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Une seule santé, plusieurs bénéfices
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Selon l’Organisation mondiale de la santé, chaque année, 13 millions de décès sont dus à des causes environnementales évitables, telles que la pollution atmosphérique, la dégradation des sols, la perte de biodiversité ou la mauvaise gestion de l’eau purifiée. En effet, jusqu’à 25% des maladies dans le monde sont causées par une exposition à un environnement dégradé dans un contexte qui pourrait être évité. Par conséquent, les bouleversements environnementaux, la dégradation de la nature et la disparition de la biodiversité sont une menace de 1er ordre pour la santé humaine.

L’Organisation mondiale de la santé (OMS) estime que les facteurs environnementaux sont responsables de 23 % des décès et 25 % des pathologies chroniques dans le monde.

Ces chiffres donnent le vertige, tout comme les prévisions : entre 2030 et 2050, l’OMS s’attend à ce que le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité entraînent près de 250 000 décès supplémentaires par an, dus à la malnutrition, au paludisme, à des diarrhées, aux épisodes de forte chaleur… D’ici peu, la destruction des écosystèmes, la perte de biodiversité, le dérèglement climatique mais aussi la diminution de la qualité de l’air et de l’eau pourraient compter parmi les premières causes de morbidité dans le monde.

Santé et biodiversité, main dans la main

Aujourd’hui, les scientifiques inventent de nouveaux concepts pour faire le lien entre environnement et santé : une seule santé, santé planétaire, pleine santé … Cette nouvelle vision de la santé humaine se définit à trois niveaux :

  •  Au niveau individuel, en montrant la continuité entre la santé physiologique et psychologique. Cela permet de reconnaître notamment les bienfaits du contact avec la nature pour notre bien-être.
  • Au niveau sociétal, en reconnaissant la continuité entre la santé de l’individu et la santé du collectif. Nous dépendons tous des autres pour nous soigner, et plus largement pour notre bien-être. Par conséquent, la santé est avant tout coopérative.
  • Au niveau environnemental, en intégrant la continuité entre la santé des humains et la santé des non-humains. Notre santé dépend de la bonne santé des écosystèmes. Par conséquent, détruire la biodiversité, c’est menacer notre santé.

Comprendre et appréhender les liens entre les conséquences des activités humaines sur l’environnement et sur la santé des humains, des écosystèmes est un outil puissant de réflexion et d’amélioration de la santé, de l’équité et du bien-être de tous les humains et des écosystèmes.

Face à ce constat : la mise en action par les co-bénéfices

La lutte contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité représente une opportunité pour la santé et la pleine santé. En effet, les efforts d’atténuation du changement climatique et de restauration de la biodiversité aux niveaux individuel et collectif s’accompagnent souvent davantage substantiels pour la santé des individus et de la population en général. C’est ce qu’on appelle les co-bénéfices.

En d’autres termes, lutter contre le dérèglement climatique et l’effondrement de la biodiversité, c’est bénéfique pour la santé et protéger sa santé, c’est bénéfique pour le climat et la biodiversité.

La diminution de la qualité de l’air compte parmi les causes premières de morbidité dans le monde.

Au quotidien, quels changements ?

Avoir la capacité de s’alimenter correctement et adopter des modes de transports dits « actifs », c’est augmenter ses chances de vivre en bonne santé, de réduire le risque de maladies chroniques. Les effets en cascade peuvent suivre un schéma vertueux et l’urgence aujourd’hui est d’adopter des modes de vie plus soutenables. 

  • Le choix d’une alimentation moins carnée n’est pas négligeable. Les produits issus des animaux – viande rouge en tête – sont ceux qui sont à l’origine des émissions de gaz à effets de serre les plus importantes (méthane et protoxyde d’azote, deux gaz à effet de serre beaucoup plus puissants que le CO2), mais aussi de la déforestation des terres pour des cultures d’élevages intensifs, l’utilisation de pesticides pour les fourrages, la disparition des haies et des habitats sauvages, la pollution des eaux … La consommation individuelle est bien souvent supérieure aux recommandations de l’OMS, entraînant des pathologies comme l’obésité, des cancers ou des maladies cardiovasculaires. Des travaux scientifiques ont montré qu’en diminuant de 30% sa consommation de viande, on réduisait de 40% les émissions de gaz à effet de serre liées à son alimentation, et de près de 20% le risque d’obésité ou de développer ou d’aggraver les maladies cardiovasculaires. Limiter sa consommation de viande à deux ou trois fois par semaine est déjà significatif pour le climat, la biodiversité et la santé.

