d’action qui permettront de changer la donne.

En causant toute une journée pour améliorer ses connaissances sur les enjeux énergie-climat. “Les causeries” d’Avenir Climatique sont ouvertes à tous et gratuites.

En se formant au biomimétisme auprès de l’Institut des Futurs Souhaitables.

En participant à un atelier pour adopter un mode de vie plus durable avec le héros de la chaîne Youtube “Ça Commence par moi“.

En rejoignant le Climate Reality Project porté par la Fondation d’Al Gore.

 

Le 13 novembre 2017, quinze mille scientifiques poussaient un cri d’alarme et nous exhortait à opérer un changement profond dans notre gestion de la terre et de la vie qu’elle recèle. Larry Fink, Président du fond d’investissement BlackRock, exhortait récemment les entreprises dont il est actionnaire, à plus de transparence et à favoriser la création de valeur à long terme.

Nous avons aujourd’hui collectivement l’obligation de prendre nos responsabilités et d’agir autrement. Le monde est fini, limité en ressources comme en capacité d’absorption du CO2 ; Il a changé de nature, rendu instable, mouvant, liquide par l’accélération exponentielle des technologies ; il est devenu transparent à l’heure où l’information se partage en un clic, hors de tout contrôle. Nous pensions le monde infini, stable, cloisonné, nous le découvrons fini, liquide, transparent. Dans ce nouveau monde, les cartes des responsabilités sont rebattues et la répartition des pouvoirs redistribuée, entre les Etats, les territoires, les institutions supranationales et financières, les entreprises privées et la société civile, plus ou moins organisée.

Lorsque les Etats sont économiquement sous tension, que le pouvoir politique voit sa légitimité reculer, le rôle des entreprises ne peut rester inchangé. La responsabilité de l’entreprise privée est immense car sa capacité d’impact est immense : sa vocation ne peut plus se limiter à la seule création de valeur économique et sa mission se restreindre à satisfaire les intérêts de ses seuls associés, comme les définissent les articles 1832 et 1833 du code civil*.
La Mairie de New-York ou le fond d’investissement BlackRock -plus de 5.000 milliards d’euros d’actifs en 2016-, au travers de leurs injonctions récemment adressées aux entreprises de contribuer positivement à la société, disent finalement la même chose : l’entreprise qui n’a pas le bien commun comme horizon est probablement vouée à disparaître car, dans ce nouveau paradigme, elle perdra ses consommateurs, ses salariés et ses actionnaires. Il était temps.

Le monde de l’entreprise bouge, par nécessité pour certains, qui le jugent insincère, par conviction pour d’autres, qui croient en une prise de conscience profonde. Quelles qu’en soient les raisons, comment encourager, accélérer cette évolution ?

Pour l’entreprise, redéfinir son rapport au bien commun ne sera pas aisé car il nécessite des évolutions majeures :

Changer ses modes de gouvernance – inscrire l’entreprise dans la Cité et signer un pacte d’alliance sincère et durable avec les autres acteurs organisés de la société civile et les citoyens.
Placer l’éthique au cœur de sa stratégie de long terme – elle est à terme la condition de sa performance économique.
Définir avec les états, de nouveaux indicateurs de performance – ils dépassent la seule dimension économique : impact sur la Terre, sur la santé, sur le bien-être et permettent de mesurer toutes les externalités.
Instiller à tous les niveaux hiérarchiques des nouveaux modes de management et de leadership – ils s’appuient sur des passeurs*, ‘émancipés’ et en cohérence avec eux-mêmes, et non plus sur des collaborateurs contraints par leurs fonctions.
Viennent alors les questions. Comment soutenir cette transition ? Comment concilier la performance et la vertu** ? Devons-nous redéfinir le statut juridique voire l’objet social des entreprises privées ?

Ces questions sont complexes car l’entreprise est sous la contrainte d’une compétition souvent internationale. Faut-il redéfinir son statut juridique sur notre territoire au risque de les défavoriser à l’international ou devrions-nous inventer un nouveau statut européen ?
Doit-on redéfinir leur objet social au risque de les rendre vulnérable à des attaques que porteraient des acteurs organisés de la société civile ? C’est évidemment tentant. Mais ce n’est pas si simple, car l’enjeu est d’imaginer une transition rapide et non de provoquer un jeu de massacre qui ne servirait personne. Et puis, qui serait le juge de sa bonne moralité ?

La loi du 31 juillet 2014 relative à l’Economie Sociale et Solidaire a fait naître de nouvelles formes d’organisations commerciales ; Le cabinet Prophil*** vient de publier un panorama international des statuts hybrides au service du bien commun, insistant tout particulièrement sur les entreprises à mission, dont nous pourrions nous inspirer. Encore faut-il trouver les moyens de soutenir le développement de ces nouvelles entreprises.

