Le trafic illégal d’espèces sauvages est considéré comme un des trafics les plus lucratifs au monde, après le trafic de drogues et le trafic d’armes. Représentant entre 7 et 23 milliards de dollars par an, il est présent sur tous les continents et participe directement à l’exploitation massive des ressources qui est une des causes majeures de l’érosion de la biodiversité.

Ce phénomène planétaire représente également un danger pour nous, les Hommes comme l’a rappelé en novembre dernier, Frans Timmermans, le vice-président de la Commission européenne :

« Le trafic d’espèces sauvages relève de la grande criminalité organisée et constitue une menace directe et croissante pour la biodiversité, la sécurité mondiale et l’Etat de droit ». 

L’ampleur de ce trafic est donc gigantesque. En effet, d’après l’ONG IFAW, 7 000 espèces animales et végétales sont victimes du trafic dans le monde et 1 000 écogardes ont déjà péri dans l’exercice de leurs fonctions. Certaines espèces sont particulièrement menacées. Elles peuvent être emblématiques comme les éléphants où 100 individus sont abattus, chaque jour, par des braconniers, soit 1 toutes les 15 minutes, mais peuvent également être moins connues du grand public, mais tout autant indispensables à leurs écosystèmes. Les Saïgas par exemple, une antilope située entre l’Europe de l’Est et l’Asie, est désormais en danger. Pourtant chassée pendant des centaines d’années, c’est depuis l’effondrement de l’Union Soviétique que son nombre a chuté de plus de 95% en raison du trafic illégal, d’après Interpol

Utilisés à des fins pharmaceutiques, décoratives, ornementales, récréatives, domestiques ou de médecine traditionnelle, les raisons de la demande qui alimente ce trafic sont nombreuses. Les revenus qu’il peut générer sont également énormes, principalement pour les trafiquants qui se trouvent à la tête des réseaux. En effet, les braconniers qui capturent ou tuent les espèces sauvages, sont ceux qui gagnent le moins d’argent sur le prix de vente du produit final. D’après Interpol : 

“Un braconnier peut vendre un chimpanzé à un prix compris entre 50 et 100 dollars,  alors que l’intermédiaire peut le revendre moyennant une marge allant jusqu’à 400 %.”

Ces trafiquants en tête de réseaux sont des acteurs notoires du crime organisé et utilisent souvent le trafic illégal d’espèces sauvages pour financer d’autres crimes. C’est le cas notamment de certaines milices ou groupes armés non-étatiques qui financent leurs actions via ce biais, profitant d’une situation de conflit dans un pays. 

Pour lutter contre ces activités illégales et contrôler le cadre de la vente légale d’espèces sauvages afin qu’elles ne menacent pas leurs survies, la convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d’extinction (CITES) internationale a été signée en 1973. Grâce à une catégorisation, faite selon le degré de menace pesant sur l’espèce et la délivrance de permis y correspondant, les États tentent de réguler les flux commerciaux autour des espèces sauvages et ainsi de lutter contre le trafic illégal. 

Cependant, des actions complémentaires doivent être prises au niveau régional ou national afin d’agir à toutes les échelles. L’Union européenne, plaque tournante de ce trafic, a adopté un plan d’action en novembre dernier visant à lutter contre ce phénomène. Quatre axes principaux ont été définis : 

  • Prévenir le trafic d’espèces sauvages et s’attaquer à ses causes profondes
  • Renforcer le cadre juridique et politique de lutte contre le trafic d’espèces sauvages
  • Faire appliquer la réglementation et les politiques afin de lutter de manière efficace contre le trafic d’espèces sauvages
  • Renforcer le partenariat mondial entre les pays d’origine, les pays consommateurs et les pays de transit contre le trafic d’espèces sauvages

Nombreux sont les acteurs qui ont un rôle à jouer dans cette lutte, qui s’avère colossale. 

 

Sources de l’article :

  • La France, plaque tournante du trafic d’espèces sauvages – Le Monde
  • La CITES en bref – CITES
  • Biodiversité: renforcement des mesures de lutte contre le trafic d’espèces sauvages – Commission européenne
  • The Environmental Crime Crisis – Interpol, UNEP
  • Wildlife Crime Initiative – WWF
  • Criminalité liée aux espèces sauvages – IFAW

On me demande souvent pourquoi la transition ou, pour être plus ambitieux, la bascule vers une société écologique ne se fait pas plus rapidement. Difficile de répondre simplement, bien évidemment, tant les raisons sont multiples et les racines  du blocage, systémiques.

Constatons d’abord, pour garder un brin d’optimisme, que la transition, pour lente qu’elle soit, a tout de même tendance à s’accélérer. Lorsque nous étions considérés comme des empêcheurs de manager en rond il y a quelques années, nous sommes aujourd’hui parfois appelés à la rescousse. Nous sommes encore loin de la médecine préventive, convenons-en, mais une certaine dynamique se fait sentir.

Pendant des années, ce cercle a été grippé, chacun se renvoyant les responsabilités ou pour le dire plus prosaïquement, la patate chaude.

Pour expliquer le phénomène plus en profondeur et comprendre notre situation de blocage, le concept très didactique du triangle de l’inaction semble approprié.
Il part du principe que la société évolue lorsque les citoyens, le monde économique et la sphère politique alimentent un cercle vertueux. Or, pendant des années, ce cercle a été grippé, chacun se renvoyant les responsabilités ou pour le dire plus prosaïquement, la patate chaude.

Pourquoi ? Parce que les citoyens, mal aidés par les médias et les lobbys en tous genres, n’étaient pas suffisamment informés et donc conscients des phénomènes à venir, à savoir le dérèglement climatique et la chute de la biodiversité, pourtant excessivement documentés depuis des dizaines d’années.

Est-ce leur faute ? Probablement pas.
Face à cette société civile peu conscientisée, les politiques n’avaient aucune raison ‘politicienne’ de s’occuper du sujet. La pression populaire n’allait pas dans ce sens et les élections n’étaient en rien menacées par leur absence de courage politique, bien au contraire. Les Henri Dumont et autres écologistes avaient beau se remuer et agiter le chiffon rouge, rien, ou presque ne se passait. Constatons aussi que leur niveau de connaissances des enjeux était, lui aussi, très faible. Pour résumer, les politiques disaient et disent encore parfois, je ne peux rien faire, la société civile n’est pas prête.
Hop, je renvoie la patate, de plus en plus chaude, sur le citoyen…

Par construction, la pression mise par les politiques sur le monde économique était donc, elle aussi, nécessairement limitée. Et, par effet miroir, les entreprises, peu conscientes et insuffisamment à l’écoute des risques que ces crises faisaient peser sur leur activité, et pas volontaristes pour un sou, n’avaient elles-mêmes peu de motivations pour demander aux politiques d’agir. Elles ne ressentaient aucune pression en interne de leurs salariés-citoyens, nous l’avons déjà mentionné et se contentaient de politiques RSE timides et suivistes.
Pour résumer, les décideurs économiques disaient de leur côté: que voulez-vous que nous fassions si le consommateur n’est pas prêt…Hum, et la politique de l’offre ?
Hop, je renvoie la patate chaude qui devient brûlante à mesure que la planète se réchauffe, sur les citoyens…

Voilà, vous l’aurez compris, la mise en mouvement de la société était bloquée, les responsabilités ‘habilement’ et réciproquement renvoyées, c’est ce qu’on appelle le triangle de l’inaction. Malin, aujourd’hui, la patate nous brûle les doigts…

Alors, doit-on perdre espoir ? La machine est-elle définitivement grippée et notre monde condamné aux 4° ?
Disons qu’il va falloir mettre beaucoup d’huile dans les rouages pour qu’ils se mettent à tourner dans le bon sens, mais que rien n’est perdu si l’on agit vite.

Passer à une dynamique de mise en mouvement, que nous pouvons nommer le vortex de la régénération.

Disons aussi, que dans un contexte de prise de conscience généralisée, en tout cas en France, en Europe et dans certaines régions ‘en avance’ sur le sujet, il semble que les choses se mettent ou pourraient se mettre, à changer.
Pourquoi, car les citoyens, conscientisés, alertés et inquiets, pourraient faire pression sur les politiques d’une part et sur leurs entreprises d’autre part pour qu’ils bougent (cf. le phénomène de grande démission des jeunes générations qui quittent de plus en plus les entreprises accusées de cynisme et d’inaction environnementale) ; les politiques seraient dès lors poussés à réglementer plus vite, contraignant ou incitant les entreprises à agir ; les entreprises, par devoir de bonne gestion et de plus en plus conscientes des risques, pourraient elles-mêmes demander aux politiques un cadre plus clair et plus juste pour planifier leur transformation.

Pour trouver une formule et par soucis de clarté, nous passerions alors d’une situation de blocage, le triangle de l’inaction, à une dynamique de mise en mouvement, que nous pouvons nommer le vortex de la régénération.

 

Voilà ce à quoi nous devons tous œuvrer et ce pourquoi toutes les formes d’actions sont souhaitables et se complètent.
Faire pression sur les médias pour qu’ils alertent toujours plus et accélèrent encore d’avantage la prise de conscience citoyenne. Favoriser la mobilisation de la société civile, des consomacteurs et salariés-citoyens, pour qu’ils pèsent de plus en plus sur les décideurs économiques, au sein de leurs organisations et sur les décideurs politiques à toutes les échelles territoriales.
Faire pression sur les politiques pour qu’ils aient le courage de réglementer à la hauteur des enjeux, sans faire trop de pauses… Cela pourrait aider les entreprises, responsables de 75% des dérèglements actuels à comprendre que leurs intérêts et l’intérêt général ne font désormais plus qu’un, car un monde à +4° ne sera pas très bon pour leur business, comme ils disent…
Mais cette question fondamentale de la convergence des intérêts fera l’objet d’un prochain article.

Jérôme Cohen
Fondateur ENGAGE

La Data peut-elle se mettre au service de la transformation environnementale et sociale ? Le point avec Lou Welgryn, Head of Product chez Carbon 4 Finance, et co-Présidente de l’association Data for Good.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Lou Welgryn, j’ai 28 ans, et je suis Head of Product chez Carbon 4 Finance, et co-Présidente de l’association Data for Good.

Data for Good, c’est une communauté de 4000 experts de la tech. Ce sont des bénévoles qui donnent de leur temps pour accompagner les projets à impact sociaux et environnementaux qui n’ont pas forcément les ressources nécessaires en interne. Pour cela, nous créons des équipes de bénévoles qui vont donner du temps pendant 3 mois pour aider des associations qui servent l’intérêt général.

Et quelle serait votre définition de “data for good” ?

Il s’agit d’en permanence se poser la question de la finalité de l’usage de la donnée, et pas seulement de voir la donnée comme un moyen. Aujourd’hui, la donnée est un outil au service d’un produit ou d’un service que l’on vend. Donc lorsqu’on veut utiliser de la donnée “for good”, la première chose à faire est de se demander si le service ou le produit que l’on vend est compatible avec un monde bas carbone et en harmonie avec le vivant. Si la réponse est oui, alors on peut commencer à regarder comment l’utiliser.

Pour donner un exemple un peu plus concret, utiliser de la donnée pour réduire son impact quand on vend de la publicité vidéo en ligne n’a pas vraiment de sens, puisque la finalité du produit vendu n’est pas du tout alignée avec un monde bas carbone.

Enfin, chez Data for good, nous mettons un point d’honneur à ce que la donnée et le code produit soit open source, pour servir l’intérêt général et pour pouvoir être réutilisé par d’autres personnes qui auraient des problématiques similaires. C’est vraiment une démarche de construction de communs numériques.

Vous êtes par ailleurs “Carbon Data Analyst” chez Carbon 4 Finance, à quoi cela correspond-il ?

Chez Carbon 4 Finance, nous travaillons avec les investisseurs et les aidons à identifier les entreprises qui intègrent au mieux les enjeux environnementaux. Pour cela, nous développons des méthodologies sectorielles qui nous permettent de comprendre les impacts directs et indirects des entreprises.

Il s’agit vraiment de remettre la physique au cœur de l’économie, et de recalculer les impacts réels et les dépendances qu’ont les entreprises aux énergies fossiles, en évaluant à la fois leurs performances passées, présentes et futures. Cela laisse à appréhender leur compréhension des enjeux, la façon dont elles les intègrent dans leurs stratégies mais aussi de savoir si elles s’engagent réellement dans la transition. Grâce à cela, nous obtenons une sorte de bilan carbone simplifié, à partir des données publiques rapportées par l’entreprise, pour être capable d’identifier les meilleures au sein de chaque secteur. Nous utilisons également la note pour comparer les entreprises entre elles.

Data for good rejoint, d’une certaine façon la promesse initiale du web, aujourd’hui considérée comme dévoyée. En quoi la data peut-elle contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique ?

Il s’agit donner les bonnes informations aux gens pour leur permettre d’agir. La technologie est un outil important certes, mais qui n’est pas essentiel dans le combat. Une fois que l’on a identifié les besoins qui sont les nôtres pour vivre dans un monde bas carbone et en harmonie avec le vivant et pour réussir à s’y adapter, alors à ce moment on peut utiliser les données pour décupler son impact.

Par exemple, chez Data for good, nous avons développé l’éco-score avec Open Food Facts, qui permet aux consommateurs de comprendre l’empreinte carbone de leur alimentation. Savoir que 1kg de bœuf génère 30kg de CO2 contre 700g pour 1kg de tomates peut permettre d’éclairer le choix des consommateurs, de faire prendre conscience aux industriels de ces changements de modes de consommation et les faire bouger.