 

  • L’adoption de modes de transport dits « actifs » constitue une autre type de co-bénéfices pour la santé et l’environnement. Adopter des transports décarbonés ou faiblement carbonés a un impact sur la qualité de l’air, la diminution de la fragmentation des corridors écologiques et de l’artificialisation des sols. La mobilité active (vélo, marche…), pour les personnes ayant le recours régulier à ces moyens de déplacement pour de petits trajets, participe à la prévention de diverses pathologies. Nous pouvons citer 5 maladies chroniques pour lesquelles le bénéfice de la pratique du vélo est scientifiquement avéré : les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2, le cancer du sein ou du colon et la démence.

Les co-bénéfices pour la santé et l’environnement : choix d’une alimentation moins carnée et adoption de modes de transport dits « actifs ».

Une synergie pour un avenir meilleur

La question des co-bénéfices dépasse le cadre individuel. On est aujourd’hui en mesure de quantifier l’impact positif de l’adoption de comportements vertueux à l’échelle collective, cela concerne la prise en charge des dépenses de santé notamment. Il est estimé ainsi qu’un cas de diabète prévenu évite annuellement à la collectivité près de 36 000 euros de dépenses médicales. Par ailleurs, une étude a ainsi mis en évidence que la pratique hebdomadaire d’1h40 de vélo réduisait le risque de décès (toutes causes confondues) de 10 %.

Une équipe de chercheurs français a récemment cherché à évaluer les bénéfices pour la santé liés aux transports actifs dans un scénario de transition bas-carbone, ils ont pu mettre en évidence que les gains pour la santé de ce scénario pourraient être considérables, et ce dans un futur proche. Dès 2025, cette hausse des transports actifs se traduirait par environ 3 000 décès évités annuellement. Sur le plus long terme, à l’horizon 2050, cela représenterait près de 40 milliards d’euros de bénéfices cumulés.

Ainsi, tout l’intérêt de ces mesures, c’est qu’elles vont se traduire à court terme et être perceptibles rapidement pour la santé humaine et la biodiversité, tandis qu’il faudra des centaines d’années pour que les bénéfices pour le climat soient perceptibles.

 

Pour aller plus loin :

Pour en savoir plus :

– Suivre notre Atelier MISSION Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
– Suivre notre MOOC Biodiversité : https://lnkd.in/eTXq7iUE
– Participer à notre formation Action Biodiversité : https://lnkd.in/e93iX_WZ

Le rôle du micronecton dans la pompe biologique
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Les micronectons sont de petits organismes vivants présents dans les océans et qui jouent un rôle crucial dans la pompe biologique, essentielle pour réguler le climat de la Terre en transférant le carbone et en absorbant le surplus de CO2 anthropique causé par les activités humaines. Malgré leur découverte à la fin du XIXème siècle, le rôle essentiel du micronecton dans la pompe biologique, moins étudié que le phytoplancton et le microplancton, reste relativement méconnu du fait des difficultés d’observation et de la disponibilité des données scientifiques. Nous avons mené l’enquête !

C’est quoi le micronecton exactement ?

Le micronecton est une espèce marine composée de petits organismes vivants mesurant entre 2 et 20 centimètres, tels que des poissons, mollusques, crustacés, céphalopodes et organismes gélatineux qui interagissent ensemble.

Dessins schématiques de différentes espèces de micronectons : poissons, crustacés, céphalopodes.

Le micronecton se situe au niveau intermédiaire de la chaîne trophique océanique, autrement appelé chaîne alimentaire. En effet, le phytoplancton est consommé par le zooplancton lui-même consommé par le micronecton. Cette espèce joue un rôle central dans le fonctionnement de la chaîne alimentaire en assurant le transfert d’énergie du plancton vers les prédateurs supérieurs.

Le terme micronecton trouve son origine dans un nom composé. Le terme « micro- » fait référence à la taille de l’espèce marine étudiée et « -necton » au fait qu’elle est capable de nager, contrairement au plancton qui dérive au gré des courants marins.

La migration verticale : cette spécificité du micronecton

L’originalité du micronecton, organisme vivant capable de nager indépendamment du courant, réside dans sa capacité à migrer, migrations verticales qui jouent un rôle fondamental dans la pompe à carbone biologique au sein de son cycle et de sa séquestration.

Comment se déroulent les migrations verticales quotidiennes ?

  • Le jour, les micronectons descendent profondément dans les couches inférieures de l’océan. Cette migration verticale diurne est un processus principalement influencé par la lumière, la température, la nourriture et les prédateurs.
  • La nuit, les micronectons remontent à la surface de l’océan et se nourrissent de zooplanctons. A l’aube, le micronecton migre à nouveau en profondeur dans les couches inférieures de l’océan.

