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Pauline, tu travailles pour Techno India, peux-tu présenter cette grande université de Calcutta?

C’est en fait Techno India Group, un grand conglomérat du secteur de l’éducation de l’Est indien, qui regroupe un nombre d’étudiants impressionnant : environ 70 000 au total ! Les prémices de l’organisation remontent à 1985, lorsque Gautham Roy Chowdhury, le fondateur, un véritable Steeve Jobs à la bengalie, a commencé à mener des formations d’informatique dans son garage, à deux heures de route au nord de Kolkata. Nous parlons bien d’informatique en 1985 ! A partir des 5 roupies qu’il a utilisées pour imprimer quelques flyers pour faire parler de ces cours en local, l’organisation a grandi, grandi, grandi, jusqu’à devenir le colosse d’aujourd’hui : une trentaine d’écoles primaires et secondaires, et autant de campus dans l’éducation supérieure, principalement dans le Bengal Occidental mais également, de manière éparse, dans 6 autres Etats indiens. Initialement spécialisé dans les parcours ingénieur, Techno India a diversifié ses programmes dans les dernières années, en ouvrant des voies académiques en pharmacie, architecture, droit, et business. Dernier détail important : Techno India University, une des institutions sous l’ombrelle de Techno India, est la première université privée du Bengal Occidental, après l’université Visva-Bharati à Santiniketan fondée par le célèbre Rabindranath Tagore en 1921.

Que fais-tu exactement?

J’ai déménagé en Inde et rejoins Techno India il y a un an, après un master en Développement Durable et Innovation Sociale. Je souhaitais évidemment continuer à travailler sur ces problématiques dans ma vie professionnelle. Techno India m’a offert une opportunité parfaite entre le secteur de l’éducation, qui m’attirais depuis longtemps, et le développement durable, en m’accueillant en tant que “Sustainability Director”. A ce poste, je me suis donnée pour mission de multiplier les opportunités pour nos étudiants de découvrir, apprendre, et travailler sur les enjeux sociaux et environnementaux, portant en moi la forte croyance que le système éducatif ne fait que son boulot à moitié s’il n’inclut pas sérieusement ces sujets. Depuis l’année dernière, nous avons par exemple organisé une course de Plogging (course à pied et ramassage de déchets au passage !), un hackathon fondé sur l’innovation sociale, un festival d’une journée complète célébrant l’environnement au travers de programmes éducatifs et artistiques… L’enjeu de plus long terme sera de véritablement revoir les programmes dans chaque matière pour fondamentalement y inclure ces enjeux du XXIème siècle.

Tu développes aussi d’autres activités en parallèle, quelles sont-elles?

Ma vie professionnelle est dédiée à ses sujets à quasi plein temps. Mais effectivement je travaille au-delà du cadre de Techno India. En fait, assez rapidement, je me suis rendue compte qu’évidemment je ne pourrai pas faire la différence toute seule dans un groupe aussi grand, et dans un pays aussi grand. C’est pour cette raison que j’ai commencé à former un réseau d’organisations et de citoyens engagés sur les enjeux sociaux et environnementaux, pour créer une communication plus fluide entre les acteurs et renforcer la coopération. Nous avons nommé ce réseau Y-East, car il présente un focus géographique sur l’Est et le Nord-Est de l’Inde, souvent considérés comme plus négligés et moins développés que les autres coins du pays. C’est grâce à ces nombreux contacts formés de manière plus structurés que nous pouvons créer plus d’opportunités d’apprentissage pour les étudiants de Techno India et de la ville en général.

Plus largement, comment favoriser l’essor du développement durable en Inde ?

Vaste et complexe question ! Je commencerai par dire que l’Inde est déjà pleine de bonnes idées et d’initiatives (notamment celles qui tombent sous la catégorie de ‘jugaad’, ou innovation frugale), pleine de ressources, d’entrepreneurs sociaux inspirants, et de volonté pour prendre ces enjeux environnementaux par les cornes. Chaque jour, je suis impressionnée par cette quantité de belles initiatives, probablement beaucoup plus nombreuses que dans la plupart des autres pays. Je pense que le développement durable prendrait une plus grande ampleur si le secteur était mieux organisé, mieux structuré, de sorte que les organisations et citoyens sachent vers qui se tourner, à qui faire appel pour mettre en place des pratiques individuelles et organisationnelles plus responsables. La clé est aussi au niveau gouvernemental, où la volonté de changement n’est pas une priorité, et est en proie à la corruption endémique du sous-continent.