Qu’en est-il pour les autres limites planétaires, comme l’effondrement du vivant par exemple ?

Je peux citer un autre exemple. Le projet Pyronear a pour objectif d’aider les pompiers à détecter les départs de feux. Concrètement, il s’agit d’un micro dispositif apposé sur une tour de guet, qui permet grâce à un algorithme de deep learning en open source, de traiter en instantané les images pour alerter les pompiers en cas d’incendie. Ici encore, la donnée permet d’avoir les bons ordres de grandeur pour prendre des décisions. Malgré les croyances, ce n’est pas la donnée en elle-même qui va nous aider à résoudre la crise climatique.

Et justement, quels seront les futurs métiers et donc les compétences et connaissances requises pour travailler dans la “data for good” ?

Il n’y a pas besoin d’avoir fait une école d’ingénieur ou des maths pendant 10 ans pour travailler dans le monde de la donnée. D’ailleurs, nous manipulons tous de la donnée, tout le temps. Cela peut être très intéressant d’avoir des profils différents, avec une diversité de regards. Il y a forcément des compétences techniques, puisqu’il faut apprendre à coder un petit peu, mais c’est finalement très réalisable si on accède aux bonnes formations en ligne.

Je pense qu’une autre compétence fondamentale, c’est la capacité de réflexion et d’interrogation sur les données manipulées. Il faut toujours se poser des questions sur la façon dont nous obtenons les chiffres, sur leur origine, sur les biais existants, car en fait, pour avoir un chiffre, on part toujours d’une hypothèse de départ. Au final, ne pas prendre les chiffres comme des vérités absolues, mais être capable de les nuancer et d’avoir cette envie de les comprendre.

Enfin, il faut aussi dire que la data est un monde encore très masculin, c’est donc très important en tant que femme d’oser ne pas se mettre de barrière. Ce sont des choses que j’ai moi même beaucoup vécues. Si c’est quelque chose que vous voulez faire, osez aller vers ces métiers !

Mais finalement, quand on sait l’énergie consommée par les data centers, la data peut-elle vraiment être “for good” ?

Il y a un vrai sujet. Les data centers représentent 25% de la consommation énergétique du numérique vs 45% pour la fabrication des terminaux.

En revanche, ce que l’on constate dans les faits, c’est qu’à chaque fois que l’on a inventé une technologie que l’on pensait plus efficace énergétiquement, on a fini par intensifier son usage. Si l’on prend l’exemple de la 5G, qui promettait d’être 10 fois plus efficace énergétiquement que la 4G, partout où elle est déployée, on explose le volume de données transférées. C’est donc une question d’effet rebond, propre à la technologie en général.

Prenons l’exemple de Chat GPT, 0,1% de l’usage est intéressant pour le climat (Climate Q&A par exemple) quand le reste sert à définir la façon dont on peut vendre encore plus de biens peu utiles pour notre bien-être.

L’autre sujet, c’est aussi que la manière dont on conçoit les outils et la technologie qui collecte les données peut nous enfermer dans un mode de pensée. Par exemple, les réseaux sociaux sont des outils pensés pour capter l’attention qui, de fait, favorisent notre consommation.  Il faudrait designer ces réseaux sociaux pour qu’ils favorisent un usage sobre. On en est loin.

Et enfin, Lou, quels seraient vos futurs désirables ?

Je pense à un monde ou c’est cool et stylé de mieux connaître le chant des oiseaux plutôt qu’un logo sur une image.

Mon futur souhaitable est bien défini par Timothée Parrique, c’est un futur où il y a “moins de biens et plus de liens”. Laissons nous le temps de vivre, parce qu’il s’agit bien de la ressource la plus précieuse, et réfléchissons à comment nous l’utilisons : en faisant des choses qui comptent ou en se tuant à gagner de l’argent pour un travail où l’on produit encore plus de choses inutiles ?

J’ai bien conscience que je parle en étant privilégiée, avec un travail qui me passionne. Donc un monde désirable, c’est aussi un monde où tout le monde a le choix de pouvoir faire un travail utile, qui fait sens.

Les différents éléments de la biodiversité sont notamment liés entre eux à travers la chaîne alimentaire : chaque être vivant mange celui qui le précède. Si certains organismes n’ont pas la chance d’être à la tête de la chaîne alimentaire en tant qu’espèce prédatrice, détritivore ou composteur, ils doivent alors trouver des moyens d’adaptation pour survivre. Focus sur le camouflage.

Au fil du temps et de la mutation génétique nourrie par la sélection naturelle, certains animaux ont mis en place des moyens de défenses subtils et adaptés : le camouflage et le mimétisme.

Mais ces techniques ne servent pas uniquement contre les prédateurs, en effet, les différentes espèces peuvent également s’en servir afin de tromper leurs proies. 

Le camouflage est une méthode de dissimulation qui permet à des êtres vivants de se fondre dans leur environnement. Différentes techniques peuvent être utilisées afin de passer inaperçu. 

Une des premières catégories de camouflage est l’homochromie : l’animal s’adapte aux couleurs de l’environnement qui l’entoure. Cette adaptation peut se faire de différentes manières. L’animal peut naître directement avec la couleur qui correspond à son environnement, mais dans d’autres cas, sa couleur peut varier en fonction de la saison ou encore de son milieu. 

Certaines espèces utilisent également les couleurs disruptives, c’est-à-dire qu’elles sont très contrastées. Cela leur permet de rendre troubles les contours de leurs corps et de mieux se confondre avec les éléments qui l’entourent. Les couleurs ne sont pas forcément unies, en effet, des tâches, rayures ou autres formes peuvent faire partie de ce phénomène d’adaptation. Les fameux guépards, bénéficient grâce à leurs fourrures tachetées, d’un avantage de dissimulation pour mieux surprendre leurs proies. 

Dans la même lignée, certains motifs très présents peuvent servir à distraire d’autres espèces, notamment des prédateurs ou des proies, afin d’avoir une longueur d’avance dans toutes les situations. 

Une deuxième technique développée par certaines espèces est l’homotypie. Cela consiste également à accorder sa couleur à son environnement, mais également sa forme. Les principales espèces concernées par cette méthode sont des insectes qui se fondent notamment dans des éléments de plantes ou d’arbres. C’est notamment le cas du Papillon-feuille, qui comme son nom l’indique prend la forme et la couleur d’une feuille d’arbre afin de se camoufler efficacement. 

Une troisième technique de camouflage est le mimétisme. Ici, le bluff est poussé à son paroxysme. En effet, l’animal va essayer de ressembler à une autre espèce, souvent plus dangereuse ou menaçante, afin d’échapper à ses prédateurs. Certaines espèces nocives ou venimeuses s’imitent même entre elles via des couleurs vives sur leurs corps, ainsi elles bénéficient d’une protection mutuelle car elles sont souvent confondues. 

Tous ces mécanismes de défenses ou de prédations qui ont été adoptées par certaines espèces, bénéficient directement à leur survie dans la nature. La sélection naturelle qui consiste à sélectionner certains individus en fonction de leurs caractéristiques, est le phénomène qui permet de développer ces techniques de camouflage pour les rendre communes à nombre d’individus d’une espèce présente dans un certain milieu.

  • Vous voulez creuser la thématique et mieux comprendre la biodiversité ? Participez à notre atelier Mission Biodiversité

Sources de l’article :

  • Les animaux apprennent-ils à se camoufler ? – Ça m’intéresse
  • Les animaux jouent à cache-cache : l’art du camouflage – Noé
  • Camouflage et mimétisme chez les animaux – Instinct Animal
  • Qu’est ce que la sélection naturelle – Géo

Cette semaine, rencontre avec Sébastien Maire, délégué général de France Ville Durable, partenaire du Grand Défi. Avec lui, nous faisons le point sur le rôle essentiel des territoires dans la transformation écologique et sociale. 

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Sébastien Maire, le délégué général de l’association France Ville Durable. Une association d’intérêt général qui réunit des parties prenantes professionnelles de la ville durable. 

C’est un mouvement assez unique au niveau national, grâce à ses quatre collèges d’acteurs professionnels : l’État, les collectivités locales et certaines de leurs fédérations nationales et intercommunalités, les entreprises (aussi bien des grands comptes du CAC40 que des start-ups) et enfin, le collège des experts : des têtes de réseau nationales d’expertises ou de connaissances scientifiques qui viennent appuyer nos travaux.

Justement, quelles sont les missions de France Ville Durable ?

Repérer et diffuser le plus largement possible, en France et à l’international, des outils, méthodes et exemples concrets de réalisations ou de politiques déjà mises en œuvre, qui permettent à la fois l’accélération de la transformation et la montée en résilience des territoires.

Finalement, la transformation écologique doit répondre à des objectifs globaux, mais sa mise en œuvre, c’est de la dentelle territoriale, aussi bien sur l’atténuation que sur la résilience et l’adaptation. 

Selon vous, quel est le rôle des territoires dans la transformation de la société ? 

Un rapport du GIEC qui donne des grands chiffres à l’échelle mondiale en 2100, ne représente pas un outil pour l’action territoriale. Chaque territoire détient à la fois sa propre histoire, ses spécificités, son contexte, ses acteurs, sa géomorphologie, ses ressources… en somme, son passif hérité du développement économique du siècle dernier. Les stratégies de transformation et d’adaptation ne peuvent donc être les mêmes d’un territoire à l’autre.

Par exemple, on ne doit pas rénover des logements de la même manière au sud et au nord de la France, on ne doit pas lutter contre les mêmes risques environnementaux selon qu’on soit dans la montagne ou sur le littoral… En fait, l’État fixe un grand cadre, mais ce sont les élus locaux et les entreprises locales qui “font”. 

Enfin, il existe une certaine proximité au niveau territorial, qui fait que les élus, les entreprises et les citoyens connaissent très bien leur territoire, et on sait qu’il va être important de faire avec ceux qui savent ! Par ailleurs, les décideurs et décideuses ont une légitimité démocratique bien plus forte. 

Finalement, la transformation écologique doit répondre à des objectifs globaux, mais sa mise en œuvre, c’est de la dentelle territoriale, aussi bien sur l’atténuation que sur la résilience et l’adaptation. 

Qu’est-ce qu’un territoire durable et résilient ? Existe-t-il des indicateurs permettant de le mesurer ?

Un territoire résilient, c’est un territoire qui va mesurer son impact et son utilisation des ressources. Pour cela, le jour du dépassement est un très bon indicateur de non résilience : il nous permet de savoir que nous vivons à crédit. 

Ces dernières années, les territoires ont placé les objectifs de développement durable au cœur de leur action, ce qui nous a amené à continuer à développer sans cesse alors que nous sommes déjà surdéveloppés au Nord… À l’inverse, si l’on souhaite que les pays du Sud puissent accéder à un minimum de développement, il va falloir se rappeler que les ressources utilisées au Nord et au Sud sont les mêmes, et qu’il n’y en a pas assez ! C’est une question de choix : est-ce que l’on met des hôpitaux en Afrique où est-ce que l’on développe des voitures volantes ? En fait, le mot “limite” est trop peu pris en compte, pourtant la réalité physique s’impose aux décisions politiques ou économiques : notre monde est fait de limites et notre économie est totalement hors sol. 

Chez France Ville Durable, nous finançons des thèses de doctorat et des travaux visant à créer des indicateurs de territorialisation des limites planétaires. Pour savoir où agir en priorité, on a besoin de nouveaux critères qui tiennent compte de ces limites, mais aussi du plancher social : c’est la fameuse Donut Economy, que nous cherchons à instrumenter de manière très opérationnelle pour les territoires qui veulent bifurquer. Pour assurer un avenir sûr et juste pour l’humanité, il faut que les activités économiques entrent dans le Donut !

Avant cela, il faudra commencer par une chose importante : sortir du déni et comprendre la réalité de la situation, c’est indispensable pour prendre les bonnes décisions et mettre en application des stratégies tenables. 

Globalement, il y a beaucoup de concepts qui transcendent la ville durable et c’est nécessaire et positif, cela souligne aussi le fait que ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui ne fonctionne pas. 

Ces dernières années, de nombreux concepts ont émergé, à l’instar de “la ville du quart d’heure”, qu’en pensez-vous ?

C’est vrai qu’on en entend beaucoup parler ! C’est un super concept marketing pour dire une chose simple : il faut réaménager les territoires locaux ! En revanche, le concept n’est pas accompagné d’outils, de métriques, de méthodes… ce n’est pas un outil opérationnel. 

Globalement, il y a beaucoup de concepts qui transcendent la ville durable et c’est nécessaire et positif, cela souligne aussi le fait que ce que nous sommes en train de faire aujourd’hui ne fonctionne pas. 

Selon moi, un concept s’oppose à tous les autres, c’est la vision holistique de la résilience. N’oublions pas que la résilience est notre horizon à tous quoi qu’il arrive, c’est notre horizon si nous ne parvenons pas à atténuer un certain nombre de phénomènes, mais c’est aussi notre horizon si nous y arrivons, parce que les changements de vision majeurs que nous allons devoir mettre en place pour que les territoires deviennent résilients, vont aussi appeler à de la résilience personnelle. 

Pourriez-vous citer des exemples de bonnes pratiques ? 

Avant tout, il faut prendre en compte qu’en matière de ville durable, tout prend du temps ! 

