Pierre Dubreuil est directeur général de l’OFB.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Pierre Dubreuil, directeur général de l’Office français de la biodiversité. 

Avant cela, j’ai dirigé plusieurs autres établissements publics dans les secteurs de la culture et de la nature. 

Les établissements que j’ai dirigés étaient assez complexes car souvent en mutation, voire en création, comme c’a été le cas pour l’OFB. J’ai également été directeur délégué du Muséum national d’histoire naturelle. 

Le gouvernement m’a souvent confié ce type de missions complexes : réorganisation, fusion, création… C’est ainsi que j’ai été nommé pour effectuer la fusion de l’Agence Française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cela a été un vrai défi de rassembler ces deux entités et de faire travailler ensemble des agents qui pouvaient avoir des cultures de travail assez différentes. 

Quel est le rôle de l’OFB ?

L’OFB est un établissement vaste et complexe. Si je devais qualifier son rôle et ses missions en deux mots, cela serait “comprendre” et “agir”. 

On ne peut pas traiter de biodiversité sans comprendre le sujet, l’OFB est donc avant tout un établissement qui partage de la connaissance. Nous sommes responsables de la coordination de l’ensemble des données qui touchent à la biodiversité : eau, milieux sauvages, terrestres et milieux marins. Notre rôle : documenter cette connaissance, la faire progresser et la transmettre. 

Agir est l’autre volet de l’OFB. Nous sommes chargés de contrôler la mise en œuvre du code de l’environnement, grâce à la police de l’environnement (1700 agents sur l’ensemble du territoire). Nous intervenons également sur la gestion des espaces naturels et des aires protégées. À titre d’exemple, les parcs naturels marins et les réserves nationales sont gérées par l’OFB. 

Aujourd’hui, comment évolue, selon vous, l’écosystème des acteurs mobilisés autour des enjeux de biodiversité ?

Il est important de préciser que l’écosystème est complexe et cloisonné, et que la diversité d’acteurs est grande : agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, entreprises… La difficulté est de faire coexister des points de vue qui sont souvent différents voire opposés. L’OFB, les amène à concevoir qu’il existe un intérêt général sur la biodiversité, qui dépasse leurs intérêts particuliers.

Nous travaillons de plus en plus avec la sphère économique et financière qui est très demandeuse. Tous les secteurs d’activité dépendent du vivant et d’après l’étude “Un printemps silencieux pour le système financier”, 42% des actifs financiers sont menacés.

On sent que la prise de conscience autour des enjeux de biodiversité est encore en retard par rapport à l’enjeu climatique ? Comment l’expliquez-vous et comment y remédier ?

Il existe un problème d’indicateurs : les objectifs à atteindre pour agir face au dérèglement climatique sont plus facilement mesurables que les indicateurs visant à mesurer l’évolution des interactions milieux – espèces – habitats ou des interactions entre les milieux eux-mêmes. 

L’OFB travaille actuellement sur des indicateurs précis ainsi que sur un baromètre de la biodiversité. L’objectif : partager des éléments tangibles, mesurables et objectifs pour évaluer l’état de la biodiversité et des pressions qui pèsent sur celle-ci. 

Attention toutefois, il ne faut pas opposer climat et biodiversité. L’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique interagissent rétroactivement. 

Quels sont, selon vous, les leviers pour accélérer la transformation du monde économique ?

Cela passera forcément par la compréhension des enjeux. Les entreprises doivent comprendre que leur intérêt à long terme est de protéger la biodiversité. 

Avec les dispositifs “Territoires engagés pour la nature” ou “Entreprises engagées pour la nature”, nous accompagnons les entreprises à être meilleures sur ces sujets. Tous ces dispositifs sont des services publics, donc gratuits. 

L’autre levier est celui de la contrainte et de la sanction… si les entreprises ne respectent pas le vivant, nous devons appliquer notre rôle de police. La médiatisation de ces sanctions est assez dissuasive, pour des raisons majeures de réputation interne et externe. 

L’OFB a décidé d’accompagner le MOOC Biodiversité d’ENGAGE. Pourquoi avez-vous décidé d’être partenaire et qu’en attendez-vous ? 

ENGAGE répond à notre mission : sensibiliser les citoyens, les salariés et les dirigeants d’entreprise aux enjeux de biodiversité. Plus le message sera diffusé, plus les clés pour agir seront mises entre les mains de ces acteurs et mieux la biodiversité s’en portera. 

Et enfin… à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Ma conviction : on ne protège bien que lorsqu’on connaît bien. Ainsi, dans mon futur désirable, l’érosion de la biodiversité est comprise et traitée au même niveau que la crise climatique. Chacun d’entre nous comprend le fonctionnement de la nature et les frontières entre urbains et ruraux disparaissent. 

Enfin, le jour où l’humain ne sera plus consommateur de la nature, nous aurons gagné !