Sandrine Bissoulet est directrice général adjointe d’ENGAGE, passionnée de biodiversité, de truffes et de jardinage. Elle revient sur son rapport singulier au vivant et sur les sources et les intentions de l’exposition Nature On/ Off.

Sandrine, pourquoi cette exposition ?

Cette exposition est née d’un défi : reconnecter au vivant. Car si l’effondrement de la biodiversité constitue une menace sans précédent pour l’humanité, cette réalité reste abstraite et souvent lointaine. Malheureusement les conférences et rapports sur le sujet ne font pas suffisamment bouger les choses…
Nous avons imaginé une exposition à impact pour frapper les esprits et provoquer un déclic. L’image, c’est un langage universel, qui permet de parler à tout le monde, quels que soient l’origine, l’âge ou la culture. L’ambition est d’engager un large public : des jeunes, des vieux, des salariés, des patrons, des parents, des enfants….
Ouverte à tous, Nature On/ Off propose une expérience sensible et artistique. Nous sommes convaincus qu’il faut replacer le sujet vivant dans la culture, au-delà du cercle de la science ou de l’information…et dans une culture populaire. C’est pourquoi les tableaux sont tous des chefs-d’œuvres connus du plus grand nombre !

Elle raconte quoi finalement ?

Sa force est de montrer avant de raconter. Ces tableaux révèlent les impacts que nous avons sur le vivant et à quel point nous en sommes dépendants. Ils nous projettent dans ce monde privé de biodiversité qui nous attend si nous ne faisons rien.
Nature On/ Off permet d’illustrer les grandes causes de disparitions de la biodiversité tout d’abord. Ce travail est primordial car peu de gens les connaissent et savent que la première est le changement d’affectation des terres et des mers par exemple.
Elle matérialise comment cela se passe concrètement :  on construit un parking et Le Déjeuner sur l’herbe devient Le Déjeuner sur béton; on passe à la monoculture de maïs et Les Maïs remplacent Les Coquelicots de Manet.

Ensuite, l’exposition révèle les dépendances que nous avons vis-à-vis d’elle. Un concept complètement nouveau pour beaucoup ! Si on comprend facilement l’importance des pollinisateurs ou des plantes qui nous nourrissent, on sait moins que la biodiversité régule le climat. Et on a rarement conscience qu’elle nous inspire au quotidien, pour innover… ou dans la création. Comment aurait peint Elisabeth Vigée le Brun, si inspirée par la nature, en 2024… probablement de manière moins champêtre !

La reconnexion au vivant est donc pour toi le problème n°1 ? Est-ce le seul ?

Aujourd’hui 80% des populations vivent en milieu urbain. En France, on vit à 16 km en moyenne d’une zone naturelle. Alors oui, on est déconnecté : dans la ville, peu d’espace végétalisé, peu de biodiversité, pas d’espace sauvage, on ne voit plus la nuit, il n’y a plus d’animaux ou si peu… C’est un éloignement du vivant qui s’assortit d’une perte d’expérience sensible.

Cette distance est aggravée par l’excès de vitesse permanent ! On n’a plus le temps, on “switche”, on “zappe”, on “circule”. Alors que pour le vivant, la nature, il faut s’avoir s’arrêter, patienter. C’est nécessaire pour écouter, regarder, sentir, toucher, goûter.

Enfin, c’est un sujet grave qu’il faut pouvoir aborder sans tétaniser devant l’ampleur de la tâche ! On doit pouvoir être sérieux sans se prendre au sérieux. Le décalage et la créativité de Nature On/ Off étonnent, intriguent, font réagir, font parler : nous cherchons  une prise de conscience sans pathos. L’important c’est que l’effet produit soit une mise en action, en mouvement.

Ton œuvre préférée ?

Mon cœur balance entre Déjeuner sur béton et Chardonneret 2024.

Déjeuner sur Béton par la puissance de l’image qui matérialise la première cause de disparition de la biodiversité : le changement d’affectation des terres et des mers. En France, la consommation d’espace naturels, agricoles et forestiers atteint près de 25 000 hectares par an (soit approximativement la surface du Val-de-Marne ou de la Seine-Saint-Denis).

Le chardonneret car il me touche au cœur. J’ai déjà pu les observer se délecter de graines en virevoltant autour de pissenlits. Cette élégance et ce moment de grâce, j’ai bien peur que mes enfants ne le connaissent jamais.