Mais pour citer un exemple, il y a l’éco-village des Noés à Val-de-Reuil en Normandie qui coche beaucoup de cases. Avant tout, il a été fait le choix du petit habitat collectif à la place des pavillons individuels, qui offre une bien meilleure qualité énergétique et qui limite au maximum l’artificialisation des sols. Autres avancées : l’éco-village est 100% biosourcé et la construction des bâtiments, basée sur une cartographie du vivant et de l’eau, est pensée pour ne pas y contrevenir (l’inverse de ce que l’on fait d’habitude). Résultats : cinq ans après sa création, il fait partie du top 3 des éco-quartiers dans lesquels les habitants disent le mieux vivre dans les 500 qui existent en France, il coûte beaucoup moins cher qu’un éco-quartier traditionnel et il a un très bon bilan écologique. 

Enfin, et même si nous devons arrêter de placer le numérique comme religion, je dois dire que certains outils numériques sont extrêmement utiles pour caractériser les enjeux à l’échelle du territoire… À titre d’exemple, Urban Print d’Efficacity, qui permet de prendre des décisions précises sur le fait de rénover ou de démolir des bâtiments. 

Et enfin, Sébastien, quels sont vos futurs désirables ?

Je dirai que c’est un futur frugal et convivial parce que réaliste ! Nous devons ériger la frugalité comme un horizon désirable : ce n’est pas un renoncement mais une façon d’améliorer nos qualités de vie. La frugalité représente un magnifique levier de réponse aux enjeux environnementaux, de renforcement des coopérations et de la solidarité.

Nos programmes et parcours facilitent la prise de conscience et l’engagement des citoyens, agents, élus et de tous les acteurs de votre territoire pour accélérer sa transition environnementale et sociale. Découvrez notre offre.

Élément essentiel de la biodiversité marine, les herbiers marins sont présents dans différentes zones de notre planète. Composés de plantes à fleurs, ils sont considérés comme des “prairies sous-marines”, situés à une faible profondeur sous l’eau, afin que la lumière puisse les atteindre. 

Malgré leur faible densité d’occupation des espaces marins, environ 0,15%, leurs fonctions écologiques est indispensable à la bonne santé des écosystèmes qui les accueillent. 

Ils façonnent leur environnement, par tous les services écosystémiques qu’ils apportent : oxygénation de l’eau, stabilisation des fonds et des courants marins, production de matière organique, zone de refuge et source de nourriture pour de nombreuses espèces. Ils jouent également un rôle important dans le stockage de carbone, puisqu’ils absorbent 18% du total stocké par les océans chaque année. Ainsi, leur conservation est indispensable à la bonne santé des espaces marins, mais également à celle de notre planète. 

Seulement, depuis les années 90, leur répartition à diminuer de moitié, notamment en conséquence des activités humaines.

Une des premières causes énoncées dans une étude scientifique publiée dans The Global Change Biology, est l’impact du secteur maritime sur ces herbiers : hélice, pêche de fond, ancre marine, loisirs nautiques… Toutes ces activités dégradent directement la santé des herbiers et donc tout l’écosystème qui y est rattaché. Avec toutes ces activités, qui se sont multipliées ces dernières années, vient s’ajouter la qualité de l’eau, qui de par les innombrables mouvements et la pollution, devient plus trouble et agitée. En conséquence, les rayons du soleil ont plus de mal à atteindre les zones où les herbiers sont installés, mettant en péril leur photosynthèse et leur croissance. 

En France et plus particulièrement le long des côtes méditerranéennes, l’herbe marine la plus répandue est la posidonie. D’après une étude de la revue Scientific Reports, cette dernière joue un rôle primordial dans la lutte contre la pollution plastique. En effet, ces herbiers auraient développé la capacité de capturer puis de filtrer les déchets plastiques, dont les microplastiques, qui sont par la suite mélangés à des déchets végétaux marins et relâchés sous forme de boules sur les côtes lors de moment de forte agitation des mers. 

Afin de protéger ces éléments indispensables à leurs écosystèmes et au bon fonctionnement de la planète, de plus en plus de mesures de protection sont et doivent être mises en place : formation et programme sur l’éco navigation, mise en place d’aires marines protégées, contrôles des méthodes d’ancrage, sensibilisation, et même restauration d’habitat. 

 

Sources :

  • Les herbiers marins, essentiels à notre survie – Fondation de la mer
  • Cinq façons dont les herbiers marins stimulent la biodiversité – UNFCC
  • Seagrasses provide a novel ecosystem service by trapping marine plastics – Scientific Reports
  • Les herbiers marins : des prairies sous-marines au rôle écologique considérable – OFB
  • Long-term declines and recovery of meadow area across the world’s seagrass bioregions – The Global Change Biology

Un écosystème est constitué d’une multitude d’interactions entre les espèces qui y sont présentes, certaines sont sédentaires, d’autres nomades, mais elles ont toutes un rôle significatif dans le maintien de la bonne santé de leurs milieux. Rencontre avec les espèces clés de voûte.

Certaines espèces, cependant, ont des rôles majeurs dans l’architecture des écosystèmes : elles les façonnent à travers leurs déplacements, leurs alimentations ou leurs interactions. Elles ont des fonctions essentielles, qui ne peuvent pas être remplies par d’autres espèces, c’est ce qu’on appelle des espèces clés de voûte.

Différents exemples peuvent être donnés, comme le castor. Il modifie son environnement et participe directement à la création de nombreuses zones humides sur son territoire, permettant ainsi la conception de zones de sédimentation et de puits de carbone.

De nombreuses espèces “clés de voûtes” sont également considérées comme des espèces dites parapluie, c’est-à-dire que la protection de ces espèces, dont le domaine vital est large, assure également la protection des autres espèces de l’écosystème, dans un effet domino.

L’éléphant appartient à ces deux catégories. En effet, par leur alimentation et leur déplacement, il modifie physiquement son environnement, permettant de créer, changer ou maintenir différents habitats. Son passage peut permettre de créer de nouveaux lieux d’habitation à des espèces plus petites comme les lézards, qui vont ainsi pouvoir trouver refuge dans les crevasses des branches cassées des arbres.
Les brèches causées par le passage des éléphants dans les forêts, permettent également de faire pénétrer de la lumière à certains endroits et de favoriser l’existence et la prolifération de certaines espèces végétales. Cela peut aussi permettre aux arbres de gagner en force et en hauteur, avec une plus grande capacité de stockage de carbone, ayant ainsi non seulement un impact local, mais mondial.
La consommation alimentaire importante des éléphants et leur système digestif rapide (environ 24h) permettent aussi la dispersion de graines à travers leurs selles. Grâce aux qualités d’engrais de la bouse d’éléphants, ces graines peuvent germer et se développer, favorisant la création de nouveaux habitats via l’implantation de certaines végétations dans de nouvelles zones où les éléphants sont passés.

Le rôle des éléphants est essentiel au bon maintien des écosystèmes, et leur protection ne bénéficie donc pas uniquement à cette espèce, mais aux centaines d’autres avec lesquelles ils cohabitent, dont les humains.

 

Sources :

  • Les éléphants en tant qu’ingénieurs de l’écosystème – Save the Elephants
  • Les espèces parapluies au secours de la nature – Géo
  • Les espèces parapluies assurent la biodiversité – Notre nature

Nos fleurs, plantes, fruits et arbres ne seraient pas les mêmes sans elles. Les abeilles ont un rôle primordial dans le fonctionnement de la biodiversité et la survie de la majorité des êtres vivants.

On estime qu’elles contribuent à la conservation d’environ 80% des espèces végétales dans le monde.

Elles jouent le rôle de pollinisatrices, puisque lorsqu’elles butinent, elles déplacent le pollen de fleurs en fleurs permettant ainsi la reproduction végétale.

De nombreuses espèces d’abeilles peuplent aujourd’hui notre terre, mais il semble important d’en différencier deux catégories : les abeilles sauvages et les abeilles domestiques – Apis mellifera. Les abeilles sauvages sont les plus nombreuses sur la planète, elles représentent environ 80% de la population totale. Généralement solitaires, elles peuvent se regrouper par groupe de petites dizaines d’individus contrairement aux abeilles domestiques qui peuvent aller de 20 000 à 60 000 individus par ruche. L’Apis mellifera est un réel outil de production pour les différents dérivés issus du travail des abeilles :

D’après l’IPBES “Environ 81 millions de ruches dans le monde produisent environ 1,6 million de tonnes de miel par an”.

Malheureusement, les menaces qui pèsent sur ces pollinisateurs sont nombreuses : changements d’affectation des sols, agriculture intensive et pesticides, pollution, espèces exotiques envahissantes, agents pathogènes et changement climatique. Mais depuis quelques années, de plus en plus de scientifiques viennent également mettre en garde contre une concurrence possible entre les abeilles sauvages et les abeilles domestiques.

En effet, différentes études ont été menées pour étudier ce potentiel phénomène. Dans les espaces ruraux, des résultats ont montré que le butinage des abeilles sauvages était deux fois inférieur à la normale, dans les 600 mètres aux alentours des ruchers d’élevages.  Cependant, au-delà de ce périmètre, la concurrence entre les espèces ne révèle rien d’alarmant. En France, 92 % des exploitations comportent moins de cinquante ruches, limitant de cette façon l’impact des populations domestiques sur les populations sauvages, surtout à la campagne.

La situation la plus inquiétante serait celle des villes. En effet, le nombre de ruches s’est multiplié dans nos agglomérations. À Paris, on peut désormais compter plus de 2 000 ruches, souvent installées dans une démarche écologique et/ou pédagogique. Seulement, ce nombre exponentiel d’abeilles domestiques sur ce territoire limité, ne favorise pas le développement de la biodiversité, au contraire, la diversité des espèces sauvages est alors mise à mal. Une étude sur la diversité des abeilles dans Paris, menée par Isabelle Dajoz, a démontré ce phénomène dans la capitale parisienne, tirant ainsi la sonnette d’alarme sur l’utilisation massive des ruches. Ses recommandations tendent vers une autre gestion des espaces verts : plus de fleurs, moins de tonte régulière des herbes, mais surtout une limitation des ruches à 2 au kilomètre carré, donc deux fois moins que leur nombre parisien.

De nombreuses villes limitent déjà le nombre de ruches dans leur agglomération comme Metz, et des parcs nationaux lancent de plus en plus de recherches sur les effets de la cohabitation entre les abeilles sauvages et domestiques, afin de repérer les éventuelles concurrences qui pourraient être néfastes et ainsi pouvoir réagir à temps.

La protection des abeilles sauvages ne peut être que bénéfique, puisqu’elle sera favorable à tous les autres pollinisateurs qui souffrent des mêmes menaces. La concurrence avec les abeilles domestiques reste, en France, un danger assez réduit et surtout ciblé selon les espaces.

 

Vous voulez creuser la thématique et mieux comprendre la biodiversité ? Participez à notre Atelier Mission Biodiversité

 

Sources :

  • Pourquoi les abeilles sont cruciales pour les personnes et pour la planète – UNEP
  • Nos abeilles domestiques, un danger pour la nature ? – GÉO
  • Le rôle des abeilles dans la nature – Ma Ruche en Pot 

Heidi Sevestre est glaciologue, ses terrains d’investigation et de sensibilisation sont nombreux : des plus hauts glaciers aux conférences métropolitaines, elle a choisi de mélanger la force du “terrain” à l’impérative communication scientifique.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Heidi Sevestre, je suis glaciologue et je suis originaire de Haute Savoie. Je suis passionnée de sciences, mais aussi de communication scientifique ! D’ailleurs, je pense qu’il est important que tous les scientifiques puissent rendre leurs travaux accessibles au plus grand nombre.

J’essaie de passer un maximum de temps là où il y a des glaciers, en grande partie en Arctique bien sûr, mais aussi sur des glaciers tropicaux, que ce soit en Ouganda, en Colombie ou en Papouasie. J’essaie d’à la fois passer un maximum de temps sur le terrain, à récolter les données, à travailler avec des scientifiques locaux, et de l’autre côté, à ramener dans mes bagages toutes ces connaissances, toutes ces observations, pour les diffuser au plus grand nombre. Par exemple, je serai en France pour les deux prochains mois pour sensibiliser !

→ Heidi Sevestre sera présente à la conférence-action de lancement de notre Défi Biodiversité ce lundi 22 mai à l’Académie du Climat. Pour en savoir plus et pour s’inscrire : cliquez-ici

Justement, en quoi votre expérience sur le terrain vous permet de sensibiliser les publics ?

À force de faire du terrain, on ressent le changement climatique dans notre chair, dans nos tripes. Ce que j’ai l’occasion de voir, que ce soit en Arctique, en Antarctique ou sur les très hautes montagnes, est vraiment plus que catastrophique.

À chaque fois que j’interviens et que je fais de la sensibilisation, mon expérience sur le terrain a toujours beaucoup d’impact. À la fois dans ma façon de parler et de présenter les choses, mais aussi pour les gens auprès de qui j’interviens, ça donne une certaine crédibilité.

Quels peuvent être les freins rencontrés pour sensibiliser ?

Je crois que l’un des plus gros challenges auquel nous faisons face aujourd’hui, est de savoir comment continuer de travailler avec des publics convaincus tout en étant capable d’aller au-delà, pour toucher le plus grand monde. Parce qu’aujourd’hui, nous devons être en capacité d’échanger avec des instances dirigeantes, les pouvoirs publics, les collectivités, les entreprises…

Donc oui, le challenge c’est de pouvoir échanger, de pouvoir avoir une approche constructive avec celles et ceux qui parfois n’ont pas envie d’être dans la salle, ne comprennent pas l’importance de ce sujets, ou ne se sentent pas concernés.

Pas facile ! Je n’ai pas la réponse mais c’est très important.

Donc c’est important de dire ce que l’on ressent quand on voit des paysages métamorphosés ou face à la frustration du manque d’action.