Et pour finir Pauline, quels sont tes futurs désirables ?  

Je ne crois pas en un monde où chacun deviendrait spécialiste et acteur du développement durable. Il faut de tout pour en faire un, dit-on. Ce qui est souhaitable, en revanche, c’est d’établir un état d’esprit qui donne une importance spontanée à ces enjeux, répandu au sein même de l’éducation et de la culture du pays, comme en fond d’écran. Des réflexes et des habitudes en sourdine qui incluent mécaniquement des pratiques respectueuses de l’environnement et des autres autour de soi. Je pense sincèrement que les valeurs et l’état d’esprit rattachés aux enjeux sociaux et environnementaux sont fondamentalement bons pour la société et les relations en son sein au sens large : empathie, respect, conscience de soi et des autres, altruisme, humilité… C’est la raison pour laquelle je me penche autant sur l’éducation et l’évolution des mentalités.

Pour aller plus loin

lire ou relire Gitanjali -L’offrande lyrique- de Rabindranath Tagore, prix Nobel indien de littérature

Arup Ghosh a créé la Tomorrow’s Foundation il y a près de 30 ans à Calcutta. Partenaire de la création d’ENGAGE India, il s’emploie aujourd’hui à créer des liens entre nos deux régions. 

You are the co-founder of the Tomorrow’s Foundation, partner of ENGAGE in India, could you tell us more about it?

I, along with my brother Swarup, created the Tomorrow’s Foundation about 29 years ago with the blessings of Mother Teresa.
The main objective being to cater to the needs of underprivileged children and youth in the field of education Livelihoods through a life cycle approach. The main pillars being education, child protection, disability and skills Livelihoods. Through this long journey we have impacted more than 35,000 children and youth.

What are the more pressing issues for India today?

As per the world Economic Forum Report by 2030, India is poised to become the third largest economy, which will represent both opportunities and challenges.
In coming decades, consumption growth and the Fourth Industrial Revolution will create tremendous opportunities in the emerging Indian market.
3 Pressing challenges are certainly ahead :
1. Skills development and employment for the future work force. As 10-12 million working age people will emerge in India over the next decade.
2. Socio economic inclusion of rural India.
3. Health and Sustainable future.
New health concerns, urban centres grappling with high rates of congestion air, water and waste pollution are undermining the well being of Indian citizens.
To sustain future growth, business and policy makers must address these challenges together to find solutions.
The country will urgently need young dynamic conscious leaders.

What do you think ENGAGE can favorise in India ?

Engage university founded in 2015 aims at empowering future leaders by developing their knowledge of the 21st century challenges and their mastering of the necessary soft skills.
Both private and public sectors have a major role in this upcoming evolution and need therefore to hire next generation conscious leaders. India really needs that.
Plus top of it India must quickly learn from the developed nations the various knowledge and skills to address their challenges.

Do you wish to create more links between India and Europe?

In order to have an inclusive world, I think the time has really come to share and build bridges between countries and continents.
Developed nations like Europe can share the best practices while emerging countries can share frugal innovations, etc.
India being one of the biggest democratic country in the world also has a great treasure of wisdom and knowledge on spirituality which must be shared.
The différent cliches which India still holds today must be broken so that she can encompass the other developed nations for mutual benefits at all levels.

You participated to the programmation of the Indian Festival. Tell me more…

Modern India is a great mix of old traditions plus new cutting edge technology, innovation, etc.
This festival will try to show the various facets of classical musics which varies from one state to another. Renowned artists will try to showcase this mosaic of different forms of art and culture.
It will try to create bridges to inspire more people in Europe and nourish their curiosity.
Live it and feel it …..

One world to describe our desirable futures ?

Samata sarvabhutesu etad muktasya laksanam 😉 …which means…
Equality in all beings, this is the sign of Freedom.

Namaste 🙏

Après avoir dirigé de nombreuses entreprises et ONG en France et en Asie, Xavier Bertrand est aujourd’hui coach en Leadership.  Passionné par le développement, l’entrepreneuriat social et l’impact, il se focalise sur l’émergence du leadership nécessaire à nos transitions et à l’accompagnement des leaders capables de faire naître un monde plus harmonieux
Il intervient notamment au sein du prochain programme ‘Développer des entreprises éthiques et inspirantes à l’ENGAGE University.

Après avoir exercé de nombreuses responsabilités managériales, à la tête d’entreprises ou d’ONG, comment définirais-tu ton métier aujourd’hui ?

