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Valérie Brisac est directrice exécutive du Grand Défi des entreprises pour la planète. Après des expériences dans le marketing et le conseil, elle a choisi de se consacrer pleinement à la transition écologique. 

 

Bonjour Valérie, peux-tu te présenter ?

Je suis Valérie Brisac, directrice exécutive du Grand Défi. J’ai accédé à ce poste en décembre 2021 après avoir été bénévole pour le projet dès son lancement. Il y a deux ans, j’ai décidé de réorienter ma carrière pour me dédier à 100 % aux questions de transition et accompagner les entreprises à faire évoluer leur stratégie.

Dans ce cadre, je me suis inspirée, formée et renseignée sur tous les acteurs dans cette mouvance. J’ai découvert ENGAGE grâce aux différentes conférences et lives dont j’aimais l’approche originale et intellectuellement exigeante. Puis naturellement, j’ai vu l’appel lancé a de potentiels bénévoles pour le Grand Défi. Cela correspondait à 100 % à ce que je voulais faire, à mon « why ». Je suis intimement persuadée que l’entreprise peut être au service d’un projet sociétal qui dépasse purement le cadre des affaires classiques. Le projet du Grand Défi correspond à la vision que j’ai de l’entreprise et de ce qu’elle doit être demain.

 

Qu’est-ce que le Grand Défi ?

C’est une initiative innovante et originale qui a pour objectif de donner la parole aux entreprises pour qu’elles s’expriment elles-mêmes sur leur destin écologique. Le but étant qu’elles puissent identifier leurs besoins et tous les éléments endogènes et exogènes pour accélérer leur transition écologique. Par définition l’entreprise est le fruit d’une initiative privée, elle échappe donc souvent au débat démocratique organisé. Le Grand Défi leur donne la parole et se veut représentatif : nous veillons à avoir des entreprises de toutes tailles, de tous secteurs et dans toutes régions et à ne pas avoir de prismes quels qu’ils soient.

L’initiative vise aussi à catalyser les énergies qui existent déjà sur ces sujets. Nous souhaitons aussi mettre autour de la table les forces vives qui ont déjà une idée sur la question, je pense notamment à l’ADEME, WWF, C3D ou au mouvement Impact France, par exemple. Ils ont une vision et des actions et recommandations fortes sur ce sujet. Nous souhaitons donner de la puissance à leurs voix.

 

‘Le Grand Défi mobilise les entreprises et leur écosystème afin de créer un nouveau modèle de prospérité économique, humaniste et régénérative.’

 

Quelle est sa mission ?

Le Grand Défi mobilise les entreprises et leur écosystème afin de créer un nouveau modèle de prospérité économique, humaniste et régénérative. L’idée est de faire émerger un nouvel équilibre dans lequel l’entreprise garde une ambition économique tout en conciliant les impératifs environnementaux et sociaux.

 

Le processus s’appuie sur une démarche d’intelligence collective et écosystémique. En quoi cela consiste-t-il ?

L’intelligence collective est utilisée à plusieurs niveaux. Au cours de la Grande Consultation, qui est la première étape du Grand Défi, nous interrogeons tous nos partenaires sur les freins, besoins et propositions pour accélérer la transition. Le résultat de cette consultation qui rassemble des milliers de participation fera ressortir une première analyse approfondie, un état de l’art sur le sujet.

L’intelligence collective est également au cœur de la Grande Délibération, la seconde phase opérationnelle du processus. 150 représentants d’entreprises tirées au sort vont travailler en intelligence collective pour construire et faire émerger un socle de propositions, une trajectoire de transformation pour l’économie et l’entreprise.

Le Grand Défi est donc un processus démocratique appliqué à la sphère économique et à l’entreprise.

La dernière phase est, elle aussi, participative, puisque nous réunirons l’ensemble des partenaires et marraines pour choisir ensemble les mesures, les propositions que nous porterons aux décideurs économiques et politiques, un plaidoyer concret d’intérêt général, en quelque sorte. L’idée, comme vous l’aurez compris n’est pas de publier un livre blanc, mais de faire bouger massivement les lignes avec notre écosystème de partenaires.

 

‘Le collectif est plus fort qu’une somme d’intérêts, telle est notre conviction ! Nous croyons aussi à la vertu du débat.’

 

Pourquoi avoir choisi cette approche ?

On sort d’une époque très « top down » et l’on voit que ce modèle est en fin de course. On sent aussi qu’il y a une aspiration à ce que chacun contribue à un tout. La quête de sens est omniprésente. D’un point de vue politique, on sent un désengagement généralisé liée à une vraie perte de confiance dans les institutions. Donc le choix de l‘intelligence collective est, je trouve, une profonde marque de respect envers chacun. Chacun a sa vision, son expertise et sa voix compte. Le collectif est plus fort qu’une somme d’intérêts, telle est notre conviction ! Nous croyons aussi à la vertu du débat. Les acteurs que nous avons rassemblés sont tous différents, mais il y a une conviction, une ambition supérieure qui nous rapproche.

Il est, à nos yeux, fondamental de travailler ensemble pour faire levier face à l’urgence écologique.