Plus encore, notre ambition doit-elle se limiter à bâtir, encore et toujours, un monde parallèle, lorsque la majorité des entreprises ne change pas de trajectoire ? Comment faire en sorte que ces aménagements fassent bouger la majorité et pas seulement les plus vertueux ?

Il s’agit, en somme, d’aider les entreprises, ces « personnes morales », à se doter d’une véritable personnalité éthique. C’est le défi du débat que nous, ENGAGE, Spintank, et tous ceux qui voudront nous rejoindre, souhaitons lancer avec les acteurs de la société civile, les acteurs économiques et les décideurs politiques, car seule une dynamique d’alliance nous permettra de faire réellement bouger les lignes.

Jérôme Cohen
Fondateur d’ENGAGE

*L’objet social des entreprises est défini par les articles 1832 et 1833 du code civil
**Voir le livre ‘Entreprise et bien commun : la performance et la vertu’ de Pierre-Etienne Franc et Michel Calef, au éditions du Palio
***Etude réalisée par le cabinet Prophil en collaboration avec Mines ParisTech

Et enfin, la lettre de Larry Fink, ici

Pierre-Etienne Franc vient de publier Entreprise & Bien Commun, un ouvrage qui analyse les bases culturelles, structurelles et organisationnelles de nouvelles pratiques désormais urgentes pour les entreprises.

 

ENGAGE : Pourquoi ce livre et pourquoi maintenant ?

Pierre-Etienne Franc : Je vis depuis longtemps dans mon métier cette intrication devenue essentielle des problématiques collectives et des entreprises notamment bien sûr sur les questions énergétiques. Mais je sens que beaucoup de gens comprennent mal que, sans les entreprises, leur puissance technologique, leur agilité et capacité d’organisation et d’investissement, les choses ne pourront pas avancer vite et fort.

De l’autre, beaucoup d’entreprises semblent refuser, ou ne pas comprendre que ce qui arrive avec la finitude des ressources et les questions environnementales et climatiques n’arrive pas qu’aux autres, mais vont les toucher toutes de plein fouet et très vite et qu’elles doivent impérativement changer d’angle. Urgence surtout, car tout cela s’accélère et nous devons changer de regard sur le rôle des uns et des autres si on veut régler les chantiers du monde.

Enfin, à titre personnel, besoin de renouer par ce texte le fil d’une culture personnelle et familiale qui se nourrit de la chose publique et ne peut se résoudre à croire qu’il soit possible de faire société sans que chacun ne s’occupe un peu à la faire !

Vous parlez de replacer l’entreprise au service de la Cité et du bien commun, une utopie, un voeux pieux ou une prochaine réalité ?

Une utopie pas forcément, parce que l’objet du livre est de démontrer qu’il y a une forme de rationalité presque cynique qui devrait pousser les entreprises à travailler les questions sociétales et de bien commun, car je crois fondamentalement que c’est là que se trouvent les gisements de croissance. Rationalité cynique matinée d’un effet vertueux qui relève pour sa part peut être de l’utopie, mais qui est relatif à la pression des réseaux sociaux sur le monde économique et politique.
Je crois que cette pression permanente et malsaine de la transparence a probablement quelques vertus en ce qu’elle nous oblige à être clair sur nos actes et nos intentions et qu’elle pousse donc les entreprises à un discours de cohérence qui assume ses choix stratégiques. Pour celles qui voudront jouer le jeu de la croissance au service du bien commun ou en tenant pleinement compte des contraintes du bien commun, le digital leur imposera une forme de transparence assez peu facile à tromper, donc une lutte pour effectivement défendre la pertinence de leurs solutions  ou de leurs procédés au regard des questions du bien commun.
Il devrait être de plus en plus difficile de voir se développer des cas de type “glyphosate”, tant la pression médiatique sera forte à ce que les produits , et technologies qui sont mis sur le marché respectent des normes incontestables et soient parfaitement cohérent avec les exigences du bien commun, c’est à dire ne produisent pas d’effets négatifs sur les tiers qui ne soient clairement connus et appréciés.

C’est peut-être cette facette là qui est la plus utopique potentiellement, mais je pense qu’elle pousse à des engagements de convictions et non plus seulement d’opportunités.

Vous pensez donc que la période est particulièrement propice à une tel ‘retour’ de l’éthique au sein de ‘la personne morale’, pourquoi ?