Chez ENGAGE nous pensons que la création de liens sensibles au vivant est primordiale pour embarquer le maximum de personnes, qu’en pensez-vous ?

C’est vrai que c’est super important ! On se rend compte que les faits scientifiques ne suffisent pas. Ce ne sont pas les faits scientifiques qui vont convaincre une personne d’agir et de tout faire afin de préserver des environnements qu’ils connaissent ou ne connaissent pas. Il faut vraiment intégrer cette dimension du sensible, de l’émotion, car c’est lorsque l’on ressent ces émotions là au plus profond de soi même que l’on a envie d’agir.

À chaque fois que je fais de la vulgarisation scientifique, je m’appuie certes à 100% sur la science, mais je n’hésite jamais à ajouter cette dimension humaine, bien que les scientifiques ne soient pas des robots ! Donc c’est important de dire ce que l’on ressent quand on voit des paysages métamorphosés ou face à la frustration du manque d’action.

Passons du temps à nous émerveiller du vivant, il n’y a rien de plus merveilleux !

Et concrètement, comment et par quels outils peut-on encourager la connexion au vivant ?

C’est primordial de passer du temps dehors ! Évidemment, la sensibilisation est clé, mais il faut aussi que les gens sortent de leurs bureaux, de chez-eux, sans forcément aller à l’autre bout du monde ! En ville, on peut aller dans les parcs, observer les nuages qui se déplacent, la faune qui est en ville, c’est un très bon début pour se connecter avec le vivant et pour appréhender sa force !

Passons du temps à nous émerveiller du vivant, il n’y a rien de plus merveilleux !

Et enfin, quels sont vos futurs désirables, Heidi ?

C’est marrant, un grand média mainstream réalise une série d’émissions dans laquelle le journaliste demande à des personnalités de citer les choses les plus essentielles à leurs yeux ! Je me suis toujours dit qu’il faudrait faire une version humoristique, car finalement, les choses primordiales sont sûrement aussi simples que le fait de pouvoir avoir de l’eau à boire, de l’air pour respirer, des sols en bonne santé et une nature à observer. Malgré tout, il ne faut pas oublier que certains s’accaparent cette nature, donc gardons tous ces éléments accessibles au plus grand nombre, et c’est comme cela que notre futur restera désirable !

 

Quand nous pensons au désert, l’image d’une vaste étendue de sable fin sous une forte chaleur nous vient souvent à l’esprit. Or, les milieux désertiques comprennent en réalité différentes catégories : tropicaux, tempérés, continentaux ou polaires. Ces catégories ont néanmoins des caractéristiques communes : une faible intensité de précipitations, une forte évaporation, des vents violents et la pauvreté des sols. Les déserts, souvent qualifiés de zones arides ou semi-arides, sont présents à de nombreux endroits sur Terre.

Le continent où ces zones sont les plus présentes est l’Afrique, notamment par la présence du désert du Sahara et du désert du Namib. Ce continent est également le plus touché par les zones dénommées de “désert absolu” où les formes de vie sont très rares, voire inexistantes.

Dans les milieux arides ou semi-arides, cependant, une biodiversité a réussi à s’adapter à ces déserts et aux conditions de vie difficiles qui les caractérisent. Focus sur l’adaptabilité des espèces

La végétation y est bien présente, dépendante de la quantité d’eau disponible, de l’état du sol et des vents, certaines espèces bien précises réussissent à perdurer dans cet élément.  Pour limiter les effets des rayons du soleil, certaines plantes ont développé des feuilles de très petites tailles, d’autres en ont aucune. Parmi les types de plantes qu’on peut retrouver dans ces zones, nous pouvons notamment citer les plantes succulentes, les cactus, les palmiers et des herbes sous différentes formes. 

La faune n’a pas non plus déserté ces zones. Souvent actives la nuit, la plupart ont su développer des techniques d’adaptation aux conditions difficiles de ces milieux. Un des animaux désertiques le plus connu est le chameau, qui stocke les graisses dans ses bosses lui permettant de pouvoir passer plus de 4 mois sans manger. Grâce à l’adaptation de leurs cellules, notamment les globules rouges qui ont une plus grande capacité d’absorption de l’eau, cet animal est capable de rester une semaine sans boire une goutte d’eau. 

Beaucoup de ces espèces sont nomades et donc en constant mouvement à la recherche de sources d’eau et de nourriture sur de vastes zones. À cela, s’ajoute le développement d’une pigmentation dans les tons clairs, afin de moins souffrir des rayons du soleil. D’autres espèces comme les lézards, sont hétérothermes, c’est-à-dire que leurs températures internes varient avec la température ambiante. Bénéficiant des rayons du soleil la journée, ils sont également capables de résister à des températures plus froides souvent présentes la nuit. 

Les déserts regorgent donc de différentes espèces capables de s’adapter à des conditions extrêmes.

Malheureusement, le réchauffement climatique vient également affecter ces écosystèmes. Les températures sembleront augmenter davantage dans ces zones que dans le reste du monde, mettant directement en danger la faune et la flore qui y sont présentes.

Les vagues de chaleur de plus en plus intenses risquent de ne plus être supportables pour de nombreux animaux et végétaux, et de transformer de plus en plus d’espaces en désert absolu.

Vous souhaitez en savoir plus sur l’adaptabilité des espèces ? Participez à l’atelier Mission Biodiversité

Sources :

Les feux de forêt sont de plus en plus fréquents et virulents dans notre pays, mais également à travers le monde. Pourtant, initialement, ces feux sont des phénomènes naturels, qui participent étonnamment au maintien de la biodiversité.

Dans différents milieux, comme les plaines ou les forêts, leurs évolutions constantes amènent un phénomène de “succession écologique”. Ce dernier correspond à l’évolution et au développement d’un milieu écologique au travers de différents stades. Arrivé au stade maximum de développement, certaines espèces peuvent alors se retrouver dans une situation de concurrence, notamment pour les ressources naturelles. À ce moment-là, un feu de forêt issu d’un phénomène naturel, permettra de ramener un milieu à un état initial ou modéré, permettant ainsi à certaines espèces de ne plus être en concurrence, mais de coexister. Certains spécialistes ont donc développé une hypothèse, selon laquelle un degré de perturbation intermédiaire dans sa fréquence ou son intensité, favoriserait la diversité génétique des milieux.

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Seulement, les feux qui touchent les différents milieux de notre planète, ne sont plus uniquement le résultat de phénomènes naturels, mais bien des conséquences des activités humaines et du réchauffement climatique.

 

Dès lors, les conséquences sur la biodiversité ne sont plus du tout favorables et accentuent son érosion :

  • Les feux de forêt impactent directement la végétation des milieux, augmentant ainsi l’érosion des sols qui étaient alors protégés par la couverture végétale et stabilisés par les racines. En conséquence, le milieu ne jouera plus son rôle de régulateur des eaux, perturbant ainsi directement les ressources d’eau douce disponibles.

  • La faune est également directement impactée. Les plus gros mammifères et oiseaux peuvent réussir à s’échapper à temps, mais ce n’est pas le cas de la majorité des espèces, comme les insectes ou les amphibiens par exemple. Les espèces endémiques, présentes uniquement sur le territoire touché, sont alors directement menacées de disparition, car elles auront plus de difficultés à s’adapter à un autre milieu.

 

Malheureusement, les incendies extrêmes causés directement ou indirectement par l’action humaine risquent d’augmenter de 50% d’ici 2100 d’après les Nations Unies.

 

Afin de favoriser au mieux la reconstitution des milieux et la reprise de la biodiversité, des actions sont mises en place, notamment par l’Office Nationale des forêts. En Gironde, où les incendies ont fait rage l’été dernier, les équipes de l’ONF sont très actives sur le terrain.
Dans un premier temps, c’est un moment d’observation qui a été mis en place, pour identifier quels arbres ont pu survivre, où il est nécessaire de replanter, mais surtout d’établir un diagnostic précis de l’état de la biodiversité. La stratégie choisie est de travailler sur la fonctionnalité des habitats naturels afin de favoriser le retour des espèces de faunes et de flores au fur et à mesure. Des enquêtes spécifiques sont également réalisées sur certaines espèces menacées, comme la Grande Noctule, la plus grande chauve-souris d’Europe. La capacité de récupération des espèces dépendra également de leurs caractéristiques propres comme la longévité, la fécondité et leurs possibilités de déplacements.

Les équipes de l’ONF estiment qu’entre 40 et 100 ans seront nécessaires pour retrouver la richesse de ces milieux.

 

Si le dérèglement climatique est perçu à travers des événements extrêmes fortement médiatisés, l’effondrement de la biodiversité avance encore à bas bruit. 

La nature décline pourtant à un rythme effrayant et nos modes de vies détruisent irrémédiablement le monde sauvage qui nous côtoie encore. 

En France, selon un rapport de 2018, la population des oiseaux des villes et des champs a décliné de 30 % en trente ans. En Europe, sur la même période, les populations d’insectes ont chuté de près de 80%, selon une étude internationale publiée par la revue PLoS One. Enfin, à l’échelle du globe, l’Indice Planète Vivante révèle que 68 % des populations de vertébrés ont disparu en moins de cinquante ans.

Arrêtons-nous là, les chiffres sont désormais connus de tous. Le constat est expertisé, les voyants sont au rouge et attestent d’une sixième extinction des espèces, dépassant les précédentes par son rythme effréné. Les causes sont connues, elles-aussi, du changement d’affectation des sols au dérèglement climatique, de la pollution à la surexploitation des milieux naturels. Elles pointent irrémédiablement du doigt l’Homme et son modèle de développement.

Pourtant, le système résiste et se nourrit toujours des mêmes indicateurs productivistes et prédateurs, des mêmes modèles mortifères. 

Le cercle de l’inaction perdure, engendré par la frilosité des acteurs économiques, la crainte des décideurs politiques et l’attentisme, parfois, des consommateurs. Les freins au changement sont immenses, les avancées restreintes, lorsque l’état d’urgence devrait nous éloigner des demi-mesures. 

“Il s’agit aujourd’hui d’agir vite et de façon beaucoup plus radicale, à tous les niveaux de la société”

 

Il s’agit aujourd’hui d’agir vite et de façon beaucoup plus radicale, à tous les niveaux de la société, pour transformer cette spirale de l’inaction en vortex de la régénération. La survie de la biodiversité et accessoirement de l’espèce humaine en dépend.

Les entreprises, au cœur de la problématique, détiennent une grande partie des clés. Aucun résultat substantiel ne sera atteint sans un changement profond de leurs modèles d’affaires et de leur gouvernance. Elles doivent pour cela mieux comprendre leurs dépendances et leur impact sur le vivant et inventer un nouveau modèle régénératif, parfois synonyme de renoncements. 

“Cette mutation sera d’autant plus facile à accepter que la destruction de la planète programme, à court ou moyen termes, leur propre disparition”

 

Cette mutation sera d’autant plus facile à accepter que la destruction de la planète programme, à court ou moyen termes, leur propre disparition.

La tâche est d’ampleur, n’en doutons pas, mais n’est-il pas réjouissant pour les salariés et dirigeants de contribuer, au sein même de l’entreprise, à la protection et à la régénération du vivant ? 

Pour volontaristes qu’elles soient, les entreprises n’y arriveront pas seules. Le rôle du politique est lui aussi primordial. Il doit construire le cadre, faire émerger les justes incitations et produire les nouvelles réglementations permettant au monde économique de se mettre en mouvement. 

Elles seront aussi aiguillonnées par des citoyens de plus en plus conscients dont les modes de vie n’auront de cesse d’évoluer.

Cette transformation passera par une reconnexion de chacune et chacun d’entre nous au vivant, lorsque notre monde moderne nous en a coupé. Notre sensibilité retrouvée au monde animal et végétal nous poussera à agir, dans notre sphère personnelle ou professionnelle.

C’est bien le message du dernier rapport de l’IPBES, qui nous enjoint à reconsidérer les valeurs de la nature contre le profit à court terme.

Gardons espoir donc, car les écosystèmes marins ou terrestres ont la capacité de se régénérer. Gardons espoir aussi, car la nature est une cause sensible capable d’accélérer notre mobilisation. 

Si nous souhaitons que les générations futures connaissent le chant des mésanges, la beauté d’un ruisseau et toutes les émotions que génère la nature, c’est aujourd’hui qu’il faut agir, avec détermination et radicalité.

Jérôme Cohen

Tribune parue dans Les Échos le 2 décembre 2022

Tom Lellouche est artiste plasticien. Né à Paris, il part après le bac étudier l’art en Angleterre, notamment à Central Saint Martins et au Royal College of Arts et y reste pendant près de 7 ans. Il est actuellement en résidence artistique au Consulat dans le 11ème arrondissement de Paris

Pourquoi avoir choisi de mettre en scène le vivant ? Quel message souhaitez-vous transmettre ? 

Je travaille énormément avec les éléments organiques : de la plante au champignon en passant par la bactérie. Ces éléments m’intéressent notamment car ils évoquent l’idée de mouvement, ils ne montrent jamais deux fois la même chose. La nature est un symbole qui parle à tout le monde, nous avons tous fait l’expérience de la nature au moins une fois dans nos vies.

Votre travail convoque les cinq sens et propose des expériences en immersion totale, pourquoi ?

Quand on souhaite envelopper le visiteur dans un ailleurs, le travail des sens est presque obligatoire. Je suis très intéressé par le fait de sculpter l’espace dans lequel je présente mes installations. Si je mettais mes œuvres dans une salle blanche, cela n’aurait pas la même résonance. L’immersion met le visiteur dans de bonnes dispositions pour recevoir le message, elle favorise l’expérience et augmente l’impact sur la sensibilité du visiteur. 