Sans tomber dans la naïveté, je suis intimement convaincue que nous sommes dans une dynamique positive qui peut même apporter de la joie, celle de construire ensemble.

 

Pour toi le Grand Défi sera réussi si… ?

S’il arrive à créer une dynamique positive qui continue de vivre à la fin du processus. S’il arrive à créer des creusets de réflexion et d’actions au niveau des territoires, que chaque entreprise reprenne le flambeau, qu’elle ait les clés pour se transformer et se transformer. Le Grand Défi sera réussi s’il y a un avant et un après. J’aimerais constater des changements substantiels qui émergent à la suite de l’initiative. Et que cela accélère la transition.

 

Quels sont tes futurs désirables ?

Je suis très attachée à l’harmonie à la fois dans les communautés, la famille, le beau, la musique et les arts. C’est ce qui m’émeut au quotidien.

Dans mes futurs désirables, nous vivons dans une société post-consommation plus harmonieuse. Nous comprenons collectivement à dépasser l’ère de la consommation et de la possession. Nous vivons dans une société plus mature, moins adolescente et soumise à des diktats.  Et nous ralentissons pour revenir à une vie plus équilibrée.

Pour en savoir plus sur le Grand Défi : https://www.legranddefi.org/

Interview réalisée par Justine Villain

Benjamin Gratton a co-fondé plusieurs organisations dans l’univers de la communication avant de s’intéresser au change management et à l’intelligence collective. Il est aujourd’hui associé de La BoetiePartners et Up&Co. Passionné par l’innovation sociale, il intervient régulièrement chez ENGAGE au sein des Défis et des Programmes.

Pourquoi ce boom de l’intelligence collective aujourd’hui ?

J’aime bien ce mot « boom ». C’est celui qui me fait réagir. Je ne me rends pas vraiment compte du « boom » car je suis né dedans. Je le vois donc plus comme un flux, assez progressif mais qui, tu as raison, semble s’accélérer.
Dans le monde dans lequel nous vivons, j’y vois beaucoup de raisons. Nous faisons face à des défis plus nombreux et complexes. Il y a nos Grands Défis sociétaux bien sûr, mais aussi ceux de notre vie quotidienne ou professionnelle, pour lesquels nous devons inventer de nouvelles réponses… l’IC est un moyen puissant de trouver des solutions et surtout de créer l’engagement et la dynamique pour avancer et réaliser ensemble. C’est aussi un moyen de se regrouper, de se soutenir et de combattre une certaine solitude.

Qu’entendons-nous d’ailleurs par intelligence collective ?

Nous entendons beaucoup de choses ! Pour moi, c’est à la fois un outil lorsque j’anime des ateliers, un objectif quand je cherche à en créer, voire un état d’esprit quand je fais partie d’un groupe. Je parlerais même de spiritualité lorsque je considère mon appartenance à un tout.

Plus prosaïquement, c’est la capacité d’un groupe à élaborer et agir ensemble pour créer de la valeur. Mon travail consiste à développer les liens entre ces individus pour créer le plus de valeurs possibles, pour donner de la puissance au sens presque mathématique du terme. J’ai souvent l’image des réseaux neuronaux.

Dans quelles circonstances son utilisation est-elle souhaitable ?

J’aurais envie de dire tout le temps mais c’est trop ou approximatif. Je vais répondre à l’inverse en expliquant quand ce n’est pas utile à partir de la phrase « seul on va plus vite, ensemble on va plus loin ». Quand il faut aller vite, quand il faut prendre une décision forte dans un temps limité, quand le collectif n’a pas été entrainé à décider, à faire confiance à l’un des siens … alors ce n’est pas souhaitable.

Quelles sont ses limites?

Ce que je viens de dire précédemment y répond déjà. J’ajouterai que cela nécessite de la pratique et le respect de quelques lignes de conduite. Nous ne sommes malheureusement pas éduqués à ces modes de fonctionnement. Quelle est la part des travaux et apprentissages à l’école qui sont collectifs? 1% ou 2%? Il m’arrive souvent de rappeler quelques fondamentaux nécessaires et je vois le plaisir du collectif à s’en emparer et s’en servir pour mieux fonctionner ensemble.

Tu travailles beaucoup en animant des groupes, que penses-tu des plateformes d’intelligence collective?

Je viens un peu de ce monde là, j’ai développé des plateformes de discussion web dès les années 2000… Une plateforme est un outil et donc peut répondre à certains besoins. Dans une mission pour un travail de Vision d’une organisation, elles m’ont permis de mettre en discussion l’ensemble des collaborateurs. C’était extrêmement puissant au sein d’un dispositif plus complet.

Tu collabores avec ENGAGE en participant à des Défis, en animant des Conférences-Actions, des Programmes … pourquoi?

Je fais ma part, au sens du colibri, je participe à un tout, je sème des graines qui j’espère vont germer et petit à petit semer leurs propres graines pour faire évoluer notre monde et nous permettre de répondre aux Grands Défis de ce siècle.

Et enfin, quels sont tes futurs désirables ?

Je souris…
Être à une table avec des gens qui comptent pour moi, boire un verre avec eux, avoir de belles discussions nourrissantes, me sentir aimé et faire sentir aux personnes qui sont avec moi que je les aime aussi.