Et tes futurs désirables en matière de biodiversité ?

Au niveau personnel, que les Causses du Périgord de mon enfance continuent à vivre dans leur richesse : prairies sèches et chênes pédonculés rabougris écrasés par le soleil d’été, vibrant du vacarme réjouissant des grillons et du vol délicat des papillons azurés…

Au niveau de la société, que nous avancions avec la tête, le coeur, la main et dans le collectif pour vivre heureux dans un monde vivant :
La tête : rester curieux, ouverts pour connaître sa magie, sa richesse;
Le coeur : regarder, écouter, caresser, toucher, sentir les sols, les bois, les prés;
La main  : planter, semer, cueillir, cuisiner au rythme des saisons;
Le collectif : se promener, échanger, cultiver entre amis, en famille, dans sa ville ou, tout simplement, ensemble.

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Marie-Sarah Adenis, sera intervenante du festival Life! et y présentera son exposition Gloire aux microbes.
Artiste-designer, diplômée en création industrielle (ENSCI) et en biologie (ENS Ulm), elle est co-fondatrice et directrice artistique de l’entreprise PILI et enseigne dans des écoles d’art et de design.

Quelle est votre relation à la biodiversité et au vivant ?

Ma première relation est une appartenance évidente puisque je suis moi-même partie prenante de cette biodiversité. Mes études de biologie m’ont permis d’établir une connexion plus fine en prenant conscience de la richesse infinie de son histoire évolutive, des mécanismes qui sont à l’oeuvre en nous et partout autour de nous. C’est un premier prisme théorique mais vertigineux et passionnant.
J’ai aussi construis au fil du temps une relation plus directe et plus surréaliste avec les autres vivants, notamment avec les êtres microscopiques qui invitent à un rapport presque magique quand on comprend que le monde est fait de ce tissu invisible vivant qui rend la vie possible par le biais de ces micro-organsimes. J’ai toujours un petit microscope de poche sur moi qui me permet de voir ce qui m’entoure et qui m’échappe. Cela crée une attention au monde radicalement différente. De la même manière que je “vois” l’invisible, je “sens” les vivants à travers l’emprunte qu’ils laissent derrière eux. Je respire leur activité métabolique à chaque bouffée d’oxygène, je partage mes repas avec eux au moment de la digestion, et j’établis cette connexion intime de plein de manières qui rendent ma perception plus fine et plus riche. C’est comme ça que j’habite le monde et que je lui donne du sens.

Pouvez-vous partager une anecdote qui illustre ce rapport ‘intime’ ?

J’en ai beaucoup mais la plus récente est la rencontre que j’ai faite et documentée avec une mue de crabe sur l’île de Lanzarote. Je l’ai emmenée partout avec moi, dans les randonnées, sur les volcans où je retournais avec elle aux premiers matins du monde, mais aussi dans les bars et les restaurants où je la posais sur la table face à moi, ce qui ne manquait pas de créer du trouble, des rires, des regards intrigués, et je pense que ce trouble est une bonne chose. C’est le point de départ de tout renversement de notre rapport au monde. Il faut inventer d’autres manières de vivre cette immense fresque burlesque, fragile et foisonnante qu’est la vie.

Pour vous, qu’est-ce que la biodiversité représente ?

La biodiversité est un vertige. Elle représente le miracle de la vie qui se perpétue depuis 3,8 milliards d’années. C’est aussi ma famille. Chaque être est un cousin ou une cousine, plus ou moins éloignés. Ce sont autant de formes spectaculaires et divergentes que la vie a prises pour s’incarner et peupler le monde. Elles viennent toute à l’origine d’ancêtres unicellulaires qui ont été les premiers à expérimenter la vie et qui ont établi la grammaire et les règles auxquelles nous nous soumettons encore aujourd’hui, avec quelques fautes de frappes qui sont parfois retenues et qui enrichissent d’autant le vocabulaire de la vie qui se prononce avec des ailes, des griffes, des neurones, des branchies, des capteurs sensoriels extrêmements variés qui donnent à chaque être une expérience du monde singulière et une umwelt particulière.
Et puisqu’il est question de biodiversité ici, il faut qu’on prenne conscience que les microbes forment la clé de voûte des écosystèmes. Aucune vie ne serait possible sans eux non seulement parce que ce sont eux qui nous ont donné la vie à l’origine, mais aussi parce qu’ils sont aujourd’hui les gardiens du temple, ceux qui perpétue et régule la vie, ceux qui peuvent la faire basculer dans un sens ou dans un autre.