À titre d’exemple, je fais beaucoup d’installations sur la dystopie, ce n’est pas toujours joyeux, mais les gens sortent en général marqués par l’atmosphère. Ils restent parfois un long moment dans l’espace, juste pour s’en imprégner. 

Crédits photo :

ECHO 2 – Tom Lellouche.JPG – Crédit photo : Victor Malecot

Unplug – Tom Lellouche.JPG – Crédit photo : Luca Lellouche

 

Vous dites souvent de votre pratique qu’elle “explore l’idée de résurgence de la nature en milieux hostiles”, qu’entendez-vous par là ? 

À titre d’exemple, mon atelier est situé dans un univers très industriel, composé d’éléments plutôt hostiles à la nature. Je suis animé par le fait de faire cohabiter les éléments industriels aux éléments organiques. Quand je fais des structures en acier, je ne traite pas l’acier, je laisse le métal s’oxyder, ainsi, le matériau évolue au même titre que le végétal. 

Dans des installations immersives, les visiteurs peuvent presque dialoguer avec le végétal en amenant une forme d’énergie. Les sculptures sont des outils, elles ont une fonction que les gens peuvent utiliser ou non. 

En quoi le fait de proposer des réalisations vivantes vous différencie-t-il d’artistes que l’on pourrait qualifier de plus classiques ?

La différence majeure avec un peintre ou un sculpteur traditionnel, c’est que l’œuvre n’est quasiment jamais finie, c’est presque le visiteur qui la termine en interagissant avec la structure. 

Ces dernières semaines, des militants écologistes ont jeté à deux reprises de la soupe et de la purée sur des œuvres de Van Gogh et Monet. Comment recevez-vous ces gestes ? Sont-ils capables de mobiliser ?

Honnêtement, je suis choqué. D’autant plus que Monet et Van Gogh sont des peintres qui parlent de nature et qui mettent en scène la nature. En revanche, je réalise que ce qu’il se passe autour des énergies fossiles, du réchauffement climatique est aussi choquant : il s’agit d’une violence que l’on ne voit pas et qui est beaucoup moins concrète. 

Pour résumer, bien que les revendications soient justes, j’aurai davantage intellectualisé et explicité le choix du tableau. 

 

Les artistes s’expriment avec des symboles, des couleurs, des formes, ils ne véhiculent pas des messages tout faits, gratuits. Ils laissent donc à chacun une certaine liberté d’interprétation…

 

Plus largement, le milieu artistique peut-il participer efficacement à la sensibilisation autour des enjeux de biodiversité et climatiques ? 

Oui complètement, je pense d’ailleurs que l’art a toujours été un véhicule d’idée.

Les artistes s’expriment avec des symboles, des couleurs, des formes, ils ne véhiculent pas des messages tout faits, gratuits. Ils laissent donc à chacun une certaine liberté d’interprétation… Je suis convaincu que c’est la seule manière pour opérer de vrais changements sociétaux, de réelles remises en question. 

C’est aussi pour cela que je fais des œuvres interactives ou les gens peuvent être dans l’action : quand on est dans l’action, on retient beaucoup mieux. 

Et enfin… à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Je suis très inspiré par le mouvement “solar punk”, donc mon futur idéal s’approche de ce mouvement. 

Finalement, aujourd’hui, avoir de l’espoir c’est quelque chose de punk, et même si je travaille beaucoup avec la dystopie, je suis tout de même optimiste : j’espère que le futur sera végétal et “solar punk” ! 

 

 

Pierre Dubreuil est directeur général de l’OFB.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je suis Pierre Dubreuil, directeur général de l’Office français de la biodiversité. 

Avant cela, j’ai dirigé plusieurs autres établissements publics dans les secteurs de la culture et de la nature. 

Les établissements que j’ai dirigés étaient assez complexes car souvent en mutation, voire en création, comme c’a été le cas pour l’OFB. J’ai également été directeur délégué du Muséum national d’histoire naturelle. 

Le gouvernement m’a souvent confié ce type de missions complexes : réorganisation, fusion, création… C’est ainsi que j’ai été nommé pour effectuer la fusion de l’Agence Française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cela a été un vrai défi de rassembler ces deux entités et de faire travailler ensemble des agents qui pouvaient avoir des cultures de travail assez différentes. 

Quel est le rôle de l’OFB ?

L’OFB est un établissement vaste et complexe. Si je devais qualifier son rôle et ses missions en deux mots, cela serait “comprendre” et “agir”. 

On ne peut pas traiter de biodiversité sans comprendre le sujet, l’OFB est donc avant tout un établissement qui partage de la connaissance. Nous sommes responsables de la coordination de l’ensemble des données qui touchent à la biodiversité : eau, milieux sauvages, terrestres et milieux marins. Notre rôle : documenter cette connaissance, la faire progresser et la transmettre. 

Agir est l’autre volet de l’OFB. Nous sommes chargés de contrôler la mise en œuvre du code de l’environnement, grâce à la police de l’environnement (1700 agents sur l’ensemble du territoire). Nous intervenons également sur la gestion des espaces naturels et des aires protégées. À titre d’exemple, les parcs naturels marins et les réserves nationales sont gérées par l’OFB. 

Aujourd’hui, comment évolue, selon vous, l’écosystème des acteurs mobilisés autour des enjeux de biodiversité ?

Il est important de préciser que l’écosystème est complexe et cloisonné, et que la diversité d’acteurs est grande : agriculteurs, pêcheurs, chasseurs, entreprises… La difficulté est de faire coexister des points de vue qui sont souvent différents voire opposés. L’OFB, les amène à concevoir qu’il existe un intérêt général sur la biodiversité, qui dépasse leurs intérêts particuliers.

Nous travaillons de plus en plus avec la sphère économique et financière qui est très demandeuse. Tous les secteurs d’activité dépendent du vivant et d’après l’étude “Un printemps silencieux pour le système financier”, 42% des actifs financiers sont menacés.

On sent que la prise de conscience autour des enjeux de biodiversité est encore en retard par rapport à l’enjeu climatique ? Comment l’expliquez-vous et comment y remédier ?

Il existe un problème d’indicateurs : les objectifs à atteindre pour agir face au dérèglement climatique sont plus facilement mesurables que les indicateurs visant à mesurer l’évolution des interactions milieux – espèces – habitats ou des interactions entre les milieux eux-mêmes. 

L’OFB travaille actuellement sur des indicateurs précis ainsi que sur un baromètre de la biodiversité. L’objectif : partager des éléments tangibles, mesurables et objectifs pour évaluer l’état de la biodiversité et des pressions qui pèsent sur celle-ci. 

Attention toutefois, il ne faut pas opposer climat et biodiversité. L’effondrement de la biodiversité et le dérèglement climatique interagissent rétroactivement. 

Quels sont, selon vous, les leviers pour accélérer la transformation du monde économique ?

Cela passera forcément par la compréhension des enjeux. Les entreprises doivent comprendre que leur intérêt à long terme est de protéger la biodiversité. 

Avec les dispositifs “Territoires engagés pour la nature” ou “Entreprises engagées pour la nature”, nous accompagnons les entreprises à être meilleures sur ces sujets. Tous ces dispositifs sont des services publics, donc gratuits. 

L’autre levier est celui de la contrainte et de la sanction… si les entreprises ne respectent pas le vivant, nous devons appliquer notre rôle de police. La médiatisation de ces sanctions est assez dissuasive, pour des raisons majeures de réputation interne et externe. 

L’OFB a décidé d’accompagner le MOOC Biodiversité d’ENGAGE. Pourquoi avez-vous décidé d’être partenaire et qu’en attendez-vous ? 

ENGAGE répond à notre mission : sensibiliser les citoyens, les salariés et les dirigeants d’entreprise aux enjeux de biodiversité. Plus le message sera diffusé, plus les clés pour agir seront mises entre les mains de ces acteurs et mieux la biodiversité s’en portera. 

Et enfin… à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Ma conviction : on ne protège bien que lorsqu’on connaît bien. Ainsi, dans mon futur désirable, l’érosion de la biodiversité est comprise et traitée au même niveau que la crise climatique. Chacun d’entre nous comprend le fonctionnement de la nature et les frontières entre urbains et ruraux disparaissent. 

Enfin, le jour où l’humain ne sera plus consommateur de la nature, nous aurons gagné !

Virginie Raisson-Victor  et Jérôme Cohen sont co-fondateurs et porte-paroles du Grand Défi des entreprises pour la Planète.

Records de chaleurs, sécheresse chronique, épuisement des minerais, dépassement des limites planétaires mais aussi crise énergétique européenne, ruptures des chaînes de valeur, flambée des prix céréaliers, retour de l’inflation : il n’est désormais plus de doute possible sur le lien qui associe dans une même crise systémique notre modèle de développement, la dégradation de la planète et l’épuisement des ressources naturelles. Plus de doute non plus sur la nécessité et l’urgence de réconcilier l’économie avec les écosystèmes planétaires, l’intérêt général, le temps long et nos territoires.

Pour y parvenir, la planification écologique constitue certainement un levier utile et nécessaire si, toutefois, elle peut s’appuyer sur une détermination gouvernementale à la mesure de l’urgence de la situation et disposer de moyens ajustés à la complexité du défi à relever. Car face à la sécheresse, à la dégradation de la qualité de l’eau, au recul des sols naturels, au risque épidémique accru, à l’érosion côtière, à la vulnérabilité des infrastructures ou à la morbidité environnementale, il n’est plus de demi-mesure qui puisse suffire. Au contraire, la gravité de la crise écologique et ses premiers impacts invitent le gouvernement à porter très haut l’ambition nationale, au risque sinon que les coûts économiques, sanitaires et sociaux de l’inaction deviennent bien supérieurs à ceux du changement.

Puisse donc aussi la planification permettre aux acteurs économiques, aux dirigeants d’entreprises et aux responsables des collectivités, de ne plus avoir à opérer seuls des arbitrages qui, en opposant le bien commun à la performance économique ou électorale, ralentissent la transition. Comment espérer sinon que les entreprises engagent les investissements et changements nécessaires à leur transition écologique tout en préservant leur compétitivité économique ? Comment penser qu’un élu puisse politiquement survivre aux contraintes que la crise environnementale l’engage à mettre en œuvre s’il est seul à les porter sur son territoire ?

Ainsi, le constat s’impose aussi que la planification écologique ne pourra permettre de relever le défi du climat et de la biodiversité qu’à la condition de faire émerger, au même moment, un nouveau modèle de prospérité économique qui permette de concilier le développement humain et celui des entreprises sans préempter l’environnement et ses ressources. À défaut, le problème persistera de ne pas pouvoir soustraire les enjeux écologiques aux intérêts particuliers en compromettant, ce faisant, l’avenir des jeunes générations. Pour leur part d’ailleurs, celles-ci ne transigent plus. Par leur « désertion », leur rébellion, ou tout simplement leurs conditions à l’embauche, elles sont de plus en plus nombreuses à exiger que les valeurs sociales et environnementales soient replacées au cœur des modèles d’affaire et entrepreneuriaux. Elles sont loin d’être les seules…

Voilà déjà quelques années en effet que les initiatives se multiplient, qui traduisent ensemble la prise de conscience, la demande accrue d’amorcer la transition ainsi que l’offre d’intelligence et d’engagement pour l’organiser et la déployer… Réseaux d’entreprises, mouvements étudiants, associations, organismes professionnels, institutions dédiées, territoires, syndicats, collectifs : de toutes parts, les idées jaillissent, les solutions s’inventent et les plans s’élaborent. Ensemble, ils signent la force et l’ampleur du mouvement sur lequel le gouvernement peut compter pour porter son ambition écologique, à condition toutefois qu’il concède à en partager l’élaboration. Car le passage d’un modèle de développement à un autre ne peut pas seulement procéder de l’injonction descendante des politiques publiques et autres contraintes réglementaires. Pour réussir, il suppose que l’ensemble des parties prenantes concernées s’accordent sur l’ambition commune dont ils doivent être les co-entrepreneurs.

La question devient alors celle du processus à mettre en place pour capitaliser l’effervescence participative et la convertir en consensus démocratique. Sans doute était-ce l’intention du Grand Débat National, puis de la Convention citoyenne qui, de fait, ont montré qu’en offrant à chacun de contribuer et en s’appuyant sur l’intelligence collective, il est possible de fédérer la diversité autour d’un objectif commun, de libérer l’inventivité, de faciliter l’inclusion et même de gérer la complexité. Cependant, les deux initiatives présidentielles ont aussi enseigné qu’en dissociant les citoyens des forces vives de l’économie, il n’était pas possible d’emporter l’adhésion de ces dernières ni d’échapper aux intérêts sectoriels. Autrement dit, pour être politiquement légitime et socialement acceptable, la planification écologique doit permettre à tous les acteurs qu’elle concerne d’inventer ensemble le modèle qu’elle sert pour mieux le mettre en œuvre.

Dans un contexte où le niveau global d’incertitude est à la mesure des efforts de transition et d’adaptation à consentir, il ne sera donc possible d’entreprendre de transition écologique efficace qu’à la condition d’un consensus préalable des acteurs économiques. Or si la voie est étroite et délicate, des propositions existent, qui étendent le processus démocratique aux entreprises et à leurs écosystèmes pour les faire converger vers une ambition commune. Le Grand Défi des entreprises pour la planète est de celles-là. Puisse donc le chef de l’État et le gouvernement se saisir de ces initiatives et de l’énergie qu’elles portent pour faire de la planification écologique une démarche systémique, ambitieuse, ajustée, inclusive et consentie. Car là se trouve certainement la clé de sa réussite, et nous n’avons désormais plus le temps d’un échec.