Mon métier consiste à accompagner les transformations : individuelle, organisationnelle, et sociétale. Je suis coach, formateur, et thérapeute et j’aime relier ces trois types de transformation. 


Transformer nos organisations, c’est donc principalement nous transformer nous-mêmes ? Et transformer la façon dont nous nous relions, donc nous faisons communauté ? 

C’est ça oui. Tout part de l’intérieur, de soi, de l’instant, comment on est maintenant, dans le moment. Cultiver une présence à soi consciente permet d’être présent à ce moment, puis à l’autre, et au monde. C’est ce sur quoi je tente de porter mon attention et mon intention dans mon travail. J’aime accompagner cette émergence, pour permettre aux personnes et à leurs systèmes de grandir en conscience, pour devenir plus responsables, « engagés » au monde.

Les entreprises jouent-elle le jeu de la transformation? Comment faciliter le mouvement ? 

De la même façon, tout est relié au potentiel de conscience de leurs dirigeants ou acteurs. Chacun(e) dans l’organisation peut être leader. Encourager, sensibiliser, accompagner en co-créant cet espace de présence d’où tout peut émerger peut faciliter, mettre en  mouvement la co-opération, collaboration, co-création, en confiance. Les entreprises ont une âme lorsque leurs acteurs incarnent leur présence de manière consciente. Alors, elles peuvent se relier à une raison d’être, une mission, devenir engagées pour générer richesse et impact positif pour le monde.


Quels sont les penseurs qui t’influencent le plus aujourd’hui dans ton approche?

Plus que de penser le monde, je suis inspiré par les personnes qui s’y connectent pour le sentir, s’y relier, pas forcément uniquement par la pensée, mais aussi par toutes les formes de notre intelligence humaine.Ce sont des hommes et femmes qui agissent et m’inspirent autant par leur être, leur présence, que leur faire. La jeune génération inspirée et consciente d’entrepreneurs sociaux engagé(e)s dans le monde entier. Les femmes qui incarnent la force Yin de manière courageuse dans notre monde si Yang et nous accompagnent pour nous relier aux sagesses traditionnelles ou plus contemporaines. Parmi les penseurs investis dans la recherche-action, Otto Scharmer au MIT et les communautés qui s’organisent autour du Presencing Institute dans le monde.


Tu as vécu et travaillé en Inde, dans lequel ENGAGE se développe aujourd’hui, que pouvons-nous nous apporter mutuellement ?

Oui j’ai vécu en Inde plus de 16 ans en y étudiant, cherchant, travaillant comme diplomate, dirigeant d’entreprise, acteur engagé dans un trust, entrepreneur, dans plusieurs géographies du sous continent mais avec comme base Ahmedabad, Bombay puis Bangalore principalement. Je suis prêt à aider Engage à se développer en Europe et aussi en Inde via Tomorrow Foundation https://www.tomorrowsfoundation.org/ que j’accompagne depuis 2 ans, en co-créant ensemble des contenus, modes d’intervention, en reliant nos réseaux. 


Enfin, un dernier mot pour qualifier tes futurs désirables, tels que tu aimerais les voir éclore ? 

Je pense à un de mes films préférés, Contact, dans lequel Jodie Foster qui incarne une scientifique américaine travaillant sur le programme SETI de la NASA est interrogée par un jury américain pour être sélectionnée et partir dans une machine que les US viennent de construire à partir d’un plan reçu de l’espace, pour partir dans un voyage à travers le temps et l’espace… On lui demande : « si vous rencontriez ces extra-terrestres dont vous cherchez à prouver l’existence, et qui seraient liés à Vega, quelle question leur poseriez-vous? »…. Elle réfléchit un instant et dit : “comment avez vous fait pour évoluer ? comment avez vous survécu à votre adolescence technologique ? ». Cela m’amène à me concentrer non pas sur la technologie, qui est là, les solutions sont disponibles… mais sur l’émergence de la conscience nécessaire au niveau planétaire pour réussir nos transitions et réaliser notre plein potentiel en tant qu’humains. Donc c’est un futur dans lequel nous avons réussi à identifier et incarner de manière pleinement consciente ce qui nous rend humain.

Pour aller plus loin :

En quelques minutes | découvrir la U-theory d’Otto Scharmer

En 4 soirées | Suivre le programme Développer des entreprises éthiques et inspirantes de l’ENGAGE University

En plusieurs heures ou plusieurs jours | s’engager dans un Défi ENGAGE