Vous présenterez notamment l’exposition ‘Gloire aux Microbes’ lors du festival. Quelle est l’ambition de cette exposition ?

Gloire aux microbes est un cri d’amour qui visait à contrecarrer l’animosité et la terreur que les microbes ont toujours inspirés aux humains, plus encore avec la dernière pandémie. Le projet renouvelle les mots et l’imagerie pour conter l’histoire vraie et fascinante des microbes. Le point de départ est un texte manifeste que j’ai écrit comme un “Appel microscopique du 18 juin” (2020). J’ai ensuite réuni douze artistes qui se sont emparés des faits scientifiques qui sont détaillés dans le texte, et qui les ont sublimé dans des dessins qui proposent de nouveaux imaginaires, radicalement différents de ceux qui se sont cristallisés en nous.
Enfin, les oeuvres ont été sérigraphiées avec une encre produite par les bactéries elles-mêmes, ce qui donne une raison de plus de s’émerveiller de leurs pouvoirs innombrables. C’est un projet exigeant qui ne se contente pas de faire de la vulgarisation mais qui cherche à travers le texte et l’image à proposer un contrepoint puissant à nos imaginaires collectifs. C’est surtout une occasion de s’émerveiller avec la possibilité de parler de vivant et de biodiversité dans une perspective enthousiasmante, qui redonne le sourire alors que tout ce qu’on peut constater par ailleurs est clairement décourageant. Enfin un sujet qui donne de l’espoir !

Enfin, quels sont vos futurs désirables en matière de biodiversité ?

J’aimerais qu’on dépasse nos peurs et qu’on se mette à voir dans l’invisible, à travers l’espace et à travers le temps, pour reconnaître nos liens et nos interdépendances avec les autres habitants de la planète, qu’on puisse enfin voir en eux la puissance de nos alliances passées, présentes et à venir. La preuve avec le projet Pili que j’ai co-fondé (qui porte d’ailleurs le projet Gloire aux microbes) et qui fait alliance avec les bactéries pour produire des colorants et pigments écologiques. Une solution née de la collaboration entre les humains et les bactéries (même s’il faut bien dire que les humains portent déjà en eux bien plus de bactéries que de cellules humaines !).

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Noémie Aubron est fondatrice du studio Prospective Créative et de la newsletter hebdomadaire La Mutante . Elle revient dans cette interview sur la force des mots et des récits pour transformer le réel.

Qui es-tu et qu’est ce que la “Prospective Créative” ?

Je suis Noémie Aubron et ma mission consiste à “ouvrir des futurs possibles”.
J’ai longtemps travaillé sur des projets d’innovation pour de grands groupes sur des problématiques de renouvellement de modèles économiques mais je me sentais toujours frustrée car je ne réussissais pas à faire entrer la dimension du changement dans le paradigme et les modèles d’innovation. 

C’est pour cela que j’ai commencé à creuser la question du “comment” parler de changements en sachant que j’avais déjà tenté de le faire sans succès via des méthodes plus rationnelles et corporate. J’ai commencé à  intégrer la notion de fiction en l’associant à la prospective.

Cela fait maintenant 5 ans que j’écris des récits qui sont l’incarnation de ce qui pourrait se passer. J’appelle cela de “l’analyse prospective”. J’essaie d’abord de détecter le changement, de le comprendre.

 

Comment racontes-tu le changement justement ?

Le plus important c’est de trouver le bon angle, une manière nouvelle de raconter ce changement.

Dans ma Newsletter je vais plutôt raconter le changement que j’observe personnellement, de façons très subjective, je partage mon regard sur le monde. 

Mais je travaille aussi auprès des entreprises pour les aider à comprendre et décrypter les tendances nouvelles. Nous sommes à la recherche des “angles morts” ou de ce que l’on appelle les “éléphants noirs” dans notre jargon : des tendances que l’on ne veut pas voir mais qui sont bien présentes et dont les entreprises ont tout intérêt à se saisir pour les intégrer dans leur modèle. 