Pour en savoir plus sur le Grand Défi : www.legranddefi.org
Ce texte est une tribune parue dans le journal Les Echos en septembre 2022

Julia Cattin dirige deux sociétés dans le secteur de la manutention : FIMM et Manuvit. En tant que dirigeante, elle participe à l’aventure du Grand Défi des entreprises pour la planète.

Pouvez-vous vous présenter ?

Je m’appelle Julia Cattin et je dirige deux sociétés dans le secteur de la manutention : FIMM et Manuvit. Nous fabriquons des diables, chariots, gerbeurs, et autres solutions de manutention. Nous possédons deux usines, une en Bourgogne et une en Normandie.

Vous avez rejoint l’aventure du Grand Défi, pouvez-vous nous expliquer en quoi elle consiste ?

Le Grand Défi, ce sont les représentants d’une centaine d’entreprises, tirées au sort, de différentes géographies, tailles et secteurs d’activité qui se réunissent une fois par mois pendant six mois pour formaliser des mesures visant à accélérer la transition écologique de l’économie et des entreprises.
Durant chaque session, nous nous nourrissons des interventions de scientifiques, chefs d’entreprises ou grands témoins, qui nous sensibilisent aux enjeux environnementaux et à leur impact sur l’économie. Nous travaillons également lors de sessions d’intelligence collective, notamment sur les propositions que nous présenterons au mois de décembre à Paris.

Pourquoi était-il important pour vous de rejoindre cette initiative ?

Lorsque j’ai reçu le courrier, j’étais heureuse et étonnée d’avoir la chance de participer à cette initiative. Il y a un an environ, j’ai compris que l’industrie allait complètement se transformer, Le Grand Défi est donc arrivé au bon moment.
Il est indispensable que les entreprises comprennent la nécessité d’agir et soient capables de mesurer l’ampleur de la réponse attendue.

Le Grand Défi est soutenu par une dynamique participative. En quoi est-ce important pour vous ?

Nous pourrions attendre que la loi nous impose les choses, mais cela serait trop long. Cette dimension participative nous permet de nous emparer très vite du sujet. Elle permet également de donner du poids aux mesures que nous recommandons : elles auront d’autant plus d’impact si nous sommes un maximum à nous engager à les appliquer.

Les 16 et 17 septembre avait lieu la troisième session du Grand Défi, vous êtes donc arrivés à la moitié de la phase délibérative. Quels enseignements tirez-vous de ces premières sessions ?

Ce qui m’a le plus marqué, c’est la notion de renoncement. Nous avons tendance à faire tout ce qui est à notre portée pour arriver à atteindre ce que nous souhaitons. Pourtant, à l’avenir, nous allons délibérément devoir nous dire “je pourrais faire cela, mais pour la planète, je vais y renoncer”. Si nous n’appliquons pas cette règle, les choses vont se faire plus tard, mais très brutalement.

À titre personnel, quelles seraient les grandes mesures à adopter d’urgence pour faire contribuer votre entreprise à la résolution des grands enjeux environnementaux et sociaux ?

Nous réfléchissons actuellement à l’emballage de nos produits. Ils sont emballés dans du plastique en raison de leur volume et des chocs qu’ils pourraient recevoir lors du transport. Nous avons longtemps cherché une alternative, la solution du carton a été envisagée avant d’être abandonnée car peu adaptée. Aujourd’hui, nous observons la situation autrement et nous nous interrogeons sur la réelle utilité d’emballer. Au vu de l’utilisation que nos clients font de nos produits, ces derniers sont automatiquement rayés dès le premier jour. Ainsi, est-il vraiment nécessaire de les protéger d’éventuelles rayures liées au transport ? Cette option pourrait être retenue, mais elle nécessite une certaine sensibilisation auprès de nos distributeurs et clients finaux.

Et aujourd’hui, dans quel état d’esprit êtes-vous face à la situation environnementale ?

Faire face aux enjeux environnementaux n’est pas simple pour un dirigeant. Je suis parfois amenée à me demander s’il existe une réelle possibilité de transformer le business.
Vu l’urgence de la situation, j’estime que nous devrions consacrer 90% du temps à changer les choses. Mais la réalité est toute autre : je suis tellement prise par mon activité et les autres enjeux qui en découlent, que seul 10% de mon temps est dédié à chercher des pistes d’action. Parfois, cela donne envie de tout arrêter et d’allouer mon temps entier pour la cause. Heureusement, des gens autour de moi me rappellent qu’il faut que je m’accroche, que je serai plus efficace à ma place, à sensibiliser d’autres personnes dans mon milieu et à tenter de changer mon modèle.

Pouvez-vous nous dire à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Je suis convaincue qu’une partie de la solution réside dans le très local. Je suis moi même située sur un territoire assez isolé des grands axes et je trouve que chacun vit de son côté. C’est assez regrettable que nous ne soyons pas capables de créer davantage de liens.
Là où pendant longtemps nous avons prôné la mondialisation et la spécialisation, je pense qu’il est désormais indispensable de savoir coopérer et de conjuguer différents savoir-faire. Il est incroyable de constater à quel point la difficulté fait tomber la notion de risque et engendre de la créativité. Par exemple, avec la multiplication par dix des prix du gaz, nous avons commencé à mettre en place des collectifs locaux. Nous nous sommes réunis avec les autres acteurs économiques de la zone industrielle pour envisager la création d’un parc solaire.

Le MOOC “Relever le défi du vivant” sortira le 7 novembre prochain. Les inscriptions sont ouvertes. Rencontre avec Philippe Grandcolas et Véronique Dham, deux de ses intervenants. 

Philippe Grandcolas est directeur  adjoint scientifique de l’Institut Écologie Environnement, l’un des 10 instituts du CNRS qui regroupe près de 70 laboratoires dans le domaine de l’écologie et de l’environnement. 

Véronique Dham est la fondatrice de Biodiv’corp, société de conseil spécialisée en biodiversité.

 

Pouvez-vous vous présenter ?

PG : Je suis directeur adjoint scientifique de l’Institut Écologie Environnement. Mon domaine de prédilection est l’évolution des insectes, ce qui m’a amené à observer l’environnement dans un certain nombre de pays du sud et à avoir une idée des politiques publiques menées dans ces pays.

J’ai également fondé et développé pendant 10 ans un laboratoire associé au MNHN. Il regroupait 200 scientifiques et travaillait sur des aspects très variés de la biodiversité.

VD : Je suis la fondatrice de Biodiv’corp, société de conseil spécialisée en biodiversité. J’ai créé en 2005 le métier de conseil en biodiversité en France. Aujourd’hui, je suis spécialisée sur le sujet de la biodiversité, quand d’autres acteurs du conseil interviennent sur le carbone, l’économie circulaire, etc…

 

Comment définiriez-vous la biodiversité ?

PG : C’est la diversité du vivant qui évolue et interagit à toutes les échelles, des molécules dans les organismes aux écosystèmes à l’échelle des continents et des océans.

VD : D’une manière très simple : le monde du vivant, dans toute sa diversité, du plus petit au plus gros. Le plus important reste d’aller au-delà de cette notion de faune et de flore, et d’analyser l’ensemble des interactions qui existent entre ces différentes espèces et entre les écosystèmes qui les hébergent.

 

On a peur de poser cette question, évidemment, mais elle est centrale, où en est la biodiversité aujourd’hui ?

PG : La biodiversité aujourd’hui est sur une très mauvaise trajectoire.

Depuis 300 à 400 ans, la population humaine se répand et intensifie ses modes de production industriels sur presque l’ensemble de la surface du globe. Les populations ont une capacité de conversion des milieux, de pollution, d’extraction et de contribution au changement climatique inégalée. Aujourd’hui, les circuits longs sont la règle, les transports aériens ainsi que la production agricole et industrielle ne cessent d’augmenter et ce sans rapport avec les besoins de l’espèce humaine. Finalement, le monde d’il y a quelques décennies n’existe plus.

La conséquence : la plupart des populations d’organismes sont en déclin. ⅓ à ⅔ de leurs effectifs ont déjà disparu ou sont en voie de disparition et une extinction de ces populations pourrait avoir lieu à la moitié du siècle, dans 20 à 30 ans. Ainsi, alors que la biodiversité nous assure des services quotidiens tels que l’eau, l’air, la nourriture, le climat, la protection contre les maladies, nous faisons face à une perte de services écosystémiques : certains milieux se désertifient, la production agricole plafonne, le nombre de maladies zoonotiques augmente.

Pour résumer, nous sommes dans une situation qui se détériore, du fait de l’influence conjointe du climat et des rétroactions négatives de la perte de la biodiversité sur le changement climatique. Ce n’est pas un tableau positif, mais je pense que nous devons être honnêtes pour nous permettre de changer les choses.

Le constat est édifiant, on parle de 6ème extinction des espèces. Le phénomène est-il en train de s’accélérer ?

PG : Oui tout à fait, et nous voyons seulement la partie émergée de l’iceberg. Aujourd’hui, deux millions d’espèces sont connues par la science et nous savons que cela ne représente qu’à peine le quart de l’ensemble des espèces. Toutes les projections statistiques confirment que les espèces inconnues sont en train de disparaître au même rythme que celles que nous connaissons.

Les causes varient évidemment en fonction des endroits : si l’on est en plein cœur d’une forêt tropicale, la problématique sera la réduction de la surface de cette forêt. Dans une zone agricole en Europe, les disparitions sont liées à l’épandage de pesticides. Si l’on est dans une zone subtropicale, ce seront les aléas climatiques ou l’altération des sols qui auront les plus gros effets. Dans tous les cas, le bilan global reste très négatif.

Pourtant, les écosystèmes peuvent se régénérer, n’est-ce pas ? Il n’est donc jamais trop tard pour agir ?

PG : Il n’est jamais trop tard certes, mais il faudra arriver à changer nos états d’esprit. Bien sûr, si nous regardons la situation d’une manière comptable, nous connaissons les mesures à prendre pour stopper le déclin de la biodiversité, voire lui permettre de se régénérer en quelques décennies.

Mais nous sommes tributaires de modes de production agricole et de modes d’élevage qui viennent nourrir certaines de nos habitudes telles que celle de manger de la viande à presque tous les repas. Nous avons également un défaut de perception et de compréhension de ce qu’est la biodiversité. Ces deux réalités combinées nous placent dans une situation où nous connaissons les remèdes, mais n’arrivons pas à les appliquer.

Appliquer une législation ne suffira pas, nous avons également besoin de changements culturels et structurels.

L’entreprise s’est emparée tard de ce sujet, encore plus tardivement que de la question climatique. Pourquoi ?

VD : Beaucoup de raisons peuvent l’expliquer… Premièrement, le climat a pris toute la place dans les débats médiatiques au cours des 15 dernières années, la biodiversité est très longtemps restée reléguée au second plan. Dès lors que le sujet était peu traité dans les médias, il était peu traité dans les entreprises.

Ensuite, quand le sujet du climat proposait des outils concrets aux entreprises, pour calculer leur empreinte carbone par exemple, il n’en existait aucun permettant de mesurer l’empreinte biodiversité. L’entreprise étant un milieu très pragmatique, il est indispensable de pouvoir quantifier, mesurer.

Enfin, le climat a eu une gouvernance mondiale plus organisée. Le GIEC a été mis en place près de 10 ans avant l’IPBES, qui est l’équivalent du GIEC pour la biodiversité. Cela donne une idée du retard qui a été pris sur la prise en compte des sujets de biodiversité.

Où en sont le monde économique et les entreprises aujourd’hui ?

VD : On assiste à un moment de bascule depuis environ deux/trois ans. Je pense que la prise de conscience des entreprises a eu lieu en 2019, lorsque l’IPBES a tenu sa plénière à Paris. C’est à ce moment que les médias ont commencé à relayer le sujet et qu’il est arrivé jusqu’au monde de l’entreprise

À l’époque, les constats faits par la plateforme internationale sont alarmants : les grandes causes de l’érosion de la biodiversité sont dues aux activités humaines, et donc aux activités économiques. Au rythme où vont les choses, la dégradation des écosystèmes constitue une réelle menace sur l’activité des entreprises. Se forment alors un certain nombre de coalitions, à l’initiative de grands groupes. Parmi elles : Act for Nature ou Business for Nature.

Dans le même temps, des réglementations émergent au niveau national et international.

Dernièrement, les médias ont davantage mis en avant les liens existants entre biodiversité et changement climatique. Les entreprises comprennent alors de plus en plus que les deux sujets sont liés et qu’il est contre-productif de les traiter séparément.

Enfin, le secteur de la finance s’empare du sujet, considérant que la chute de la biodiversité représente un véritable risque pour leurs investissements. Les entreprises sont alors encouragées à mener des évaluations pour mesurer leur empreinte biodiversité et à mettre en œuvre des actions concrètes pour réduire leur impact.

Vous avez tous les deux accepté d’intervenir dans notre MOOC “Relever le défi du vivant” et nous vous en remercions. Pourquoi ?

PG : Un effort de transmission des connaissances est à faire pour que les décisions adéquates soient prises. Si nous sommes des millions à nous comporter de manière cohérente avec l’environnement, nous aiderons la situation à aller mieux.

Attention toutefois, ces efforts doivent être globaux, équitables et consentis par l’ensemble de la société. Il n’est pas question de faire porter l’effort uniquement aux citoyens ou aux gouvernants.