Diagramme montrant la migration verticale quotidienne des micronectons.

Il est important de souligner que cette migration quotidienne du micronecton est la plus grande migration existant sur la planète Terre en termes de biomasse.

Ce processus a une triple importante : à la fois pour la survie et la reproduction des organismes planctoniques, pour le fonctionnement des écosystèmes marins et pour la régulation du climat.

La pompe biologique du carbone : le rôle du micronecton

Le micronecton stocke le carbone en profondeur dans les océans et contribue à la pompe biologique du carbone. La pompe biologique du carbone est une série de processus biologiques conduisant à transporter le carbone de la zone de surface vers les fonds marins. Cette migration quotidienne des micronectons contribue à transférer le CO2 atmosphérique anthropique, en injectant le carbone, dans la couche profonde de l’océan.

Chaque jour, au crépuscule, le micronecton remonte à la surface et se nourrit de zooplancton. Lorsqu’ils plongent à l’aube, les micronectons traversent la thermocline : la zone de transition entre les couches superficielles chaudes et oxygénées de l’océan, et les couches salées de l’océan. En plongeant dans les couches océaniques profondes (sous la thermocline), le micronecton transporte du CO2 contenu dans le zooplancton ingéré. Par ailleurs, la matière fécale des micronectons libérées dans les couches profondes de l’océan stocke le CO2. Enfin, à la mort de ces organismes, leurs carapaces plongent au fond des océans et contribuent encore une fois au stockage du carbone de manière durable.

Un zooplancton qui constitue la nourriture recherchée par les micronectons pendant la nuit à la surface des océans.

Quelles menaces pour le micronecton ?

La séquestration du carbone dans l’océan diminue en raison de l’acidification, du chalutage et de l’augmentation des températures. Le micronecton est menacé alors même que les migrations verticales qu’il génère sont responsables de l’atténuation du dérèglement climatique.

Par ailleurs, le micronecton est mangé par divers prédateurs tels que le thon et les oiseaux de mer pour lesquels il constitue une nourriture essentielle à l’équilibre de la chaîne trophique.

Dans l’Antarctique, le krill, petit crustacé de la famille des zooplanctons, voit son existence menacée par le dérèglement climatique et subit les conséquences de la fonte des glaces. Ses larves dépendent de la présence de la banquise qui est un abri pour le phytoplancton, nourriture essentielle de l’espèce. Or, le dérèglement climatique et la fonte des glaces en Antarctique affaiblissent les quantités de nourriture disponibles et donc les populations de krill.

Les micronectons, otaries, albatros et baleines, qui se nourrissent du krill, sont ainsi menacés par la diminution des populations de krill ayant un impact direct sur toute la chaîne alimentaire.

Enfin, le phytoplancton, premier maillon de la chaîne alimentaire qui absorbe le dioxyde de carbone pour créer de l’oxygène essentiel à la vie humaine sur Terre est lui aussi menacé. L’augmentation de la température et le phénomène d’acidification des océans entravent la calcification des squelettes de ces organismes marins.

La disparition des populations de micronecton pourrait avoir d’importantes conséquences sociales et économiques à l’échelle mondiale sur les zones de pêches ou le tourisme mondial par exemple.

Pour aller plus loin :

Pour en savoir plus :

– Suivre notre Atelier MISSION Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
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Captures accidentelles de dauphins, un signal pour une pêche durable
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Le 20 février 2024 a sonné la réouverture de la pêche dans le Golfe de Gascogne. Dans cette zone allant du Finistère au Pays Basque, toutes les embarcations de plus de 8 mètres et certaines techniques de pêche ont été suspendues, pendant 1 mois, dans l’objectif de préserver les populations de dauphins des captures accidentelles et de leur permettre de se reproduire. Cette interdiction a, à la fois, agité le secteur économique et a reçu de vives critiques, mais questionne également sur l’état de nos océans et sur la durabilité de la filière face à l’effondrement de la biodiversité.  

Au fur et à mesure, l’océan se vide

La pêche est la première source de destruction des écosystèmes marins.

Entre 1950 et 1990 les stocks ont massivement diminué et la pression de pêche a augmenté si bien qu’à la fin des années 1990, 90% des populations de poissons évaluées dans l’Atlantique Nord-Est étaient surexploitées.