 

Y a-t-il une réelle volonté de la part des entreprises de transformer le réel pour des futurs plus désirables?

Je dirais que la fiction prend surtout une dimension “de conte d’avertissement”, de lanceur d’alerte qui fait prendre conscience aux entreprises d’un futur non souhaitable, dystopique, pour elles et pour le monde afin de les inciter à travailler sur des transformations plus désirables. 

Pour cela j’aide les entreprise à définir leur intention, je les aide à se projeter pour définir leur mission, les nouveaux métiers qui en découlent et surtout à définir ce vers quoi elles ont envie de se projeter. C’est ce chemin de transformation que j’essaie d’installer grâce à la fiction qui devient un réel outil de transformation.

 

Dans quelles domaines observes-tu le plus de potentialité ou de nécessité de changement ?

Il y en a beaucoup bien évidemment ! Ce sont surtout nos modes de vie car ils vont nécessairement impacter l’activité des entreprises. 

Il y a par exemple notre rapport au confort. Le confort tel qu’il a été conceptualisé ces 50 dernières années devient inopérant aujourd’hui. Se pose la question de savoir ce qu’est un environnement confortable. Il ne s’agit plus, à mes yeux, de le définir comme un confort matériel. 

L’apparition des low tech est aussi un marqueur important à l’heure de notre interrogation sur l’utilisation de nos ressources naturelles.

Dans un monde en accélération constante, je parlerais aussi de notre rapport au temps, de notre gestion des espaces. Pour parler de façon triviale, le confort s’incarne-t-il dans notre désir de posséder la dernière machine à café la plus perfectionnée ou dans le temps dont nous disposons pour cultiver nous-même, notre jardin ?

Il semble que s’ouvre un nouveau chapitre dans nos manières de consommer, d’envisager notre rapport au monde.

 

Et justement, quels seraient tes futurs désirables ?

Habitant à La Rochelle, j’ai une sensibilité toute particulière sur les sujets lié à la mer, à sa protection et plus généralement à notre rapport au vivant. 

Dans cette même veine, je pense aussi à l’urgence de redéfinir notre rapport à l’alimentation. Cela touche les aliments eux-mêmes, leur qualité mais aussi leurs modes de production, de distribution avec des conséquences en matière de santé publique, d’aménagement du territoire.

Bien plus qu’une ferme urbaine ouverte au public, Zone Sensible se définit comme un lieu de production d’art et de nourriture. Il se passe toujours quelque chose  d’engagé, voire de politique sur ce territoire nourricier. Rencontre avec son fondateur, le plasticien apiculteur Olivier Darné.  

 

Olivier, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis plasticien de mon état depuis 35 ans et apiculteur depuis 25 ans. Je cumule les mandats. Les abeilles ont agi comme un révélateur y compris dans mes pratiques artistiques. Le point de vue des abeilles questionne les différentes façons que j’ai d’intervenir dans l’espace urbain.

 

Vous avez fondé le Parti Poétique qui développe des projets artistiques autour des thèmes NATURE + CULTURE + NOURRITURE. Quelle en est la genèse  ?

Le Parti Poétique est né en 2003 d’une volonté de partager toutes mes découvertes en tant que plasticien avec mes abeilles, à un cercle plus étendu. C’est un collectif artistique sous le format associatif qui s’apprête à fêter ses 20 ans. Nous axons nos travaux sur l’art et l’environnement. En 2011, j’ai décidé de prendre exemple sur les abeilles : elles sont mobiles car elles partent d’un point. J’ai alors fait le pari d’un lieu, nous nous sommes installés dans une maison d’un quartier ouvrier de Saint-Denis. Zone Sensible fut notre premier quartier général, une zone de sensibilité et de sens.

‘A cette volonté de nourrir les ventres s’ajoute la volonté de nourrir les esprits par des questionnements, à travers des évènements qui regroupent des chercheurs, des cuisiniers et des artistes.’

 

Que représente Zone Sensible aujourd’hui ?