Ce qui m’a plu dans l’initiative du MOOC réalisé par ENGAGE, c’est la dynamique et le discours percutant qui ouvrent la voie à de réels résultats. J’ai également apprécié la volonté affichée de transmettre un message scientifique. Car derrière toutes ces problématiques, se posent des questions scientifiques, autant sociologiques et politiques que biologiques et climatologiques.

VD : “Biodiversité” est un terme technique et il peut parfois être délicat de savoir ce qu’il signifie. Il est d’autant plus difficile d’établir des liens avec sa propre activité. Il y a toujours besoin d’expliquer, de sensibiliser et de former avant de commencer à mettre en place n’importe quel plan d’action.

Tous les outils à destination des salariés sont doublement bénéfiques : ils permettent d’agir dans le cadre de l’entreprise mais aussi en tant que citoyen.

L’épisode dans lequel vous intervenez dans le MOOC s’intitule “La biodiversité, c’est nous”. Quel est votre message ?

PG : Le message, c’est d’arrêter de nous positionner au-dessus du reste du vivant, avec cette vision dualiste et naïve selon laquelle il y aurait la nature d’un côté et les humains de l’autre. Cette vision, héritée de cultures occidentales classiques depuis 2 ou 3 siècles, est intenable.

Nous ne sommes rien d’autres qu’une espèce de primates ayant eu un succès évolutif foudroyant. Sur le plan de l’évolution, nous ne sommes pas déconnectés du reste du vivant. Nous sommes partie du vivant, nous dépendons du vivant et historiquement nous sommes issus du vivant.

L’un des objectifs du MOOC est de mettre en lumière les enjeux de biodiversité et leurs interrelations avec le monde de l’entreprise et de l’économie. Quelles sont les étapes fondamentales pour accélérer la transformation des entreprises sur ce sujet ?

VD : Les entreprises doivent réaliser un travail d’introspection et de diagnostic pour mettre le doigt sur leurs interactions et leurs dépendances en matière de biodiversité. Alors que nous savons que l’ensemble des secteurs économiques ont un impact, certaines entreprises ne se mobilisent pas car elles pensent à tort que leur secteur d’activité n’est pas concerné

Enfin, pouvez-vous nous dire à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

PG : Le futur désirable est un futur dans lequel les humains se réconcilient avec le reste du vivant, dans lequel ils le perçoivent et le considèrent. C’est aussi un futur dans lequel s’organise un partage équitable entre les humains. Dans mon monde désirable nous arrêtons de mettre en place des actions manichéennes telles que la suppression ou la multiplication d’espèces et nous conservons une dynamique qui a des effets positifs et durables sur les écosystèmes et sur nous.

VD : Je suis très optimiste de nature. Alors qu’il sera difficile d’inverser la courbe du changement climatique, nous pouvons y parvenir pour la biodiversité. Nous pouvons stopper l’érosion et être revenus à une situation relativement satisfaisante d’ici 2050.

Même si certaines espèces ont disparu et ne reviendront pas, peut-être que certaines se seront développées et que d’autres seront apparues.

J’imagine aussi un futur où l’environnement est beaucoup plus agréable, ou la nature est davantage intégrée à nos villes. J’imagine aussi des campagnes semblables à celles d’il y a 50 ans : des paysages avec des arbres, avec des mares et avec tout le cortège d’espèces que nous avions l’habitude de rencontrer dans ces écosystèmes.

Franck Galland est chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique et directeur du cabinet d’ingénierie-conseil (ES²), spécialisé en résilience urbaine.

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je suis chercheur associé à la Fondation pour la Recherche Stratégique et directeur du cabinet de conseil (ES)², spécialisé en résilience urbaine. Nous accompagnons les opérateurs de réseaux d’eau, d’assainissement, d’électricité ou de transports urbains à mieux gérer leurs situations de ruptures de continuité d’activité (dues à des évènements tels que les catastrophes naturelles, les incidents techniques ou les actes de malveillance). J’ai également été Directeur de la sûreté de SUEZ pendant 10 ans.

Récemment, j’ai publié « Guerre et eau : L’Eau, enjeu stratégique des conflits modernes », chez Robert Laffont.

Quels sont aujourd’hui les problèmes hydrologiques majeurs ?

Nous sommes confrontés à des modifications climatiques profondes qui nous font basculer dans un climat semi-aride : saisons sèches de plus en plus longues, saisons pluvieuses par intermittence, multiplication des épisodes de pluies très intenses, pouvant atteindre l’équivalent d’une année de précipitations sur 3 jours. L’été 2022 a été révélateur de ce qui nous attend dans l’avenir.

Par exemple, au mois de juillet 2022, il n’a plu que 9,7 mm en moyenne, ce qui a engendré un déficit pluviométrique de 88%. C’est ainsi la pire sécheresse en France depuis 1959. En parallèle, nous allons aussi connaître davantage d’évènements climatiques intenses, en témoignent les habitants de Corse, victimes de tempêtes ravageuses et mortelles cet été.

Les modèles climatiques annoncent d’ici 20 ans une baisse du débit des fleuves de 10 à 20% ainsi qu’une baisse du niveau des nappes de 20 à 30%.

À l’international, il existe une diagonale de la soif allant d’Afrique du Nord à l’Asie avec par exemple, l’Inde qui est confrontée à l’épuisement de ses eaux souterraines après les avoir utilisées de façon intensive pendant des années. La conséquence : 21 villes indiennes vont manquer d’eau à horizon 2030.

“Quand au siècle précédent nous avions un usage de l’eau principalement domestique, aujourd’hui, seul 1% de l’eau du robinet est bue”

 

Les images peu rassurantes se sont enchaînées tout l’été : Gorges du Verdon presque à sec, niveau de la Loire extrêmement bas, pour autant, ce n’est pas la première fois que notre civilisation connaît de telles sécheresses. Quelles sont les différences majeures avec les sécheresses précédentes ?

Les grandes différences sont essentiellement liées à l’accélération des conséquences du changement climatique et à l’usage que nous faisons de l’eau.

Dans notre domaine de l’hydraulique, le changement climatique a pour marqueur le manque d’eau. Oui, nous avions de grosses sécheresses auparavant (1976, 2003), mais nous étions sur des schémas classiques. Même chose pour les inondations aves des cinétiques de crues lentes, grâce aux sols qui respiraient. Nous n’étions pas confrontés à une telle artificialisation des surfaces, ni aux phénomènes accrus de stress hydrique dus à ce changement climatique.

S’il pleut en moyenne 960 millimètres d’eau par an, seulement 36% viennent augmenter le débit des fleuves et recharger les nappes. C’est ce qu’on appelle la “pluviométrie utile”. Moins nous aurons d’eau, moins nous bénéficierons de cette pluviométrie utile.

L’autre différence majeure, c’est l’eau de confort. Quand au siècle précédent nous avions un usage de l’eau principalement domestique, aujourd’hui, seulement 1% de l’eau du robinet est bue.

En quoi les activités humaines sont-elles tout ou partie responsables des sécheresses que nous vivons et allons vivre dans les prochaines années ?

En France, l’agriculture consomme beaucoup d’eau (44% des eaux consommées), lorsque l’usage domestique ne représente que 26% de la consommation totale.

Nous faisons également face à une surconsommation de l’eau pour des besoins très divers : nettoyage des voitures, remplissage des piscines ou encore réfrigération de centres de serveurs informatiques…

Concrètement, un centre serveur informatique moyen consomme 1250m3/an pour refroidir ses salles serveurs sur les 1700 m3/an qui lui sont livrés par le réseau d’eau municipal. C’est beaucoup trop.

Quelles sont pour vous les principales mesures à prendre pour gérer ces situations amenées à s’intensifier dans les prochaines années ?

Bien évidemment, il faut réformer nos usages, il n’est absolument pas normal d’utiliser de l’eau potable pour arroser des golfs ou des espaces verts. Pour cela, nous devons ouvrir le champ des possibles en matière d’offres alternatives. Parmi les plus efficaces, la réutilisation des eaux usées et le dessalement d’eau de mer. Aujourd’hui en France, nous réutilisons seulement 0,2% des eaux usées en circuit fermé, quand l’Israël parvient à en valoriser 87%.

Nous allons également devoir réformer nos pratiques agricoles grâce à l’irrigation intelligente ou au stockage d’eau l’hiver (pratique controversée s’il en est). Sur ce même sujet, se pose également le problème de certains élevages qui sont très consommateurs en eau. Plus généralement, il est urgent que les industries gourmandes en eau (industrie chimique, industrie papetière, data centers) mettent en place une vraie politique de réduction de consommation d’eau, tout en ayant une logique de transparence sur leur utilisation.

Il faut également investir à hauteur de 2 milliards d’euros par an sur l’efficience des réseaux urbains et ruraux. Alors que le Grenelle II prévoyait un taux de fuite à 15%, ce dernier ne descend pas en dessous de 20%. 900 000 kilomètres de réseau d’eau à entretenir en France coûte très cher mais est un passage obligé.

Il ne faut pas non plus négliger les actes citoyens : contrôler l’efficience de son électroménager, prendre une douche plutôt qu’un bain…

L’usage de méga-bassines et de forages est souvent défendu même si certains alertent sur des impacts négatifs sur la biodiversité, qu’en pensez-vous ?

Aujourd’hui, il nous faut passer au soutien d’étiage pour le refroidissement des centrales thermiques et nucléaires, comme pour d’autres usages, et notamment l’agriculture. Cela passera par des aménagements obligés destinés à stocker les pluies d’hiver*.
Il faut aussi être intelligents sur notre façon de rendre possible l’avenir des territoires. S’il faut continuer à investir massivement dans la fibre et la 5G, il faut aussi rendre prioritaire la digitalisation des réseaux d’eau et la réparation de leurs fuites.

* ajouter au débit naturel trop faible de la rivière un débit supplémentaire obtenu en déstockant l’eau de la retenue du barrage

Aujourd’hui, en plus d’un travail sur les innovations technologiques, une forme de sobriété ne doit-elle pas être promue en priorité ?

Oui bien sûr, tout un chacun doit faire preuve de sobriété. Mais si nous faisons des efforts à titre individuel, les grands consommateurs d’eau, cités précédemment, doivent être encore plus vertueux. D’autant plus qu’ils détiennent les moyens économiques et financiers pour s’offrir des solutions technologiques.

Enfin, à quoi ressemblent vos futurs désirables ?

Une France résiliente qui anticipe ses risques urbains et ruraux de meilleure manière et qui sait surtout y répondre.

Sophie Portier est exploratrice ENGAGE et responsable du Fonds Tourisme Durable au sein de l’ADEME. 

 

Pouvez-vous vous présenter ?  

Il y a 5 ans j’ai entamé une démarche de transition professionnelle. Cela a d’ailleurs commencé par le programme transformation d’Engage University : 10 jours pour questionner et comprendre les grands enjeux du XXIème siècle. Cela a été un vrai catalyseur de ma démarche et une rampe de lancement pour ce que je suis aujourd’hui. Je suis passée de marketeuse dans la cosmétique à responsable du Fonds Tourisme Durable à l’ADEME, l’agence de la transition écologique.
Sinon fan de sports d’eaux vives, je suis une coureuse de rivières. Vous me retrouverez pendant mes vacances la plupart du temps, une pagaie à la main… Ce contact avec les éléments me donne encore plus conscience de faire partie de ce grand tout !

 

Quels sont selon vous les 5 grands principes du tourisme durable ?

L’Organisme Mondial du Tourisme le définit comme « un tourisme qui tient pleinement compte de ses impacts économiques, sociaux et environnementaux actuels et futurs, en répondant aux besoins des visiteurs, des professionnels, de l’environnement et des communautés d’accueil ». Les principes du tourisme durable ont été définis en 1995 par le Comité 21 et actualisés en 2004 par le Comité de développement durable du tourisme de l’Organisation Mondiale du Tourisme (OMT) : ils sont applicables à toute forme et tout créneau touristique, jusqu’au tourisme de masse, dans tous types de destinations.

Le tourisme durable doit alors :

  • Sur le volet environnement : exploiter de façon optimale les ressources de l’environnement qui constituent un élément clé de la mise en valeur touristique, en préservant les processus écologiques essentiels et en aidant à sauvegarder les ressources naturelles et la biodiversité
  • Sur le volet social : respecter l’authenticité socioculturelle des communautés d’accueil, conserver leurs atouts culturels bâtis, ainsi que leurs valeurs traditionnelles et contribuer à l’entente et à la tolérance interculturelles
  • Sur le volet économique : assurer une activité économique viable sur le long terme offrant à toutes les parties prenantes des avantages socioéconomiques équitablement répartis, notamment des emplois stables, des possibilités de bénéfices, des services sociaux pour les communautés d’accueil, et contribuant ainsi à la réduction de la pauvreté

 

Quelles seraient les actions prioritaires pour freiner l’impact du tourisme sur le vivant ?

Le premier levier d’action est de miser sur la sobriété. Pourquoi nécessairement consommer plus pendant les vacances que durant toute l’année à la maison ? D’ailleurs, le tourisme peut être vecteur de sensibilisation et de changement de comportement. Ilse De Klijn mène une recherche sur le lien entre changement de comportement et expérience de la frugalité et sobriété pendant des vacances en randonnée itinérante. Elle démontre comment un comportement pendant les vacances peut être vecteur de changement dans sa vie de tous les jours.