La période est charnière, pour les raisons que nous avons vues, finitude des ressources, épuisement des modèles productifs de croissance, enjeux climatiques. L’attitude fondée sur la seule performance ne tient plus parce qu’elle devient cynique et donc met en jeu l’image de l’entreprise, de ses dirigeants et leur capacité à faire sens en leur sein et dans la société. Cela ne signifie pas que l’éthique est plus importante aujourd’hui qu’hier, ou que la morale devrait reprendre la main, cela signifie que l’absence de prise en compte du bien commun dans le développement d’une activité est beaucoup plus visible, traçable et beaucoup plus rapidement médiatisable que par le passé.

Il est intéressant de voir la résurgence de la volonté de la puissance publique en France de reconnaître ou de redéfinir le rôle des entreprises dans la cité par la loi, y incluant leur vocation à servir aussi la société. Cela traduit que dans un monde fini, la juxtaposition d’activités économiques séparées, animées par la seule satisfaction de marchés ou besoins individuels, sans tenir compte de leur impact plus général sur l’éco système, ne produit plus forcément d’efficacité globale et impose donc de revisiter leur valeur autrement qu’à l’aune de la seule satisfaction individuelle. La finitude impose la responsabilité en quelque sorte. Et si l’on veut aller plus loin que l’Ethique de responsabilité, il faut s’engager, donc basculer dans une éthique de conviction. Là on entre dans la problématique du leadership et des valeurs personnelles.

Faire évoluer une structure nécessite aussi un nouveau leadership, comment le décririez-vous ?

Je parle de passeur, pour essayer d’illustrer la nécessité de travailler à des leadership qui essayent d’ouvrir les entreprise aux mondes avec lesquels elles interagissent, pour les sortir de logiques de performances à leurs bornes et au contraire les inciter à regarder la valeur comme une contribution qui dépasse la seule production de biens et de services mais englobe aussi la méthode, l’impact sur les tiers (environnement, santé, eco système) qui l’entourent et qui sont concernés.

Cela signifie un regard différent sur les activités de l’entreprise et probablement aussi une approche ouverte du management au sein de l’entreprise, une forme d’exigence bienveillante, qui ne renie pas les enjeux de performances, mais voit la valeur comme plus large que la seule production monétaire, qui refuse de considérer que le rôle de l’entreprise s’arrête à son activité mais au contraire juge qu’elle prend son sens dans un engagement auprès et avec les tiers qui sont touchés directement ou indirectement par ce qu’elle fait.

Un conseil à ceux qui n’arrivent pas à faire bouger leur structure ?

Les changements les plus forts viennent de l’extérieur. Les grandes structures réagissent rarement à des mobilisations internes, elles réagissent à des pressions concurrentielles, technologiques, de marché, de règles, qui bouleversent les processus structurés existants. Il faut chercher à faire rentrer la diversité, la disruption par le dehors. Cela signifie des gouvernances ad hoc, des capacités d’agir qui sont “de coté”, mais connectées (pour qu’il existe des points d’entrée du dehors vers le dedans, des points de passage), l’appui de structures agiles, et la nécessité de trouver des exemples, des succès qui fassent réagir l’intérieur. Cela fonctionne d’autant mieux que le top de l’entreprise soutient cette disruption du dedans / dehors, cela renvoie inévitablement aux convictions propres du sommet.
Cela est d’autant plus essentiel que le degré d’incertitudes au quel nous faisons face est très élevé de par justement la somme des connaissances qui s’accumulent et conduisent de jour en jour à mieux nous faire saisir nos interdépendances. Il n’est plus possible de simplement dire la batterie réduit les émissions de polluants pour avancer, car toute une théorie d’analyses vient très vite amender, pondérer, contester les bénéfices de la solution.

Ainsi l’ignorance des autres n’est plus un paramètre qui peut permettre d’avancer, car la connaissance est partout et potentiellement infinie. Mais le divers qui sourd de la connaissance creuse un monde d’incertitude permanente qui ne permet plus d’avancer sur de seules bases rationnelles. C’est donc in fine l’éthique de conviction et de responsabilité qui doivent guider les choix entrepreneuriaux, ce qui est profondément neuf et contre intuitif dans notre monde actuel. Et qui engage plus fortement encore aujourd’hui qu’hier la force d’âme des dirigeants, ce que j’appelle la vertu.

Un mot et une oeuvre enfin pour caractériser l’engagement ?

Persister. L’oeuvre encore non achevée de Bertrand Piccard présente beaucoup de ces facettes dont le monde a besoin, un mélange d’audace, d’optimisme actif, de technologie et d’exemplarité qui produit une très belle illustration de ce que veut dire changer de monde. “C’était impossible, alors ils l’ont fait”, pour reprendre Mark Twain.