Noémie Aubron est fondatrice du studio Prospective Créative et de la newsletter hebdomadaire La Mutante . Elle revient dans cette interview sur la force des mots et des récits pour transformer le réel.
Qui es-tu et qu’est ce que la “Prospective Créative” ?
Je suis Noémie Aubron et ma mission consiste à “ouvrir des futurs possibles”.
J’ai longtemps travaillé sur des projets d’innovation pour de grands groupes sur des problématiques de renouvellement de modèles économiques mais je me sentais toujours frustrée car je ne réussissais pas à faire entrer la dimension du changement dans le paradigme et les modèles d’innovation.
C’est pour cela que j’ai commencé à creuser la question du “comment” parler de changements en sachant que j’avais déjà tenté de le faire sans succès via des méthodes plus rationnelles et corporate. J’ai commencé à intégrer la notion de fiction en l’associant à la prospective.
Cela fait maintenant 5 ans que j’écris des récits qui sont l’incarnation de ce qui pourrait se passer. J’appelle cela de “l’analyse prospective”. J’essaie d’abord de détecter le changement, de le comprendre.
Comment racontes-tu le changement justement ?
Le plus important c’est de trouver le bon angle, une manière nouvelle de raconter ce changement.
Dans ma Newsletter je vais plutôt raconter le changement que j’observe personnellement, de façons très subjective, je partage mon regard sur le monde.
Mais je travaille aussi auprès des entreprises pour les aider à comprendre et décrypter les tendances nouvelles. Nous sommes à la recherche des “angles morts” ou de ce que l’on appelle les “éléphants noirs” dans notre jargon : des tendances que l’on ne veut pas voir mais qui sont bien présentes et dont les entreprises ont tout intérêt à se saisir pour les intégrer dans leur modèle.
Y a-t-il une réelle volonté de la part des entreprises de transformer le réel pour des futurs plus désirables?
Je dirais que la fiction prend surtout une dimension “de conte d’avertissement”, de lanceur d’alerte qui fait prendre conscience aux entreprises d’un futur non souhaitable, dystopique, pour elles et pour le monde afin de les inciter à travailler sur des transformations plus désirables.
Pour cela j’aide les entreprise à définir leur intention, je les aide à se projeter pour définir leur mission, les nouveaux métiers qui en découlent et surtout à définir ce vers quoi elles ont envie de se projeter. C’est ce chemin de transformation que j’essaie d’installer grâce à la fiction qui devient un réel outil de transformation.
Dans quelles domaines observes-tu le plus de potentialité ou de nécessité de changement ?
Il y en a beaucoup bien évidemment ! Ce sont surtout nos modes de vie car ils vont nécessairement impacter l’activité des entreprises.
Il y a par exemple notre rapport au confort. Le confort tel qu’il a été conceptualisé ces 50 dernières années devient inopérant aujourd’hui. Se pose la question de savoir ce qu’est un environnement confortable. Il ne s’agit plus, à mes yeux, de le définir comme un confort matériel.
L’apparition des low tech est aussi un marqueur important à l’heure de notre interrogation sur l’utilisation de nos ressources naturelles.
Dans un monde en accélération constante, je parlerais aussi de notre rapport au temps, de notre gestion des espaces. Pour parler de façon triviale, le confort s’incarne-t-il dans notre désir de posséder la dernière machine à café la plus perfectionnée ou dans le temps dont nous disposons pour cultiver nous-même, notre jardin ?
Il semble que s’ouvre un nouveau chapitre dans nos manières de consommer, d’envisager notre rapport au monde.
Et justement, quels seraient tes futurs désirables ?
Habitant à La Rochelle, j’ai une sensibilité toute particulière sur les sujets lié à la mer, à sa protection et plus généralement à notre rapport au vivant.
Dans cette même veine, je pense aussi à l’urgence de redéfinir notre rapport à l’alimentation. Cela touche les aliments eux-mêmes, leur qualité mais aussi leurs modes de production, de distribution avec des conséquences en matière de santé publique, d’aménagement du territoire.