En parallèle, il existe un réel enjeu de gestion des flux, aussi bien géographiques que temporels. Eviter que l’afflux de touristes ne se fasse au même endroit au même moment. Il y a une très forte concentration des touristes dans le monde. 95% des touristes se concentrent sur 5% des territoires du globe. La pression est donc très forte sur certains écosystèmes. Le tourisme est souvent le moteur de sa propre perte en détruisant ce qui fait les attraits d’un territoire tant par son patrimoine naturel que culturel. On tombe dans un cliché instagrammable de la planète où le touriste consomme des lieux et publie la photo clichée sans s’aventurer hors des sentiers battus. 2/3 des 18-34 ans choisissent une destination en fonction de son potentiel instagrammable. Le « #travel », c’est 637 millions de publication sur Instagram. Effrayant, n’est-ce pas ?

N’oublions pas également de replacer le tourisme international dans son contexte global. C’est l’apanage d’une minorité. 89% de la population mondiale n’a jamais pris l’avion !

“La régulation permet également une meilleure expérience touristique mais pose une question démocratique de l’accès à la nature”

 

Cet été, pour la première fois, trois sites Corses mais aussi les calanques de Cassis, mettront en place des quotas d’accès pour préserver la biodiversité. Cette initiative doit-elle et peut-elle devenir un modèle pour d’autres sites très visités ?

Cela reste à débattre : faut-il tout réguler pour mener à bien la transition écologique et la protection de la biodiversité ? On constate que l’auto-régulation ne marche pas ou très relativement. Il est possible de prendre l’exemple de la plage de Maya Bay en Thaïlande (le fameux lieu du film « La plage ») qui a été fermée aux touristes pendant plus de 3 ans pour restaurer l’écosystème marin ravagé par les touristes. Cela a permis une régénération de l’écosystème local et le retour d’espèces disparues du site. Depuis la réouverture, l’accès est régulé (division du nombre de touristes par 3) et la baignade interdite. En plus de la régulation, se pose la question de la gratuité de l’accès…

 

Sur le site vie-publique.fr, on lit que le secteur du tourisme est en grande croissance et que d’ici 2050 cette croissance aura pour effet d’accroître la consommation d’énergie de 154% et les émissions de GES de 131%. Comment inciter les professionnels du tourisme à promouvoir une forme de sobriété ?

Le secteur est en croissance continue. De 25 millions de touristes dans les années 50, nous étions avant la crise de la Covid-19 à 1,4 milliards de touristes. La Covid a ébranlé le tourisme pendant deux ans mais on fait face à un revenge tourisme. Le monde d’après ne semble pas se matérialiser quand on voit les aéroports bondés ou les taux de réservation qui reviennent au niveau de 2019. Certains acteurs du tourisme prennent cependant conscience que pour leur propre salut, le changement et l’adaptation sont nécessaires et incitent, par exemple, leurs clients à choisir le train. Des expérimentations sont réalisées en région par les comités régionaux du tourisme pour promouvoir leur destination différemment : la Bretagne ou la Nouvelle Aquitaine “sans ma voiture”, l’arrêt des campagnes de promotions des territoires auprès des touristes étrangers qui prendraient nécessairement l’avion pour venir, l’arrêt de la promotion en haute saison des territoires déjà saturés…

 

A ce propos, vous êtes à la tête du Fonds Tourisme Durable de l’ADEME. Votre mission est d’accompagner les acteurs de la restauration et de l’hébergement à mettre en place des actions réduisant l’impact de leurs activités sur l’environnement. En quoi consiste cet accompagnement ?

Le fonds tourisme durable a été lancé en avril 2021 dans le cadre de France Relance, le plan de relance du gouvernement. Nous ciblons les TPE-PME ayant une activité de restauration ou d’hébergements touristiques en zone rurale. Grâce aux partenaires du Fonds (CCI, Parcs Naturels régionaux, Comités départementaux du tourisme, fédérations professionnelles régionales etc…), nous proposons un accompagnement qui passe par un diagnostic gratuit et la proposition d’un plan d’actions. Au sein de ce plan d’actions, certains investissements peuvent recevoir une subvention du Fonds tourisme durable. A date nos partenaires ont accompagné plus de 2400 structures dans la phase de diagnostic. Plus de 1400 structures ont déposé un dossier de demande d’aide.

Certains bénéficiaires ont mis le pied à l’étrier grâce à l’accompagnement réalisé par le Fonds, d’autres témoignent même de l’accélération de leurs projets de transition écologique grâce aux subventions. Par ailleurs, le Fonds est également un écosystème d’acteurs qui se mettent au service de la transition écologique. Aujourd’hui, il évolue de l’urgence de la relance vers la transformation en profondeur des acteurs et est prolongé dans le cadre du plan Destination France, plan de transformation et reconquête du tourisme présenté en novembre 2021 par Jean Castex.

 

A terme, le Fonds Tourisme Durable a-t-il pour projet d’accompagner d’autres types de structures ?

Au 1er juillet, nous avons eu l’opportunité d’élargir le périmètre géographique pour plus de cohérence territoriale. 97,5% des communes sont éligibles.

Il existe un autre volet du fonds qui a pour but d’aider au développement des formes émergentes du tourisme : projet slow tourisme, agritourisme ou écotourisme. L’objectif est d’accompagner les acteurs dans les territoires pour proposer une nouvelle offre qui réponde aux attentes des consommateurs et à la nécessité de relocaliser le tourisme.

 

Bien évidemment, lorsque l’on parle de tourisme, vient également la problématique du transport, comment rendre plus désirable les voyages plus simples, plus locaux peut-être et moins énergivores ? Nous avons par exemple trouvé la campagne de publicité pour promouvoir le tourisme local en Allemagne particulièrement inspirante.

L’empreinte carbone du secteur est importante. En France, cela représente 11% des émissions de Gaz à Effet de Serre en comptabilisant le tourisme des Français en France et des étrangers qui viennent en France. Le transport représente effectivement 77% de cette empreinte dont 41% pour l’avion.

La covid a clairement posé l’enjeu du transport et d’un tourisme mondialisé. La dépendance aux touristes étrangers est apparue à l’ensemble des acteurs du tourisme. Les plus résilients étaient ceux qui avaient déjà une forte clientèle de proximité.

La question de la désirabilité et d’un nouveau récit est clé comme vecteur du changement. L’infographie « Des vacances au kilomètre », fruit du partenariat entre QQF (qu’est-ce qu’on fait), Réseau Action Climat et ADEME, sensibilise sur l’impact du tourisme sur le changement climatique et participe à déconstruire l’imaginaire de vacances réussies en partant dans des destinations lointaines. L’objectif est de montrer que notre beau pays regorge de lieux tout aussi beaux que des destinations très prisées à l’étranger.
Autre exemple sur la question de l’écriture d’un nouveau récit, l’espace de la Fondation EDF propose une exposition jusqu’au 29 janvier 2023 : « Faut-il voyager pour être heureux ? ». Des artistes nous invitent à réfléchir à notre conception du voyage et au lien que nous cultivons avec ce moment d’évasion !

 

Et enfin, Sophie, vos futurs désirables, à quoi ressemblent-ils ?

J’avoue qu’en ce moment je suis traversée par une grande vague d’éco anxiété. Par mes pratiques sportives en pleine nature pendant les vacances, je fais encore plus face aux impacts de l’activité humaine sur le vivant et l’environnement. La sécheresse de cet été est dramatique pour certaines rivières où je navigue. Donc là tout de suite mon futur désirable, c’est un monde où l’eau est préservée comme une ressource vitale pour l’ensemble du vivant et pas comme une ressource infinie…

Bernard Leca est professeur à l’ESSEC Business School, et le directeur académique de la Chaire Talents de la Transition Ecologique. 

 

Pouvez-vous vous présenter ? 

Je suis professeur à l’ESSEC, initialement de contrôle de gestion et directeur académique de la Chaire Talents de la Transition Ecologique depuis bientôt sept ans. J’ai suivi une formation de juriste en droit de l’environnement. A la fin de mes études, j’ai cherché du travail en tant qu’avocat en droit de l’environnement mais ce qui m’a été proposé ne me convenait pas. A l’époque, on traitait essentiellement de la pollution. Je me suis alors tourné vers la magistrature. Je suis devenu juge, j’ai écrit une thèse en parallèle puis je me suis intéressé de près à la responsabilité sociale des entreprises. Insatisfait de ce qui se fait en la matière, j’ai pris le virage de la transition, pour m’intéresser aux questions environnementales.

 

Pensez-vous que les acteurs de l’économie ont pris conscience de l’ampleur des bouleversements qu’implique la crise écologique?

Bien évidemment que non.

 

Quelles seraient justement, selon vous, les mesures ou les postures à la hauteur des enjeux ?

Que ce soit du côté du gouvernement ou des entreprises, la question à se poser est simple. A quoi ressemble une économie ou, dans le cas d’une entreprise, un business model dans un monde où le réchauffement climatique doit se limiter à 2 degrés ? Croyez moi, elle serait bien différente. Seule 3 entreprises du CAC40 rentreraient aujourd’hui dans un ‘crash test’ 2 degrés.

N’oublions pas non plus l’enjeu de la biodiversité. Je pense cependant que le sujet prioritaire reste celui du climat parce que, finalement, tout le reste disparait si la situation continue de s’aggraver.

‘A un moment donné, nous aurons à choisir entre l’OMC et le climat, et il faudra choisir le climat !’

 

Si vous deviez identifier des actions prioritaires, quelles seraient-elles ? 

Elément, je le sais controversé, il faut créer un mécanisme d’ajustement carbone aux frontières, à savoir la possibilité d’interdire certaines exportations pour des raisons climatiques. Il n’y a que l’Etat qui peut le faire. Aujourd’hui il y a un marché du carbone au niveau de l’Union Européenne qui attribue des quotas d’émissions de CO2 aux entreprises. Il faut taxer tous les produits en fonction d’une estimation carbone. Cela permettrait de rééquilibrer la concurrence avec les industriels européens. Bien évidemment cela s’oppose à la notion libre-échange défendue par l’OMC. A un moment donné nous aurons à choisir entre l’OMC et le climat, il faudra choisir le climat.

Mais bien d’autres mesures, à mes yeux, de bon sens, doivent être prises rapidement. Dans un premier temps il faut être beaucoup plus dur sur l’interdiction de l’avion. Selon moi il faudrait interdire les trajets aériens, dès lors que des solutions existent à moins de 4 heures de route, et les vols touristiques longs courriers. J’ai du mal à considérer des vacances en Thaïlande comme un besoin vital…C’est une activité que l’on doit maintenir pour des raisons professionnelles, à la limite.

Il faut limiter la vitesse sur les routes. Ainsi que la consommation de viande. Mais tout cela passe par des politiques publiques. Il faut aussi une politique très volontaire, surtout en France, sur l’isolation des bâtiments. Et mener une action publique sous forme de réglementation et de contraintes, par exemple, sur le poids des véhicules. On va observer une électrification des véhicules mais a-t-on réellement besoin d’électrifier des tanks ? Les batteries sont assez lourdes comme ça, et l’énergie trop précieuse. Pour moi c’est l’Etat qui doit intervenir en interdisant un certain nombre de choses et ne pas compter sur les particuliers. C’est toute la problématique que pose l’urgence. Arrêtons de déléguer. Les Etats n’ont pas le courage de prendre des décisions contraignantes aujourd’hui nécessaire. Il faut une vraie volonté politique relayée par les entreprises. Ce n’est pas encore le cas en France.

 

Sommes-nous en retard ?

Cela dépend, par rapport à qui et à quoi. Prenons l’exemple de l’Allemagne. Ils ont fait beaucoup d’erreurs et notamment en terme de consommation de charbon mais sur l’énergie solaire, ils sont en avance sur nous. Le solaire représente leur première source d’énergie en été. On peut toujours se comparer au global avec les Etats-Unis ou la Chine mais sur d’autres dimensions, on peut aussi trouver des exemples européens très inspirants qui peuvent nous conduire à évoluer.

‘La sobriété va à l’encontre de tout ce que l’on a développé depuis des siècles à savoir une logique d’accumulation et de surconsommation.’

 

Nous parlons plus et même enfin, pourrions-nous même dire, de sobriété. Le Giec en fait mention dans son dernier rapport. Que signifie-t-il pour vous ? 

Je ne suis pas certain que la notion de « sufficiency » qu’évoque le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) couvre la notion de sobriété.  Pour moi la sobriété c’est le fait de se poser la question de ce dont on a réellement besoin pour vivre plutôt que de se divertir. C’est un retour sur soi, une manière d’être dans le moment et de pouvoir être heureux en dehors des besoins matériels. La sobriété va à l’encontre de tout ce que l’on a développé depuis des siècles à savoir une logique d’accumulation et de surconsommation. La sobriété ce n’est pas de simplement se contenter de ce que l’on a, c’est apprendre à se débarrasser. C’est aussi apprendre à se détacher de notre dépendance numérique. J’aime par exemple le fait que cette interview m’ait été proposée par téléphone. On n’a pas besoin de se voir pour s’entendre, pour reprendre le slogan de l’ADEME. La sobriété doit être le premier des mouvements. L’innovation, la compensation ou l’efficacité sont importantes mais la sobriété est la clé.

 

Et vos futurs désirables, quels sont-ils ?

Je vais peut-être manquer d’originalité en citant le rapport de Brundtland*, mais je ne vois pas ce que je pourrais demander de plus. A savoir, arriver à assurer un modèle économique permettant aux générations futures de vivre et de s’épanouir. Ça me suffirait très largement mais c’est ambitieux…

 

Pour en savoir plus :

*Le Rapport Brundtland de Gro Harlem Brundtland

*Les limites de la croissance de Donella et Denis Meadows

 

Interview réalisée par Justine Villain