Tom Lellouche est artiste plasticien. Né à Paris, il part après le bac étudier l’art en Angleterre, notamment à Central Saint Martins et au Royal College of Arts et y reste pendant près de 7 ans. Il est actuellement en résidence artistique au Consulat dans le 11ème arrondissement de Paris

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène le vivant ? Quel message souhaitez-vous transmettre ? 

Je travaille énormément avec les éléments organiques : de la plante au champignon en passant par la bactérie. Ces éléments m’intéressent notamment car ils évoquent l’idée de mouvement, ils ne montrent jamais deux fois la même chose. La nature est un symbole qui parle à tout le monde, nous avons tous fait l’expérience de la nature au moins une fois dans nos vies.

Votre travail convoque les cinq sens et propose des expériences en immersion totale, pourquoi ?

Quand on souhaite envelopper le visiteur dans un ailleurs, le travail des sens est presque obligatoire. Je suis très intéressé par le fait de sculpter l’espace dans lequel je présente mes installations. Si je mettais mes œuvres dans une salle blanche, cela n’aurait pas la même résonance. L’immersion met le visiteur dans de bonnes dispositions pour recevoir le message, elle favorise l’expérience et augmente l’impact sur la sensibilité du visiteur. 

À titre d’exemple, je fais beaucoup d’installations sur la dystopie, ce n’est pas toujours joyeux, mais les gens sortent en général marqués par l’atmosphère. Ils restent parfois un long moment dans l’espace, juste pour s’en imprégner. 

Crédits photo :

ECHO 2 – Tom Lellouche.JPG – Crédit photo : Victor Malecot

Unplug – Tom Lellouche.JPG – Crédit photo : Luca Lellouche

 

Vous dites souvent de votre pratique qu’elle “explore l’idée de résurgence de la nature en milieux hostiles”, qu’entendez-vous par là ? 

À titre d’exemple, mon atelier est situé dans un univers très industriel, composé d’éléments plutôt hostiles à la nature. Je suis animé par le fait de faire cohabiter les éléments industriels aux éléments organiques. Quand je fais des structures en acier, je ne traite pas l’acier, je laisse le métal s’oxyder, ainsi, le matériau évolue au même titre que le végétal. 

Dans des installations immersives, les visiteurs peuvent presque dialoguer avec le végétal en amenant une forme d’énergie. Les sculptures sont des outils, elles ont une fonction que les gens peuvent utiliser ou non. 

En quoi le fait de proposer des réalisations vivantes vous différencie-t-il d’artistes que l’on pourrait qualifier de plus classiques ?

La différence majeure avec un peintre ou un sculpteur traditionnel, c’est que l’œuvre n’est quasiment jamais finie, c’est presque le visiteur qui la termine en interagissant avec la structure. 

Ces dernières semaines, des militants écologistes ont jeté à deux reprises de la soupe et de la purée sur des œuvres de Van Gogh et Monet. Comment recevez-vous ces gestes ? Sont-ils capables de mobiliser ?

Honnêtement, je suis choqué. D’autant plus que Monet et Van Gogh sont des peintres qui parlent de nature et qui mettent en scène la nature. En revanche, je réalise que ce qu’il se passe autour des énergies fossiles, du réchauffement climatique est aussi choquant : il s’agit d’une violence que l’on ne voit pas et qui est beaucoup moins concrète. 

Pour résumer, bien que les revendications soient justes, j’aurai davantage intellectualisé et explicité le choix du tableau. 

 

Les artistes s’expriment avec des symboles, des couleurs, des formes, ils ne véhiculent pas des messages tout faits, gratuits. Ils laissent donc à chacun une certaine liberté d’interprétation…

 

Plus largement, le milieu artistique peut-il participer efficacement à la sensibilisation autour des enjeux de biodiversité et climatiques ? 

Oui complètement, je pense d’ailleurs que l’art a toujours été un véhicule d’idée.

Les artistes s’expriment avec des symboles, des couleurs, des formes, ils ne véhiculent pas des messages tout faits, gratuits. Ils laissent donc à chacun une certaine liberté d’interprétation… Je suis convaincu que c’est la seule manière pour opérer de vrais changements sociétaux, de réelles remises en question. 

C’est aussi pour cela que je fais des œuvres interactives ou les gens peuvent être dans l’action : quand on est dans l’action, on retient beaucoup mieux. 

Et enfin… à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Je suis très inspiré par le mouvement “solar punk”, donc mon futur idéal s’approche de ce mouvement. 

Finalement, aujourd’hui, avoir de l’espoir c’est quelque chose de punk, et même si je travaille beaucoup avec la dystopie, je suis tout de même optimiste : j’espère que le futur sera végétal et “solar punk” !