Dans le cadre de la création d’une académie de cuisine à Saint-Denis en 2016, on a découvert qu’une ferme maraîchère d’un hectare, propriété de la ville depuis 1983 cherchait un repreneur. Il s’agit de la dernière ferme du 19eme siècle encore en activité aux portes de Paris. Je voulais participer à la sauvegarde de ce patrimoine et le réinventer. A l’époque, la ferme produisait 1,5 millions de salades chaque année, loin de notre modèle agricole souhaité. Nous avons opté pour des cultures plurielles en créant un jardin en permaculture : sans intrants, ni pesticides, ni herbicides. Le lieu est aujourd’hui une terre nourricière, c’était l’engagement pris auprès de la municipalité.

A cette volonté de nourrir les ventres, nous avons la volonté de nourrir les esprits par des questionnements, à travers des évènements qui regroupent des chercheurs, des cuisiniers et des artistes. Petit à petit Zone Sensible est donc devenu un centre de production d’art et de nourriture, accessible et gratuit.

‘La ferme est devenue l’espace politique des temps futurs.’

 

Peut-on parler d’un lieu de résistance ? Quelle est son empreinte sur le tissu économique local ?

 Zone Sensible ne doit pas être catalogué comme un simple tiers-lieu, je dirais qu’il est un démonstrateur de passage à l’acte. Un lieu qui sert de démonstration sur les nouvelles façons de penser les espaces, la nourriture, la participation citoyenne et d’autres enjeux liés aux préoccupations environnementales et climatiques. Nous sommes aussi en train d’amorcer un virage pour faire de Zone Sensible un démonstrateur zéro carbone en supprimant le pétrole de tous nos usages.

De plus, on connait les difficultés d’un territoire comme Saint-Denis. Lorsque la pandémie a éclaté, beaucoup d’habitants se sont retrouvés en grande difficulté. Un projet agricole comme le nôtre sur un territoire comme celui-là, est forcément politique. La ferme est devenue l’espace politique des temps futurs. On a construit le programme « solidarité pandémique » afin de créer une boucle de solidarité alimentaire. Avec une quinzaine d’associations et de relais du territoire en capacité de distribuer la production agricole, nous avons offert 90% de notre production aux habitants les plus fragiles. Et nous continuons aujourd’hui nos actions.

 

Parlez-nous de vos prochaines actions.

On vient de lancer notre championnat du monde des cuisines du monde avec le département du 93. Il a pour ambition de valoriser les savoir-faire culinaires des habitants du quartier. Et pour ne pas enfermer Zone Sensible dans une logique d’agriculture exclusivement urbaine, nous avons créé son pendant dans le sud de la France, en Camargue : Regain ! On aura donc une programmation croisée entre la ferme urbaine à Saint Denis et cette ferme située dans la plaine de Crau à proximité d’Arles. Toutes deux développeront leur programmation autour de la culture, de l’art et de la nourriture.

 

La biodiversité est un thème central à ENGAGE. Quelles actions menez-vous en faveur du vivant chez Zone Sensible ?

La biodiversité est dans une souffrance extrême. Zone Sensible agit comme une poche sur un hectare. Nos méthodes naturelles accompagnent la biodiversité qui est encore en capacité de renouveau. On observe des hérissons et des insectes que je ne pensais pas retrouver au bout de seulement quatre ans de reconversion d’un sol qui n’était pas du tout biologique.

 

Et vos futurs désirables, quels sont t-ils ?

Je souhaite que toutes ces actions perdurent et que les initiatives se multiplient. On a beaucoup d’espoir mais il faut multiplier les expériences comme les nôtres.

 

Interview réalisée par Justine Villain

Diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (l’ENSAD), l’artiste Yann Bagot dessine en immersion complète dans la nature.  Il participe à l’exposition “Près des yeux, près du coeur ” à la Caring Gallery, à Paris, du 9 au 20 mai 2022.

 

Yann, pouvez-vous vous présenter ?

Je suis diplômé de l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Décoratifs (l’ENSAD) à Paris en section Image-Imprimée, gravure et livre d’artiste. Le travail à l’encre de Chine sur papier constitue aujourd’hui la colonne vertébrale de mes recherches, je dessine principalement en plein air, dans la nature.

 

Parlez-nous de votre pratique artistique. Votre démarche se rapproche-t-elle du land art ?