Face à cet effondrement de la biodiversité marine, la réaction de la filière a été de pêcher plus loin, plus profond et avec des méthodes de plus en plus performantes, mais qui, en parallèle, épuisent les écosystèmes.

Navires de pêche hauturière avec leurs filets à quai

Cependant, cette filière est dans une impasse. Les quantités de poissons pêchés diminuent du fait de la surexploitation des espèces et de la capture des juvéniles. L’océan a atteint les limites de ce qu’il peut nous offrir.

C’est dans ce contexte global, et après des tentatives infructueuses de caméras embarquées sur les navires et de moyens de dissuasion pour éviter la capture des dauphins, que l’interdiction a été décidée.

La flotte de pêche française est diverse, alliant pêche côtière, pêche hauturière et pêche industrielle. Cependant, une technique de pêche fait l’objet de tous les regards : le chalutage. Le chalutage pélagique, non-sélectif, est décrié pour les captures accidentelles de dauphins et le chalutage de fond pour la destruction des habitats marins qu’il engendre.

En effet, 84% des débarquements issus de ressources surexploitées proviennent des grands chaluts et sennes, plus de 1 juvéniles sur 2 péché est capturé par un grand chalut ou une grande senne et 90% de l’abrasion des fonds est causé par les grands chaluts et sennes de fond.

Quels bienfaits, de cette interdiction, pour la biodiversité ?

Même si l’interdiction ne dure qu’un mois, c’est un premier pas qui a été fait en direction de la biodiversité marine. Cette interdiction, qui se renouvellera à la même période en 2025 et 2026, permet de mettre en lumière une menace concrète sur les cétacés du golfe tels que le dauphin commun ou le marsouin, menacés de disparaître, mais plus largement sur l’état des océans.

Il faut rappeler que cette mesure fait suite à une hausse des captures et échouages de dauphins sur les côtes françaises. Selon l’observatoire français Pelagis, 90% des dauphins retrouvés morts sur les côtes françaises ont été victimes des filets de pêche pendant l’hiver 2022-2023.

Filets de pêche qui conduisent à la capture accidentelle des dauphins

Par conséquent, cette mesure mise en place en 2024 doit, à court terme, permettre aux dauphins de se reproduire, aux juvéniles de grandir et octroie à tout l’écosystème un moment de répit.

Sur le temps long, nous sommes tous dépendants des océans et de la biodiversité qu’ils préservent. Il existe des  contributions matérielles (matières premières, ressources médicinales, d’élevage…), des contributions non–matérielles (sources d’inspiration et d’apprentissage dans l’art, la littérature, la musique, la cuisine, le tourisme…), et des contributions régulatrices (oxygénation de l’atmosphère, régulation du climat et du cycle de l’eau…) de l’océan et de ses ressources.

La pêche durable et l’adaptation de la filière

Au vu des enjeux actuels, il est nécessaire de transformer la filière pour tendre vers une pêche durable. L’un des premiers axes de transformation est le “déchalutage” du secteur économique. Cette méthode, employée largement par la pêche industrielle, ne permet pas, à long terme, de penser une gestion durable des ressources.

En parallèle, un investissement dans le secteur de la pêche côtière doit d’être encouragé. Comme le montre l’étude menée par l’association BLOOM, la pêche côtière combine les points positifs : faible impact sur les fonds marins et les émissions de gaz à effet de serre, absence de dépendance aux subventions publiques, création d’emplois et de valeur.

La transition du secteur doit permettre de conserver son segment le plus vertueux et durable : la petite pêche côtière, soit plus de 70% des navires, dont le déclin est aujourd’hui tel qu’on peut parler d’une menace de disparition !

Navire de la flotte côtière.

Même si la pêche côtière est la solution actuelle la plus viable, durable et vertueuse, celle-ci doit également évoluer et progresser sur le sujet des captures accidentelles de dauphins ou d’oiseaux.

Transiter vers une pêche durable, c’est ce que l’on peut appeler la « pêchécologie ». Cette pêche minimise les impacts sur le climat et le vivant tout en contribuant à la souveraineté alimentaire européenne, en maximisant les emplois et en offrant des perspectives socio-économiques et humaines dignes.

La restriction de pêche dans le Golfe de Gascogne est gagnante-gagnante, pour les pêcheurs, les dauphins, le climat, et illustre le principe de co-bénéfices. Préserver les dauphins aujourd’hui doit permettre aux pêcheurs de pratiquer leur activité demain et contribue à la régulation du climat.

 

Pour en savoir plus :

Pour aller plus loin :

– Suivre notre atelier Mission Biodiversité : https://lnkd.in/eJb2zJ35
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