Ce qui m’anime, c’est de dessiner en plein air, par tous les temps et sur tous types de terrains, lors de résidences dans la nature, dans des lieux marqués par l’histoire humaine, comme un sémaphore, un abri de la Première Guerre mondiale… J’aime explorer les liens entre l’Histoire et la nature, observer la façon dont la mémoire et le présent se croisent. Mon travail peut se rapprocher du land art, mais je ne laisse pas de trace après mon passage lorsque je dessine dans la nature. Le land art reste visible en l’absence de l’artiste, parfois de façon éphémère.

 

Quels sont les endroits dans lesquels vous rêveriez de vous immerger ?

Il y a beaucoup d’endroits magnifiques où j’aimerais aller, je pense en premier lieu au désert, à l’Islande, aux pays nordiques. Mais simplement en France il y a déjà une grande diversité de paysages extraordinaires et de terrains à vivre, que je ne connais pas.

 

Des territoires qui vous inspirent plus que d’autres ?

C’est un peu comme lorsque l’on prend le train, il y a des paysages qui nous réveillent et d’autres qui nous endorment. J’ai passé mon enfance près de la mer car ma famille est bretonne. Le littoral me relie aux choses qui me précèdent et me constituent. J’ai l’impression que ceux qui me précédaient il y a cinquante ou cent ans voyaient exactement la même chose que moi, cela me touche. Je recherche des paysages bruts, je suis marqué par les terrains où l’on sent que l’homme n’a pas trop agi, je préfère voir un arbre qui a vécu plutôt qu’un bosquet taillé à la serpe.

‘L’Homme a agi de façon inconsidérée jusqu’à croire que l’exploitation des ressources naturelles pouvait être infinie, il faut se remettre dans un nouveau niveau d’écoute.’

 

Quelle est selon vous la place de l’artiste dans la nature ?

Je ne pense pas avoir une fonction très déterminée. Cela étant dit, je suis aussi persuadé que l’on ne peut préserver que ce que l’on respecte profondément. J’agis de la sorte, je m’imprègne et je cherche à garder la trace de la beauté de ce qui m’entoure. L’Homme a agi de façon inconsidérée jusqu’à croire que l’exploitation des ressources naturelles pouvait être infinie, il faut se remettre dans un nouveau niveau d’écoute. Je cherche à me fondre dans la nature, à faire réapparaitre la part animale et instinctive en moi. Le dessin prend une forme de méditation active qui me permet de m’ancrer au présent, aux lieux.

 

Quels sont les enseignements que vous avez pu tirer de la nature ?

Se rendre perméable, utiliser les forces en présence, apprendre à s’immobiliser et utiliser ce qui se trouve juste autour de nous.  Je relis l’admirable texte « Penser comme un arbre » de Jacques Tassin, j’aime son idée que l’arbre nous guide pour faire corps avec ce qui n’est pas nous même.

‘L’engagement peut aussi être poétique. Les textes de François Cheng n’ont pas de vocation purement écologique mais le poète éveille en nous un tel amour pour la nature qu’en le lisant, on peut agir autrement. ‘

 

Considérez-vous votre art comme engagé ?

Je dirais que oui mais je suis trop admiratif des vrais militants qui déplacent des montagnes comme la militante écologiste Claire Nouvian pour me présenter tel quel. A ma petite mesure j’essaie de me relier à ces pensées, de mettre mes images au service de ces idées, de ces combats. L’engagement peut aussi être poétique. Les textes de François Cheng par exemple, n’ont pas de vocation purement écologique mais le poète éveille en nous un tel amour pour la nature qu’en le lisant, on peut agir autrement.

 

Qu’allez-vous présenter à la Caring Gallery ?

Pour l’exposition « Près des yeux, près du cœur » à la Caring Gallery, je présente du 9 au 20 mai deux dessins en grand format extraits de la série Promontoiresréalisés lors d’une résidence au Sémaphore de la Pointe du Grouin, en 2019. Réalisées au retour d’expériences de dessin en plein air, parmi les roches et les végétaux, ces compositions cherchent à restituer l’immersion et l’ampleur minérale.

 

Et vos futurs désirables, quels sont-ils ?

Malgré mon quotidien joyeux, j’ai un peu de mal à être très optimiste pour la suite… Je souhaiterais que l’on arrête de consommer des choses inutiles et qui nous emprisonnent. Il faut que l’on parvienne à sortir du déni qui nous enferme dans notre comportement.

Interview réalisée par Justine Villain

 

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